Attention, alerte au coup de foudre. Déjà que le livre commence avec un code QR qui nous mène à une trame sonore proposée pour la lecture du livre, je croyais rêver. Enfin, un auteur avait compris mon penchant pour les accords musique/mots. Je n'étais pas seul!
Puis, très tôt, on sait qu'on est en plein dans la musique, les ambiances sonores, les lieux de rencontre, les exutoires et les plaisirs. Subversif pour notre temps, ce roman est à l'inverse de notre société hyper visuelle. Ici, le décor est minimal, mais l'ambiance est à son maximum. Les descriptions de musiques, de sons et de shows atteignent des hauteurs que j'ai rarement exploré en lisant. Adeptes de sans alcool et de cooconing à la maison devant votre écran pour une série télé, ne manquez pas ce livre, car vous serez totalement dépaysés: c'est l'exact contraire de votre vie.
Yannick Marcoux raconte un barman, sa profession, ses horaires, sa vie sociale, ses interactions, son environnement. Déjà, juste pour ça, c'est pasionnant, parce que le portrait est empreint de respect. Ses descriptions vont au-delà des idées reçues du personnage à la vie dissolue qu'on s'en fait habituellement. Oui, la vie est toute autre. Oui, il y a de l'alcool et, comme on se rapporte à il y a quelques années, il y a de la fumée. On se couche tard, la vie sociale se mèle à la vie professionnelle, mais la beauté de ce livre, ce sont ses portraits d'humains. Des clients habitués aux membres du personnel qui tiennent quasiment de la légende, Marcoux peint une galerie de personnages passionnants et aussi beaux les uns que les autres.
Ici, le méchant, c'est le temps, qui avance inexorablement, tant pour les personnages que pour la société. Dans ce livre, le bar montréalais, personnage central, changera au fil de son voisinage, de ses employés et de ses clients. Certains épisodes sont épiques, qu'il s'agisse d'un hold-up ou d'un spectacle.
Il faut redire que Yannick Marcoux parle de musique avec une délicatesse remarquable. J'ai été vraiment ému de sa description de pièces ou d'interprétations, de performances de musiciens sur scène ou sur disque. Ses décors sont faits de notes et d'odeurs. La bière donne soif et le bruit enveloppe, malgré les excès de chacun, que l'auteur décrit avec des mots justes, dans une langue facile à lire, qui coule aussi facilement qu'un fut dans une choppe ou qu'une mélodie d'un instrument.
Lire ce livre est une succession de beaux moments, souvent touchants, jamais ennuyants, d'un monde trop souvent mal aimé, mais tellement nécessaire. Superbe, et très réussi!
lundi 30 décembre 2024
mardi 17 décembre 2024
La part de l'océan, de Dominique Fortier, éditions Alto
C'est mon premier Dominique Fortier. Les thèmes de ses livres précédents ne m'appelaient pas, mais je reconnaissais la grande autrice par tout ce que je lisais sur elle. Cette fois, le thème m'a plu: Herman Melville est en train d'écrire Moby Dick et il en parle avec son ami, Nathaniel Hawthorne.
Fortier nous emmène rapidement au-delà des simples conversations entre auteurs. Chacun admire l'autre et pour Melville, c'est bien plus que de l'admiration qu'il éprouve pour son ami. On parle d'obsession, d'un besoin, de quelque chose d'aussi malsain que de superbe, de violent et de tendre. Ajoutez le décor du 19e sièce, la Nouvelle-Angleterre, et vous avez un tableau parfait pour... mais c'est pas tout à fait ça.
/br> À cette histoire, l'autrice en mèle une autre, personnelle, avec un personnage, un écrivain, avec qui elle vit le même type d'admiration commune.
Sans avoir rien lu d'elle, je crois être entré dans le monde de Dominique Fortier avec un vent de face. Ce livre m'a demandé du travail. J'étais sur le point de décrocher que je raccrochais avec un instant sublime. Puis, je décrochais encore, et ainsi de suite.
Faut dire que l'autrice nous fait naviguer sur plusieurs eaux en même temps, entre son histoire personnelle, celle, passionnante, des deux auteurs américains, mais aussi de celle de la femme de Melville, solitaire dans un monde de mots et de gens, en plus des humeurs imprévisibles de son mari, et de tout ce qui se passe autour d'eux.
C'est sans doute un livre sur l'écriture, ce qu'est écrire, pourquoi on le fait, mais aussi, surtout, pour qui. Comme une huitre difficile à ouvrir, La part de l'océan contient des perles. Les passions décrites sont fortes, superbes et parfois incompréhensibles. C'est beau, mais comme aimer sans savoir si on est aimé en retour, c'est parfois difficile.
Fortier nous emmène rapidement au-delà des simples conversations entre auteurs. Chacun admire l'autre et pour Melville, c'est bien plus que de l'admiration qu'il éprouve pour son ami. On parle d'obsession, d'un besoin, de quelque chose d'aussi malsain que de superbe, de violent et de tendre. Ajoutez le décor du 19e sièce, la Nouvelle-Angleterre, et vous avez un tableau parfait pour... mais c'est pas tout à fait ça.
/br> À cette histoire, l'autrice en mèle une autre, personnelle, avec un personnage, un écrivain, avec qui elle vit le même type d'admiration commune.
Sans avoir rien lu d'elle, je crois être entré dans le monde de Dominique Fortier avec un vent de face. Ce livre m'a demandé du travail. J'étais sur le point de décrocher que je raccrochais avec un instant sublime. Puis, je décrochais encore, et ainsi de suite.
Faut dire que l'autrice nous fait naviguer sur plusieurs eaux en même temps, entre son histoire personnelle, celle, passionnante, des deux auteurs américains, mais aussi de celle de la femme de Melville, solitaire dans un monde de mots et de gens, en plus des humeurs imprévisibles de son mari, et de tout ce qui se passe autour d'eux.
C'est sans doute un livre sur l'écriture, ce qu'est écrire, pourquoi on le fait, mais aussi, surtout, pour qui. Comme une huitre difficile à ouvrir, La part de l'océan contient des perles. Les passions décrites sont fortes, superbes et parfois incompréhensibles. C'est beau, mais comme aimer sans savoir si on est aimé en retour, c'est parfois difficile.
mardi 26 novembre 2024
Oiseaux de passage, par Fernando Aramburu, éditions Actes Sud
Le gars décide qu'il mourra dans un an, à une date précise. Il lui reste donc un an. Le livre est l'histoire de cette année, mois par mois, entremêlée de flashbacks de la vie du narrateur.
Prof au secondaire avec une vie plus qu'ordinaire, la plupart de ses relations ont été désastreuse. Ce fut l'horreur avec son ex, son frère, son père (classique), mais aussi son fils, avec qui la relation est franchement pathétique. Reste peut-être sa mère, mais aussi, et surtout, un ami qui pend une place importante dans cette dernière année de vie, ainsi qu'une autre ex (avant la mère de son enfant), qui s'immice joliment vers la fin.
Autre personnage important: la ville. Cette histoire se passe à Madrid. On en sort à peine. L'auteur la parcourre en tout sens. Côté dépaysement, c'est parfait et trèes réussi.
J'ai peu lu d'auteurs espagnols, sauf Eduardo Mendoza, dont j'adore les sarcasmes et les situations dérisoires. J'ai reconnu beaucoup de ça avec Aramburu. Son narrateur parle des autres et de lui avec beaucoup d'ironie. Avec son ami, ils critiquent autant la société espagnole que leurs propres vies ordinaires, avec énormément d'autodérision. C'est là toute la saveur de ce livre, qui, fort heureusement, a réussi à passer par dessus son côté plus déplaisant: son machisme. Ce n'est rien de fort ni de violent, mais un genre de constante qui fait passer les personnages féminins pour hyper-sensibles ou folles, et quelques remarques un peu bébêtes. Bien sur, ça contribue souvent à donner un certain ton à l'histoire, mais à force, il y a plusieurs cas, dans ces quelque 600 pages où j'ai trouvé que l'auteur poussait un peu fort.
Culturel? No sé. Peut-être, mais c'est un raccourci qui me semble facile. Reste que le machisme ordinaire crée des situations ou des impressions qui se racontent bien, faut l'admettre. Volontaire ou pas? Je ne sais pas, pour n'avoir rien lu d'autre d'Aramburu.
Au-delà de ça, Oiseaux de passages a été un bon séjour à Madrid, dont la fin touchante ne laisse pas indifférent. C'est une belle diversion de mes lectures habituelles.
Prof au secondaire avec une vie plus qu'ordinaire, la plupart de ses relations ont été désastreuse. Ce fut l'horreur avec son ex, son frère, son père (classique), mais aussi son fils, avec qui la relation est franchement pathétique. Reste peut-être sa mère, mais aussi, et surtout, un ami qui pend une place importante dans cette dernière année de vie, ainsi qu'une autre ex (avant la mère de son enfant), qui s'immice joliment vers la fin.
Autre personnage important: la ville. Cette histoire se passe à Madrid. On en sort à peine. L'auteur la parcourre en tout sens. Côté dépaysement, c'est parfait et trèes réussi.
J'ai peu lu d'auteurs espagnols, sauf Eduardo Mendoza, dont j'adore les sarcasmes et les situations dérisoires. J'ai reconnu beaucoup de ça avec Aramburu. Son narrateur parle des autres et de lui avec beaucoup d'ironie. Avec son ami, ils critiquent autant la société espagnole que leurs propres vies ordinaires, avec énormément d'autodérision. C'est là toute la saveur de ce livre, qui, fort heureusement, a réussi à passer par dessus son côté plus déplaisant: son machisme. Ce n'est rien de fort ni de violent, mais un genre de constante qui fait passer les personnages féminins pour hyper-sensibles ou folles, et quelques remarques un peu bébêtes. Bien sur, ça contribue souvent à donner un certain ton à l'histoire, mais à force, il y a plusieurs cas, dans ces quelque 600 pages où j'ai trouvé que l'auteur poussait un peu fort.
Culturel? No sé. Peut-être, mais c'est un raccourci qui me semble facile. Reste que le machisme ordinaire crée des situations ou des impressions qui se racontent bien, faut l'admettre. Volontaire ou pas? Je ne sais pas, pour n'avoir rien lu d'autre d'Aramburu.
Au-delà de ça, Oiseaux de passages a été un bon séjour à Madrid, dont la fin touchante ne laisse pas indifférent. C'est une belle diversion de mes lectures habituelles.
dimanche 20 octobre 2024
Held, par Anne Michaels, McClelland & Stewart éditeur
J'ai été sur un petit nuage. Je sors de ce livre plein de respect pour une autrice d'une sensibilité exceptionnelle.
À elles seules, les 25 premières pages vous happent. Un homme est étendu dans une tranchée de la Première guerre mondiale. Il ne sait trop s'il est mort ou vivant. Ses pensées voyagent entre des souvenirs du passé et la réalité, où un autre homme est allongé près de lui en le fixant de ses yeux restés ouverts après la mort.
On retrouve ensuite cet homme et ses pensées qui le poursuivent quelque deux années plus tard. Cette proximité de la mort le hante. Il passe maintenant sa vie en sachant la mort tout près, partout. Cette obsession le suivra jusqu'à sa mort inéluctable, et comme la vie des disparus qu'il mélangeait avec la sienne, comme si des morts poursuivaient des moments de vie par son intermédiaire, son obsession se transmettra à travers celles et ceux qui le suivront.
On retrouvera plus loin sa fille, puis sa petite fille qui, elles aussi, auront un fort désir de vivre, toujours en étant en proximité avec la mort, quelque soit l'époque.
Ça peut paraître morbide, mais c'est d'une luminosité incroyable. Anne Michaels nous dit, dans ses mots vraiment superbes, que la vie se poursuit de toutes sortes de façons, par le souvenir, par nos actions, et par nos amours. Cette autrice décrit l'amour, celui entre deux êtres et celui de la vie, d'une façon splendide. On parlera de poésie pour décrire son écriture. Je n'en suis pas certain. L'autrice utilise des images tellement claires et belles pour décrire des sentiments, des situations, que ça va de soit.
Ses personnages sont tendres, vulnérables et sensibles. Personne ne crie dans ce livre, et si ça arrive, on le devine à travers un chagrin, une stupeur, ou un départ trop rapide. Held est vraiment écrit finement, tout en nous gardant captivé avec ses personnages pleins de volonté, de désir d'agir, d'intervenir, de mordre dans la vie, et de ceux qui les attendent ou qui les voient partir. C'est touchant sans bon sens, beau, délicat, bref...
Ouf.
Held vient de sortir en version française par la traduction de Dominique Fortier sous le titre Étreintes, aux éditions Alto. Anne Michaels est une autrice canadienne que je ne connaissais pas et que je suis trop heureux d'avoir découvert.
À elles seules, les 25 premières pages vous happent. Un homme est étendu dans une tranchée de la Première guerre mondiale. Il ne sait trop s'il est mort ou vivant. Ses pensées voyagent entre des souvenirs du passé et la réalité, où un autre homme est allongé près de lui en le fixant de ses yeux restés ouverts après la mort.
On retrouve ensuite cet homme et ses pensées qui le poursuivent quelque deux années plus tard. Cette proximité de la mort le hante. Il passe maintenant sa vie en sachant la mort tout près, partout. Cette obsession le suivra jusqu'à sa mort inéluctable, et comme la vie des disparus qu'il mélangeait avec la sienne, comme si des morts poursuivaient des moments de vie par son intermédiaire, son obsession se transmettra à travers celles et ceux qui le suivront.
On retrouvera plus loin sa fille, puis sa petite fille qui, elles aussi, auront un fort désir de vivre, toujours en étant en proximité avec la mort, quelque soit l'époque.
Ça peut paraître morbide, mais c'est d'une luminosité incroyable. Anne Michaels nous dit, dans ses mots vraiment superbes, que la vie se poursuit de toutes sortes de façons, par le souvenir, par nos actions, et par nos amours. Cette autrice décrit l'amour, celui entre deux êtres et celui de la vie, d'une façon splendide. On parlera de poésie pour décrire son écriture. Je n'en suis pas certain. L'autrice utilise des images tellement claires et belles pour décrire des sentiments, des situations, que ça va de soit.
Ses personnages sont tendres, vulnérables et sensibles. Personne ne crie dans ce livre, et si ça arrive, on le devine à travers un chagrin, une stupeur, ou un départ trop rapide. Held est vraiment écrit finement, tout en nous gardant captivé avec ses personnages pleins de volonté, de désir d'agir, d'intervenir, de mordre dans la vie, et de ceux qui les attendent ou qui les voient partir. C'est touchant sans bon sens, beau, délicat, bref...
Ouf.
Held vient de sortir en version française par la traduction de Dominique Fortier sous le titre Étreintes, aux éditions Alto. Anne Michaels est une autrice canadienne que je ne connaissais pas et que je suis trop heureux d'avoir découvert.
dimanche 13 octobre 2024
Dents de fortune, par Fanie Demeule, éditions Hamac
Belle découverte d'un roman dont le caractère historique se retrouve dans la finesse de la langue et du quotidien, plutôt que dans la Grande Histoire.
L'autrice raconte une jeune habitante des Îles-de-la-Madeleine qui quittera ses terres et sa famille pour aller vivre à Montréal. Situé il y a une centaine d'années, le récit décrit d'abord magnifiquement la vie extrèmement difficile des Madelinots de l'époque. Bien sur, il y a la mer omniprésente et tout ce qu'elle représente pour les insulaires, mais aussi l'isolement, la crise économique, et surtout, le sentiment d'étouffement que des jeunes, comme l'héroïne, pouvaient ressentir.
On se transporte ensuite en train avec elle jusqu'à Montréal où là aussi, la vie de ces nouveaux habitants arrivés avec rien et prêts à tout pour gagner un peu d'argent, est raconté finement.
La recherche historique se sent tout au long du livre. Elle est saupoudrée avec doigté dans la description d'un paysage, d'une habitude ou d'un métier, ce qui rend le livre aussi intéressant que captivant. Gros coup de coeur pour l'utilisation de mots et expressions tirés de la langue des Madelinots. Il faut souligner avec quelle habileté Fanie Demeule insère ces mots. Ça se fait sans clichés, sans italiques ni guillemets ni incises, comme si ces mots appartenaient autant au lecteur qu'aux personnages. C'est très bien amené, il faut le souligner.
Le dernier quart du livre commence avec un grand drame qui donne un autre ton à la dernière partie du livre, où les événements se bousculent en peu par rapport aux trois premiers quarts. À mon sens, quelques pages supplémentaires n'auraient pas été superflues pour nous permettre d'atterir un peu moins abruptement.
Reste que Dents de fortune est une belle réussite, sobre, hyper bien documentée, teinté d'une belle poésie et d'un amour certain des personnages par son autrice.
L'autrice raconte une jeune habitante des Îles-de-la-Madeleine qui quittera ses terres et sa famille pour aller vivre à Montréal. Situé il y a une centaine d'années, le récit décrit d'abord magnifiquement la vie extrèmement difficile des Madelinots de l'époque. Bien sur, il y a la mer omniprésente et tout ce qu'elle représente pour les insulaires, mais aussi l'isolement, la crise économique, et surtout, le sentiment d'étouffement que des jeunes, comme l'héroïne, pouvaient ressentir.
On se transporte ensuite en train avec elle jusqu'à Montréal où là aussi, la vie de ces nouveaux habitants arrivés avec rien et prêts à tout pour gagner un peu d'argent, est raconté finement.
La recherche historique se sent tout au long du livre. Elle est saupoudrée avec doigté dans la description d'un paysage, d'une habitude ou d'un métier, ce qui rend le livre aussi intéressant que captivant. Gros coup de coeur pour l'utilisation de mots et expressions tirés de la langue des Madelinots. Il faut souligner avec quelle habileté Fanie Demeule insère ces mots. Ça se fait sans clichés, sans italiques ni guillemets ni incises, comme si ces mots appartenaient autant au lecteur qu'aux personnages. C'est très bien amené, il faut le souligner.
Le dernier quart du livre commence avec un grand drame qui donne un autre ton à la dernière partie du livre, où les événements se bousculent en peu par rapport aux trois premiers quarts. À mon sens, quelques pages supplémentaires n'auraient pas été superflues pour nous permettre d'atterir un peu moins abruptement.
Reste que Dents de fortune est une belle réussite, sobre, hyper bien documentée, teinté d'une belle poésie et d'un amour certain des personnages par son autrice.
mardi 1 octobre 2024
Amiante, de Sébastien Dulude, éditions La Peuplade
J'y suis entré de travers, mais j'en suis sorti bien droit. C'est un livre beau et lent, étrange et exigeant, qui mérite son succès, mais qui me fait me poser encore beaucoup de questions.
La force de ce livre, c'est son ambiance. C'est comme si une brûme ou une fine pellicule de poussière enveloppait tout. Dulude raconte un personnage dont l'enfance et l'adolescence sont marqués chacun par un drame. En trame de fond, une cité minière où la beauté est rare, tant chez les gens que dans ce qui les entoure. On dirait que tout y est lent, comme les gros camions, et dur, comme la pierre qui explose à la mine. Dulude raconte ça sans cris, sans flafla, souvent avec des images très belles et d'autres parfois un peu alambiquées, avec tellement de flou qu'on se frotte un peu les yeux (c'est-à-dire: on relit une deuxième fois) pour bien être certain de ce qu'on a compris. Ou on relit parce que c'est tout simplement beau.
Les années 80 et 90, où les deux épisodes de la vie du personnage se passe, ajoutent une touche nostalgique de cette époque, ce qui nous permet de mettre un peu plus de couleurs dans les décors intérieurs que ceux, plus durs, de l'extérieur, qu'ils soient industriels ou forestiers.
Amiante, c'est de la dureté racontée avec douceur, et c'est là, à mon sens, où réside l'exploit. Il mérite son succès, c'est certain, mais...
J'y suis entré de travers à cause du bruit: on a beaucoup moussé son succès critique européen avant même sa sortie. Bon, on peut pas être contre le succès, surtout s'il est mérité, mais était-ce un gage de succès populaire? Puis, en le terminant, j'ai pensé à des auteurs comme Sophie Bienvenu, Jean-Christophe Réhel, ou Larry Tremblay, par exemple et je me suis demandé pourquoi ils n'avaient pas eu le même succès critique européen avant leurs sorties respectives, eux aussi.
Bref, c'est l'industrie, je sais, mais y'a un risque. Tant mieux si Amiante fait son chemin de par le monde après un départ canon. Le risque en valait la chandelle. Mais j'aimerais bien que d'autres paroles du même côté du monde que le mien puissent prendre le même chemin, en bénéficiant de la même lumière.
La force de ce livre, c'est son ambiance. C'est comme si une brûme ou une fine pellicule de poussière enveloppait tout. Dulude raconte un personnage dont l'enfance et l'adolescence sont marqués chacun par un drame. En trame de fond, une cité minière où la beauté est rare, tant chez les gens que dans ce qui les entoure. On dirait que tout y est lent, comme les gros camions, et dur, comme la pierre qui explose à la mine. Dulude raconte ça sans cris, sans flafla, souvent avec des images très belles et d'autres parfois un peu alambiquées, avec tellement de flou qu'on se frotte un peu les yeux (c'est-à-dire: on relit une deuxième fois) pour bien être certain de ce qu'on a compris. Ou on relit parce que c'est tout simplement beau.
Les années 80 et 90, où les deux épisodes de la vie du personnage se passe, ajoutent une touche nostalgique de cette époque, ce qui nous permet de mettre un peu plus de couleurs dans les décors intérieurs que ceux, plus durs, de l'extérieur, qu'ils soient industriels ou forestiers.
Amiante, c'est de la dureté racontée avec douceur, et c'est là, à mon sens, où réside l'exploit. Il mérite son succès, c'est certain, mais...
J'y suis entré de travers à cause du bruit: on a beaucoup moussé son succès critique européen avant même sa sortie. Bon, on peut pas être contre le succès, surtout s'il est mérité, mais était-ce un gage de succès populaire? Puis, en le terminant, j'ai pensé à des auteurs comme Sophie Bienvenu, Jean-Christophe Réhel, ou Larry Tremblay, par exemple et je me suis demandé pourquoi ils n'avaient pas eu le même succès critique européen avant leurs sorties respectives, eux aussi.
Bref, c'est l'industrie, je sais, mais y'a un risque. Tant mieux si Amiante fait son chemin de par le monde après un départ canon. Le risque en valait la chandelle. Mais j'aimerais bien que d'autres paroles du même côté du monde que le mien puissent prendre le même chemin, en bénéficiant de la même lumière.
dimanche 22 septembre 2024
Coco nade, par Julien Beaupré, éditions de la Maison en feu
Voilà un livre qui m'a déstabilisé comme lecteur. Ça m'a fait du bien, puisque ça s'est quand même fait en douceur. Merci à l'auteur. Mais ça s'est aussi malheureusement fait aux détriments du livre.
J'ai été interpellé par ce qu'on en disait: des bribes d'une enfance passée dans un coin de planète dont on entend peu parler: le Témiscamingue. C'est effectivement le cas pour une bonne moitié du livre et cette portion-là est savoureuse. Beaupré prend un ton un peu badin mais respectueux pour décrire l'environnement et les gens. On s'amuse bien et on s'émeut de portraits de gens rendus avec une belle chaleur. À travers ce récit, l'auteur introduit d'abord quelques impressions sur l'état (le métier? je sais pas trop) d'écrivain qu'il est en train de devenir. Puis, ce récit de soi se transforme lentement en une fiction imaginaire où il fait entrer des personnages eux aussi tirés de son enfance, dont principalement son frère. Toujours raconté avec le même ton plutôt goguenard, ce récit glisse dans un monde imaginaire qui, à force, me faisait un peu regretter de ne pas revenir dans les descrpitions nostalgiques de l'enfance du narrateur.
C'est un imaginaire très doux. Ça m'a fait penser à quelquechose entre Raymond Queneau et Boris Vian. C'est bien écrit, bien maitrisé mais pour ma part, mis ensemble, le récit de l'enfance et celui du monde imaginaire ont eu trop peu à m'offrir. Je suis comme resté sur ma faim.
Ceci dit, l'univers onirique et nostalgique m'ont été sympathiques. C'est peut-être seulement son agencement qui m'a perdu un peu.
J'ai été interpellé par ce qu'on en disait: des bribes d'une enfance passée dans un coin de planète dont on entend peu parler: le Témiscamingue. C'est effectivement le cas pour une bonne moitié du livre et cette portion-là est savoureuse. Beaupré prend un ton un peu badin mais respectueux pour décrire l'environnement et les gens. On s'amuse bien et on s'émeut de portraits de gens rendus avec une belle chaleur. À travers ce récit, l'auteur introduit d'abord quelques impressions sur l'état (le métier? je sais pas trop) d'écrivain qu'il est en train de devenir. Puis, ce récit de soi se transforme lentement en une fiction imaginaire où il fait entrer des personnages eux aussi tirés de son enfance, dont principalement son frère. Toujours raconté avec le même ton plutôt goguenard, ce récit glisse dans un monde imaginaire qui, à force, me faisait un peu regretter de ne pas revenir dans les descrpitions nostalgiques de l'enfance du narrateur.
C'est un imaginaire très doux. Ça m'a fait penser à quelquechose entre Raymond Queneau et Boris Vian. C'est bien écrit, bien maitrisé mais pour ma part, mis ensemble, le récit de l'enfance et celui du monde imaginaire ont eu trop peu à m'offrir. Je suis comme resté sur ma faim.
Ceci dit, l'univers onirique et nostalgique m'ont été sympathiques. C'est peut-être seulement son agencement qui m'a perdu un peu.
dimanche 15 septembre 2024
Je est un autre, par Jon Fosse, éditions Christian Bourgois
Je m'étonne encore d'aimer autant Jon Fosse, de trouver dans ses livres quelque chose qui me réconforte. Et pourtant, le narrateur qui se raconte dans cette trilogie est l'incarnation même de l'angoisse. Jamais, je crois, un auteur n'a aussi bien rendu tout ce qui passe par la tête d'un angoissé. Et pourtant, c'est bon et beau comme un poème.
Comme dans le premier livre, on retourne dans la tête d'Asle, qui associe le moment présent à ses souvenirs, ses espoirs passés et ses craintes à venir. " Aie-je bien vécu ma vie? ", se demande-t-il, à travers ses préoccupations pour son ami malade et ses questionnements sur sa profession d'artiste peintre.
Comme la voiture dans laquelle il aime se retrouver pour calmer ses pensées, on embarque avec lui dans ses divagations où, dans une seule phrase, il passe du présent au passé, et du passé au présent. Son angoisse est immense, oui, mais son coeur est bon, et c'est pourquoi, si on se laisse porter par cette écriture dense, on s'attache à lui. Ses questionnements sont les nôtres, ses impressions autres aussi. En tout cas, moi, ça me convient parfaitement.
Quant à tout ce qu'il dit sur l'art, de l'importance qu'elle a dans sa vie, on ne veut que l'appuyer, faire comme lui, qui nous invite même à remplacer sa peinture à lui par la littérature, avec laquelle on fait sa connaissance. Y'a quelque chose de subtil, dans cette oeuvre, qui nous dit: Profitez de ce que vous aimez. L'art ne fait de mal à personne. Sachez l'apprécier, il est partout, au-delà de la vie et de la mort.
Je suis content d'avoir découvert Jon Fosse, et j'espère que d'autres que moi en feront la découverte. Pour l'anecdote, je dirais qu'il est cet autre norvégien, après Knausgaard, dont le style aurait dû avoir un effet repoussoir, mais non. Y'a une magie qui s'opère, et j'embarque. Bon, Fosse, c'est pas Knausgaard, quoi que... Si vous avez aimé le premier, je vous invite à découvrir l'autre.
Et puis bon, pas me retenir, je pousserais bien un petit "Vive la Norvège", tiens.
Comme dans le premier livre, on retourne dans la tête d'Asle, qui associe le moment présent à ses souvenirs, ses espoirs passés et ses craintes à venir. " Aie-je bien vécu ma vie? ", se demande-t-il, à travers ses préoccupations pour son ami malade et ses questionnements sur sa profession d'artiste peintre.
Comme la voiture dans laquelle il aime se retrouver pour calmer ses pensées, on embarque avec lui dans ses divagations où, dans une seule phrase, il passe du présent au passé, et du passé au présent. Son angoisse est immense, oui, mais son coeur est bon, et c'est pourquoi, si on se laisse porter par cette écriture dense, on s'attache à lui. Ses questionnements sont les nôtres, ses impressions autres aussi. En tout cas, moi, ça me convient parfaitement.
Quant à tout ce qu'il dit sur l'art, de l'importance qu'elle a dans sa vie, on ne veut que l'appuyer, faire comme lui, qui nous invite même à remplacer sa peinture à lui par la littérature, avec laquelle on fait sa connaissance. Y'a quelque chose de subtil, dans cette oeuvre, qui nous dit: Profitez de ce que vous aimez. L'art ne fait de mal à personne. Sachez l'apprécier, il est partout, au-delà de la vie et de la mort.
Je suis content d'avoir découvert Jon Fosse, et j'espère que d'autres que moi en feront la découverte. Pour l'anecdote, je dirais qu'il est cet autre norvégien, après Knausgaard, dont le style aurait dû avoir un effet repoussoir, mais non. Y'a une magie qui s'opère, et j'embarque. Bon, Fosse, c'est pas Knausgaard, quoi que... Si vous avez aimé le premier, je vous invite à découvrir l'autre.
Et puis bon, pas me retenir, je pousserais bien un petit "Vive la Norvège", tiens.
mardi 3 septembre 2024
Demon Copperhead, par Barbara Kingsolver, éditions Harper & Collins
Je viens de passer un épisode lumineux de ma vie de lecteur avec Damon Copperhead, un grand livre, c'est certain.
Barbara Kinsolver, que je lisais pour la première fois, campe son histoire en pleine culture américaine blanche et pauvre dans un comté rural de Virginie. Ces gens se définissent eux-mêmes de rednecks. Or, qui sont-ils? Pourquoi leur colle-t-on tous les défauts du monde? Pourquoi toute cette condescendance? Pourquoi cette culture de loosers?
L'histoire se passe principalement au début des années 2000. La plupart des personnages sont jeunes, de parents absents parce que souvent décédés. L'espérance de vie est peu élevée dans ces régions et on devient le plus souvent parent lorsqu'on est adolescent. Les enfants sont élevés par qui le peut: grand-parents, voisins, services sociaux. Damon est issu de tout ça, avec tout ce qui va avec ce contexte. Orphelin dès 11 ans, il vivra sa vie comme il peut en foyers d'accueil, fera une fugue, vivra une rédemption et arrivera ce qui arrive encore trop souvent: l'oxycontin, ses dérivés et ses conséquences.
Kinsolver raconte cette courte vie comme une épopée, à travers une gallerie de personnages hallucinants. Bien sur, il y a les éclopés, ainsi que les profiteurs, les scélérats, mais aussi, ici et là, des êtres d'une humanité forte et belle. Le résilient Damon naviguera de l'un à l'autre. Faux amis, professeurs bienveillants, coach de sport alcolo, et fille de voisins amis se succéderont au fil de ses lourdes peines et de sa découverte du monde, difficile comme ça s'peut pas.
Attention: vous serez bouleversé à la fin de ce livre où les couches de violence se superposent à celles de bienveillance. Les dialogues sont superbes, et les sentiments décrits sont d'une rare intensité, beaux, précis. Barbara Kingsolver est certainement une grande autrice. Vive ces Américains qui nous font découvrir ce pays incroyable d'un point de vue rendu trop rare, celui de l'intérieur, tant du peuple de ce pays que de son âme.
Superbe roman (disponible en français chez Albin Michel).
Barbara Kinsolver, que je lisais pour la première fois, campe son histoire en pleine culture américaine blanche et pauvre dans un comté rural de Virginie. Ces gens se définissent eux-mêmes de rednecks. Or, qui sont-ils? Pourquoi leur colle-t-on tous les défauts du monde? Pourquoi toute cette condescendance? Pourquoi cette culture de loosers?
L'histoire se passe principalement au début des années 2000. La plupart des personnages sont jeunes, de parents absents parce que souvent décédés. L'espérance de vie est peu élevée dans ces régions et on devient le plus souvent parent lorsqu'on est adolescent. Les enfants sont élevés par qui le peut: grand-parents, voisins, services sociaux. Damon est issu de tout ça, avec tout ce qui va avec ce contexte. Orphelin dès 11 ans, il vivra sa vie comme il peut en foyers d'accueil, fera une fugue, vivra une rédemption et arrivera ce qui arrive encore trop souvent: l'oxycontin, ses dérivés et ses conséquences.
Kinsolver raconte cette courte vie comme une épopée, à travers une gallerie de personnages hallucinants. Bien sur, il y a les éclopés, ainsi que les profiteurs, les scélérats, mais aussi, ici et là, des êtres d'une humanité forte et belle. Le résilient Damon naviguera de l'un à l'autre. Faux amis, professeurs bienveillants, coach de sport alcolo, et fille de voisins amis se succéderont au fil de ses lourdes peines et de sa découverte du monde, difficile comme ça s'peut pas.
Attention: vous serez bouleversé à la fin de ce livre où les couches de violence se superposent à celles de bienveillance. Les dialogues sont superbes, et les sentiments décrits sont d'une rare intensité, beaux, précis. Barbara Kingsolver est certainement une grande autrice. Vive ces Américains qui nous font découvrir ce pays incroyable d'un point de vue rendu trop rare, celui de l'intérieur, tant du peuple de ce pays que de son âme.
Superbe roman (disponible en français chez Albin Michel).
lundi 29 juillet 2024
Comme un long accident de char, par Joël Martel, éditions La Mèche
Il faut d'abord dire que le titre est superbe, et il l'est d'autant plus qu'il est tiré d'une superbe métaphore utilisée par l'auteur dans son livre. Ce qui est "Comme un long accident de char", Martel en parle joliment, et avec le regard du connaisseur, de celui qui sait de ce dont il parle. Ses histoires personnelles de rencontres avec la mort sont non seulement sympathiques, mais aussi pleines de respect pour les petitesses et les grandeurs des personnages qu'il décrit. J'aime bien lorsque l'auteur aime les gens. Ça se sent, même à travers la description de leurs défauts les plus sordides.
Martel écrit avec plein de couleurs. Ses portraits des gens de son entourage donnent à chacun des traits particuliers qui nous les rendent sympatiques, d'autant plus que l'environnement dans lequel tout ce beau monde gravite n'est pas nécessairement le plus beau. Pas le pire, mais, mais pas éclatant non plus. La vie, dans une petite ville comme Alma, dans le Lac St-Jean que je qualifierais de "non touristique", est beaucoup plus jolie lorsque c'est quelqu'un qui la connaît par coeur qui la décrit. Pour ça, Martel en est un excellent ambassadeur.
Les portraits de vies comme comme ceux d'un tel livre peuvent facilement tomber dans le misérabilisme ou la douce revenge,par exemple, ce qui peut gâter la sauce. C'est le contraire ici, comme d'ailleurs avec cet autre des éditions La Mèche, que j'ai eu le plaisir de lire juste avant. Bravo à cet éditeur qui sait trouver de bons raconteurs. Je viens d'en décourir deux de suite et je suis agréablement étonné.
Qu'on s'y reconnaisse ou pas, ce type de récit fait du bien et finit par nous toucher beaucoup. Faut dire que Martel garde les moments les plus forts pour la fin. N'empêche, on ne s'ennuit pas avec lui, même que j'en aurais bien pris quelques pages de plus.
Recommandé!
Martel écrit avec plein de couleurs. Ses portraits des gens de son entourage donnent à chacun des traits particuliers qui nous les rendent sympatiques, d'autant plus que l'environnement dans lequel tout ce beau monde gravite n'est pas nécessairement le plus beau. Pas le pire, mais, mais pas éclatant non plus. La vie, dans une petite ville comme Alma, dans le Lac St-Jean que je qualifierais de "non touristique", est beaucoup plus jolie lorsque c'est quelqu'un qui la connaît par coeur qui la décrit. Pour ça, Martel en est un excellent ambassadeur.
Les portraits de vies comme comme ceux d'un tel livre peuvent facilement tomber dans le misérabilisme ou la douce revenge,par exemple, ce qui peut gâter la sauce. C'est le contraire ici, comme d'ailleurs avec cet autre des éditions La Mèche, que j'ai eu le plaisir de lire juste avant. Bravo à cet éditeur qui sait trouver de bons raconteurs. Je viens d'en décourir deux de suite et je suis agréablement étonné.
Qu'on s'y reconnaisse ou pas, ce type de récit fait du bien et finit par nous toucher beaucoup. Faut dire que Martel garde les moments les plus forts pour la fin. N'empêche, on ne s'ennuit pas avec lui, même que j'en aurais bien pris quelques pages de plus.
Recommandé!
dimanche 21 juillet 2024
Mélasse de fantaisie, par Francis Ouellette, éditions La Mèche
Ceci n'est pas un livre triste, contrairement à ce que plusieurs en ont dit, ce qui d'ailleurs, m'a fait attendre si longtemps avant de le lire. Je redoutais quelque chose de violent et de lugubre. Violent ça l'est, mais comme certaines vies le sont parce que le réflèxe d'auto-défense est à "on" en permanence.
En parallèle aux premières années de sa vie, Francis Ouellette décrit la vie de son quartier, et d'un milieu dont on a peine à s'imaginer qu'il existe encore. Et pourtant oui, de ce côté du monde, il existe encore de ces natifs de vieilles familles qui se sont transmis des guides de survie pour tout héritage. Les personnages décrits par l'auteur vivent dans le strict nécessaire, sans s'imaginer que ça puisse changer. Ces gens n'ont pas appris à s'imaginer autrement que ce qu'ils sont. Alors c'est au plus fort la poche, et pas de pitié pour les faibles, ce qui inclut les enfants.
Ouellette décrit sans filtre un monde vraiment très dur, mais avec une constante qui ressort à quelques endroits dans son récit: mais qu'-est-ce qu'y fait que je reviens ici? Plusieurs fois, il décrit le quartier comme "son" quartier, "son" monde. En fait, ce livre en est un d'identité, où on assiste à un genre de coming out dont on entend peu parler: proclamer son identité sans honte, en l'assumant, quelle qu'elle soit.
C'est ce que j'ai ressenti en lisant le récit de cet auteur qui sait mettre des touches de poésie et de tendresse dans ce que d'aucuns qualifieraient de trash, et qui sait aussi nous décrire des images d'amour tellement crues qu'on se demande si c'est bien ça. Mais oui, on voit bien qui protège qui, et quand, malgré tout ce qui virevolte et tout ce qui se crie. À lire un livre comme ça, on constate que mal aimer, c'est aimer quand même.
Mélasse de fantaisie a soulevé ma révolte, mon indignation, m'a foutu en colère et m'a fait m'attendrir devant des personnages qui se croient faibles mais qui, au bout du compte, sont sans doute cent fois plus fort que moi. C'est écrit avec fougue, beaucoup d'honnetêté et des mots justes que j'espère lire encore dans d'autres titres.
Premier livre réussi!
En parallèle aux premières années de sa vie, Francis Ouellette décrit la vie de son quartier, et d'un milieu dont on a peine à s'imaginer qu'il existe encore. Et pourtant oui, de ce côté du monde, il existe encore de ces natifs de vieilles familles qui se sont transmis des guides de survie pour tout héritage. Les personnages décrits par l'auteur vivent dans le strict nécessaire, sans s'imaginer que ça puisse changer. Ces gens n'ont pas appris à s'imaginer autrement que ce qu'ils sont. Alors c'est au plus fort la poche, et pas de pitié pour les faibles, ce qui inclut les enfants.
Ouellette décrit sans filtre un monde vraiment très dur, mais avec une constante qui ressort à quelques endroits dans son récit: mais qu'-est-ce qu'y fait que je reviens ici? Plusieurs fois, il décrit le quartier comme "son" quartier, "son" monde. En fait, ce livre en est un d'identité, où on assiste à un genre de coming out dont on entend peu parler: proclamer son identité sans honte, en l'assumant, quelle qu'elle soit.
C'est ce que j'ai ressenti en lisant le récit de cet auteur qui sait mettre des touches de poésie et de tendresse dans ce que d'aucuns qualifieraient de trash, et qui sait aussi nous décrire des images d'amour tellement crues qu'on se demande si c'est bien ça. Mais oui, on voit bien qui protège qui, et quand, malgré tout ce qui virevolte et tout ce qui se crie. À lire un livre comme ça, on constate que mal aimer, c'est aimer quand même.
Mélasse de fantaisie a soulevé ma révolte, mon indignation, m'a foutu en colère et m'a fait m'attendrir devant des personnages qui se croient faibles mais qui, au bout du compte, sont sans doute cent fois plus fort que moi. C'est écrit avec fougue, beaucoup d'honnetêté et des mots justes que j'espère lire encore dans d'autres titres.
Premier livre réussi!
dimanche 14 juillet 2024
Un jardin l'hiver, par Clara Grande, éditions Le Cheval d'août
Ce livre raconte, en de courts tableaux, les interactions d'une préposée avec la clientèle d'un centre de réadaptation attenant à un CHSLD (une résidence de soin pour personnes âgées). L'autrice les entremêle à des épisodes de sa vie personnelle où la recherche de l'âme-soeur prend un part importante. Bien que l'époque soit celle juste après la pandémie, les scènes décrites ne tournent pas autour de tout ce qu'on a entendu de triste et d'épouvantable pendant cette période. Il s'agit plutôt de scènes de la vie quotidienne vécues par quelqu'un qui les côtoie de près. Chaque tableau est court, une page ou deux, l'écriture est simple, très factuelle et douce. La narratrice aborde ses patients comme la vie, avec délicatesse. Cette approche en fait un livre facile à lire et touchant.
Il porte aussi à réfléchir, pas tant par les histoires qui y sont racontées que par la façon dont les personnages sont abordés.
On constate souvent qu'en littérature, les personnages agés sont abordés comme on le fait avec des personnages d'enfant: ils sont souvent les faire-valoir des personnages principaux qui sont le plus souvent au mitan de leur vie, ou à peu près. La place que les personnages plus vieux prennent est bien souvent une représentation de leur faiblesse et de tout ce qu'ils sont en train de perdre. C'est touchant, toujours, et c'est parfois mignon ou attendrissant parce qu'on s'attarde sur leurs réflexions dites à chaud, sans filtre, comme le font les enfants.
C'est ainsi que ces personnages prennent leur place dans ce jardin d'hiver. Ils ne font que passer, comme d'ailleurs les gars que l'autrice rencontre au fil de rendez-vous pris via une application de rencontres. Des patients dont elle s'occupe, on n'a conscience que d'une partie de leur vie, la dernière. Pour les gens qu'elle rencontre, c'est pareil, elle les juge sur une impression reliée au présent. Or, tous sont le résultat d'un passé, d'un environnement dans lequel ils gravitent. Si on prenait le temps, on ferait plein de belles rencontres.
C'est ce qu'il m reste de ce livre tendre et furtif, une impression de frustration de n'avoir pas pu en faire plus, d'avoir pu aller plus loin. Mais si on est sensibles aux gens, alors on peut en retirer de beaux moments.
Un livre à lire doucement, en appréciant le temps présent.
Il porte aussi à réfléchir, pas tant par les histoires qui y sont racontées que par la façon dont les personnages sont abordés.
On constate souvent qu'en littérature, les personnages agés sont abordés comme on le fait avec des personnages d'enfant: ils sont souvent les faire-valoir des personnages principaux qui sont le plus souvent au mitan de leur vie, ou à peu près. La place que les personnages plus vieux prennent est bien souvent une représentation de leur faiblesse et de tout ce qu'ils sont en train de perdre. C'est touchant, toujours, et c'est parfois mignon ou attendrissant parce qu'on s'attarde sur leurs réflexions dites à chaud, sans filtre, comme le font les enfants.
C'est ainsi que ces personnages prennent leur place dans ce jardin d'hiver. Ils ne font que passer, comme d'ailleurs les gars que l'autrice rencontre au fil de rendez-vous pris via une application de rencontres. Des patients dont elle s'occupe, on n'a conscience que d'une partie de leur vie, la dernière. Pour les gens qu'elle rencontre, c'est pareil, elle les juge sur une impression reliée au présent. Or, tous sont le résultat d'un passé, d'un environnement dans lequel ils gravitent. Si on prenait le temps, on ferait plein de belles rencontres.
C'est ce qu'il m reste de ce livre tendre et furtif, une impression de frustration de n'avoir pas pu en faire plus, d'avoir pu aller plus loin. Mais si on est sensibles aux gens, alors on peut en retirer de beaux moments.
Un livre à lire doucement, en appréciant le temps présent.
mercredi 3 juillet 2024
Qui a tué mon père, par Édouard Louis, éditions du Seuil
C'est parce que je l'ai entendu quelques fois en entrevue et qu'on en a parlé pas mal à cause de son dernier livre, Monique s'évade, que je me suis dit qu'il me fallait retourner à Édouard Louis. Pour en finir avec Eddy Bellegueule m'avait jeté par terre, mais j'ai comme eu peur de retourner à ses vérités, son monde et sa hargne. J'avais le souvenir de quelque chose de si chargé émotivement qu'il me semblait devoir être prêt mentalement à me replonger dans son oeuvre.
J'avais raison.
Mais... l'indignation de cet auteur est esentielle, en tout cas pour quelqu'un pour moi qui ne lit ou ne prend connaissance d'opinions que par les médias, rarement par les livres. Édouard Louis raconte les travers de ce monde en racontant celui qui fut le sien entre 0 et 20 ans. Il sait donc de quoi il parle, c'est son histoire.
Ici, sa relation avec son père est le prétexte pour raconter, en même pas 100 pages, l'insondable grisaille qui entoure un large pan de la population qui ne se raconte pas par lui-même. Il faut que quelqu'un s'en extraie pour qu'on nous en parle. Ces quartiers, ces appartements où on devine un monde parallèle dont on ne veut pas trop connaître les détails, ce sont autant de petites Corée du Nord, d'Afghanistan locaux dont on n'a pas de nouvelles. Alors quand c'est raconté par un écrivain de talent, on porte une attention à ce monde qu'autrement on ignore plus ou moins volontairement. C'est ce que j'appelle "faire oeuvre utile", et c'est tout à son honneur.
Édouard Louis n'es pas un prêchi-prêcha, mais un reporter. Je crois qu'il faut le voir comme ça. Qui a tué son père? C'est à chaque lecteur de répondre après avoir pris connaissance des portions de sa vie que son fils raconte avec une distance dans l'espace et dans le temps. Bon. Non, c'est pas un polar. C'est plutôt une enquête qu'on mène avec l'auteur. C'est pas sordide, mais profondément triste, pas (trop) violent physiquement, mais psychologiquement éprouvant.
Bref, pour qui cherche des réponses à ce que notre époque est en train de devenir, franchement, y'a là-dedans de vrais bons indices.
J'avais raison.
Mais... l'indignation de cet auteur est esentielle, en tout cas pour quelqu'un pour moi qui ne lit ou ne prend connaissance d'opinions que par les médias, rarement par les livres. Édouard Louis raconte les travers de ce monde en racontant celui qui fut le sien entre 0 et 20 ans. Il sait donc de quoi il parle, c'est son histoire.
Ici, sa relation avec son père est le prétexte pour raconter, en même pas 100 pages, l'insondable grisaille qui entoure un large pan de la population qui ne se raconte pas par lui-même. Il faut que quelqu'un s'en extraie pour qu'on nous en parle. Ces quartiers, ces appartements où on devine un monde parallèle dont on ne veut pas trop connaître les détails, ce sont autant de petites Corée du Nord, d'Afghanistan locaux dont on n'a pas de nouvelles. Alors quand c'est raconté par un écrivain de talent, on porte une attention à ce monde qu'autrement on ignore plus ou moins volontairement. C'est ce que j'appelle "faire oeuvre utile", et c'est tout à son honneur.
Édouard Louis n'es pas un prêchi-prêcha, mais un reporter. Je crois qu'il faut le voir comme ça. Qui a tué son père? C'est à chaque lecteur de répondre après avoir pris connaissance des portions de sa vie que son fils raconte avec une distance dans l'espace et dans le temps. Bon. Non, c'est pas un polar. C'est plutôt une enquête qu'on mène avec l'auteur. C'est pas sordide, mais profondément triste, pas (trop) violent physiquement, mais psychologiquement éprouvant.
Bref, pour qui cherche des réponses à ce que notre époque est en train de devenir, franchement, y'a là-dedans de vrais bons indices.
dimanche 30 juin 2024
Le miraculé, par William S. Messier, éditions Le Quartanier
Beau plaisir de lecture à savourer pendant les vacances ou un week-end de farniente, Le miraculé raconte une période de vie où l'anodin cachait de l'extraordinaire. Et au-delà du récit, c'est aussi une écriture très dynamique qui rend captivants les souvenirs d'enfance et d'adolescence de l'auteur.
Dans la première moitié du livre, Messier fait la démonstration qu'on n'a pas à être quadragénaire (ou à peu près) pour arriver à rendre sa vie passée intéressante. Puissant conteur, ses mots nous font souvent rire ou nous attendrir. C'est le portrait d'une époque, les années 90, vu par un adulte en devenir qui ne sait pas ce que la vie lui résèrve.
Puis, arrive, et c'est très curieux, un drame qui n'est pas arrivé, c'est ce qui rend de récit unique. Messier raconte comment il est passé, non sans quelques conséquences désagréables, à peu de choses près de voir sa vie basculer. C'est le genre d'histoire qu'on aurait très bien pu inventer, et que ce soit arrivé à quelqu'un rend le récit d'autant plus intéressant.
Ce qui aurait pu être mélodramatique ne l'est pas. C'est plutôt une très sympathique ôde à la vie que ce jeune quarantenaire nous livre. Ça en fait un récit tout à fait approprié pour une période de calme, ou pour vous réconcilier avec la vie, ou pour faire une pause après un ou des livre(s) qui vous auraient brassé les shakras un peu trop fort.
Je termine en mentionnant, sourire en coin, que j'ai hésité un peu avant de me le procurer. Pour tout vous dire, le titre ne m'inspirait pas grand chose qui puisse me plaire. Mais des blogues comme celui-ci m'ont mis la puce à l'oreille, et ils avaient raison.
Ce Miraculé est une belle réussite.
Dans la première moitié du livre, Messier fait la démonstration qu'on n'a pas à être quadragénaire (ou à peu près) pour arriver à rendre sa vie passée intéressante. Puissant conteur, ses mots nous font souvent rire ou nous attendrir. C'est le portrait d'une époque, les années 90, vu par un adulte en devenir qui ne sait pas ce que la vie lui résèrve.
Puis, arrive, et c'est très curieux, un drame qui n'est pas arrivé, c'est ce qui rend de récit unique. Messier raconte comment il est passé, non sans quelques conséquences désagréables, à peu de choses près de voir sa vie basculer. C'est le genre d'histoire qu'on aurait très bien pu inventer, et que ce soit arrivé à quelqu'un rend le récit d'autant plus intéressant.
Ce qui aurait pu être mélodramatique ne l'est pas. C'est plutôt une très sympathique ôde à la vie que ce jeune quarantenaire nous livre. Ça en fait un récit tout à fait approprié pour une période de calme, ou pour vous réconcilier avec la vie, ou pour faire une pause après un ou des livre(s) qui vous auraient brassé les shakras un peu trop fort.
Je termine en mentionnant, sourire en coin, que j'ai hésité un peu avant de me le procurer. Pour tout vous dire, le titre ne m'inspirait pas grand chose qui puisse me plaire. Mais des blogues comme celui-ci m'ont mis la puce à l'oreille, et ils avaient raison.
Ce Miraculé est une belle réussite.
samedi 22 juin 2024
If, de Julien Gravelle, éditions Lemeac
Quel plaisir lorsque votre deuxième expérience de l'oeuvre d'un auteur est meilleure que la première. Pas que Les cowboys sont fatigués m'avait déplu, mais il ne m'avait pas enthousiasmé autant que cet If.
Les 146 pages du livre racontent un mythe familial qui s'étend sur 4 générations, ce qui est déjà un tour de force. Et au-delà du mythe, il y a un personnage primordial: le décor. Flanquée au nord du Lac-St-Jean, cette histoire sent le résineux et la poussière. Gravelle campe son histoire à l'orée de la forêt boréale, près des villages qui vivent de la récolte du bois, dans des chemins récemments défrichés par les jobbeux ou, plus récemment, par les chars des travailleurs forestiers.
Les humains sont taiseux. On est loin du roman d'amour filial, de la terre ou de quoi que ce soit. Mais, et c'est là où luit l'écriture de Gravelle, on se transporte de génération en génération et de sentier en sentier dans une connaissance fine du bois, de son ambiance, de ce qu'il procure de bon et de mauvais.
Ce n'est pas un roman de forêt douceureuse féérique, mais du bois, proprement dit, comme dans "aller dans l'bois" pour y travailler, y fuir quelque chose ou quelqu'un, et rarement pour s'y promener par plaisir.
Les quelques dialogues sont courts, mais vrais. On y perçoit l'accent du coin, et aussi, parfois, celui de l'auteur d'origine française dans quelques descriptions dont celles un peu clichés mais sympathiques de vieux pick-ups. Ah, le bon vieux Chevy...
Il faut lire ce livre pour son ambiance, ses personnages durs, pas nécessairement attachants mais pas désagréables non plus, sauf exception. Dans If, on tombe amoureux d'un sentier tout croche qui débouche sur nulle part, juste parce qu'on sait que c'est pas si loin ni exotique, mais que c'est quand même un tout autre monde. Julien Gravelle nous y emmène avec conviction parce qu'on sent combien il aime ce décor, qu'il nous amène à aimer avec lui. C'est un livre réussi, à lire cet été!
Les 146 pages du livre racontent un mythe familial qui s'étend sur 4 générations, ce qui est déjà un tour de force. Et au-delà du mythe, il y a un personnage primordial: le décor. Flanquée au nord du Lac-St-Jean, cette histoire sent le résineux et la poussière. Gravelle campe son histoire à l'orée de la forêt boréale, près des villages qui vivent de la récolte du bois, dans des chemins récemments défrichés par les jobbeux ou, plus récemment, par les chars des travailleurs forestiers.
Les humains sont taiseux. On est loin du roman d'amour filial, de la terre ou de quoi que ce soit. Mais, et c'est là où luit l'écriture de Gravelle, on se transporte de génération en génération et de sentier en sentier dans une connaissance fine du bois, de son ambiance, de ce qu'il procure de bon et de mauvais.
Ce n'est pas un roman de forêt douceureuse féérique, mais du bois, proprement dit, comme dans "aller dans l'bois" pour y travailler, y fuir quelque chose ou quelqu'un, et rarement pour s'y promener par plaisir.
Les quelques dialogues sont courts, mais vrais. On y perçoit l'accent du coin, et aussi, parfois, celui de l'auteur d'origine française dans quelques descriptions dont celles un peu clichés mais sympathiques de vieux pick-ups. Ah, le bon vieux Chevy...
Il faut lire ce livre pour son ambiance, ses personnages durs, pas nécessairement attachants mais pas désagréables non plus, sauf exception. Dans If, on tombe amoureux d'un sentier tout croche qui débouche sur nulle part, juste parce qu'on sait que c'est pas si loin ni exotique, mais que c'est quand même un tout autre monde. Julien Gravelle nous y emmène avec conviction parce qu'on sent combien il aime ce décor, qu'il nous amène à aimer avec lui. C'est un livre réussi, à lire cet été!
mercredi 12 juin 2024
Baumgartner, par Paul Auster, éditions Leméac/Actes Sud
Baumgartner confirme que Paul Auster aura été un des meilleurs raconteurs de relations. Qu'elles aient été familiales, amicales ou amoureuses, il les aura décrites sous tous leurs angles, en sachant mettre la lumière sur ce qu'elles contiennent de plus beau.
Beaumgartner est un vieil écrivain qui se remémore sa relation avec sa compagne décédée il y a une dizaine d'années. Il parle de ce qui fut et de ce qui reste. Ça fait une tonne de souvenirs rendus radieux par la patine du temps. Ça aussi, Auster l'a bien cerné: le temps fait bien les choses.
On ne tombe pas à la renverse en sortant de Baumgartner, mais quand même émus, comme lorsqu'un ami qu'on aime s'en va pour longtemps. Plus que le monde des personnages d'Auster, ce sont ses lunettes, sa façon de voir le monde qui me manquera, son optimisme réaliste, ses personnages blessés mais résilients, et surtout, amoureux.
Qui a aimé Auster aimera Baumgartner et qui ne connaît pas Auster a ici la belle occasion de le découvrir "à l'envers". Découvrir un auteur de cette trempe en commençant par sa dernire oeuvre me semble une idée formidable, d'autant plus qu'après, vous aurez le plaisir immense de vous plonger dans 4-3-2-1, une oeuvre que je me plais à énumérer parmi mes favorites à vie.
Et que vivent encore longtemps les belles histoires de Paul Auster!
Beaumgartner est un vieil écrivain qui se remémore sa relation avec sa compagne décédée il y a une dizaine d'années. Il parle de ce qui fut et de ce qui reste. Ça fait une tonne de souvenirs rendus radieux par la patine du temps. Ça aussi, Auster l'a bien cerné: le temps fait bien les choses.
On ne tombe pas à la renverse en sortant de Baumgartner, mais quand même émus, comme lorsqu'un ami qu'on aime s'en va pour longtemps. Plus que le monde des personnages d'Auster, ce sont ses lunettes, sa façon de voir le monde qui me manquera, son optimisme réaliste, ses personnages blessés mais résilients, et surtout, amoureux.
Qui a aimé Auster aimera Baumgartner et qui ne connaît pas Auster a ici la belle occasion de le découvrir "à l'envers". Découvrir un auteur de cette trempe en commençant par sa dernire oeuvre me semble une idée formidable, d'autant plus qu'après, vous aurez le plaisir immense de vous plonger dans 4-3-2-1, une oeuvre que je me plais à énumérer parmi mes favorites à vie.
Et que vivent encore longtemps les belles histoires de Paul Auster!
mardi 28 mai 2024
Terrasses ou notre long baiser si longtemps retardé, par Laurent Gaudé, éditions Actes Sud/Leméac
Avertissement: il n'est pas recommandé de lire ce livre dans un endroit public. Je l'ai lu dans un train: c'était une mauvaise idée, parce qu'il me semble à peu près impossible de retenir ses larmes, aussi subtiles soient-elles, en parcourant ce récit.
Gaudé donne la parole à celles et ceux qui ont vécu, de l'intérieur ou de juste à côté, les attentats de Paris de novembre 2015. Terrasses, Bataclan, toutes les scènes y sont, mais aussi, et surtout, tous les acteurs, tant victimes que secouristes, parents, témoins, nettoyeurs. En quelque 132 pages, l'auteur fait se raconter des anonymes qui ont vécu ces horreurs. Il ne s'agit pas de témoignages, comme Carrère l'avait fait dans V13, mais plutôt de paroles données à autant de narrateurs qui n'en font qu'un. C'est comme si l'auteur se dédoublait et devenait chacune des personnes qui racontent.
Touchant: le mot est faible. On revit la violence de l'événement en se mettant à la place de ceux qui les ont vécues, mais après coup. Ces paroles sont celles qu'on raconte longtemps après un événement, alors qu'on est enfin capable de parler du pire avec un ton posé. C'est en tout cas l'effet que donne ce livre. Plus qu'un récit des événements, c'est plutôt un genre de bilan, un constat.
C'est écrit sobrement, avec une douceur à propos, et beaucoup de respect. En fait, c'est aussi un hommage à ceux qui racontent.
N'en demeure pas moins qu'il s'en dégage une tristesse infinie, beaucoup de résilience, et, pour ma part, des malaises difficiles à définir. Oui, il faut raconter ces horreurs. Qu'elles se soient produites dans une ville truffée d'écrivains de talent comme Laurent Gaudé fait en sorte qu'on puisse encorer en parler avec autant de compassion. Alors qu'est ce qui m'a causé ces malaises? La violence incontournable et tout ce sang? Le "ils" lorsqu'il parle des auteurs de l'attentat, un "ils" sans nom, ouvert, plein de ressentiment? La description du potentiel érotique de la rencontre de deux femmes décrit par un auteur masculin? Le fait qu'au moment de lire ce livre, les infos me parlent d'autres victimes qui subissent des violences semblables ailleurs et dont je me demande si elles auront, elles aussi, d'aussi beaux hommages pour raconter leurs peines immenses? Je sors de cette lecture avec des sentiments mélangés.
Reste que ce livre est d'une habileté que seul un grand auteur peut maitriser. Les mots sont superbes, le ton juste, et malgré tout, étonnament enveloppant. Plus qu'un récit, c'est une expérience de lecture.
Touchant: le mot est faible. On revit la violence de l'événement en se mettant à la place de ceux qui les ont vécues, mais après coup. Ces paroles sont celles qu'on raconte longtemps après un événement, alors qu'on est enfin capable de parler du pire avec un ton posé. C'est en tout cas l'effet que donne ce livre. Plus qu'un récit des événements, c'est plutôt un genre de bilan, un constat.
C'est écrit sobrement, avec une douceur à propos, et beaucoup de respect. En fait, c'est aussi un hommage à ceux qui racontent.
N'en demeure pas moins qu'il s'en dégage une tristesse infinie, beaucoup de résilience, et, pour ma part, des malaises difficiles à définir. Oui, il faut raconter ces horreurs. Qu'elles se soient produites dans une ville truffée d'écrivains de talent comme Laurent Gaudé fait en sorte qu'on puisse encorer en parler avec autant de compassion. Alors qu'est ce qui m'a causé ces malaises? La violence incontournable et tout ce sang? Le "ils" lorsqu'il parle des auteurs de l'attentat, un "ils" sans nom, ouvert, plein de ressentiment? La description du potentiel érotique de la rencontre de deux femmes décrit par un auteur masculin? Le fait qu'au moment de lire ce livre, les infos me parlent d'autres victimes qui subissent des violences semblables ailleurs et dont je me demande si elles auront, elles aussi, d'aussi beaux hommages pour raconter leurs peines immenses? Je sors de cette lecture avec des sentiments mélangés.
Reste que ce livre est d'une habileté que seul un grand auteur peut maitriser. Les mots sont superbes, le ton juste, et malgré tout, étonnament enveloppant. Plus qu'un récit, c'est une expérience de lecture.
jeudi 23 mai 2024
Rue Duplessis - Ma petite noirceur, par Jean-Philippe Pleau, Lux éditeur
Faut dire d'entrée de jeu que c'est une totale réussite. Pour moi en tout cas. Je suis en plein dans le public cible, et j'espère, pour l'auteur, que ce public est aussi large que tout le spectre de la société qu'il couvre avec ce livre.
Jean-Philippe Pleau raconte comment il est devenu un "transfuge de classe", de son enfance dans un milieu où l'éducation et la réussite n'avaient pas leur place, jusqu'à son métier d'animateur d'une émission de radio axée sur la pensée, la philosophie et la sociologie. Sans avoir manqué d'amour, l'auteur raconte comment il a manqué de tout le reste, de l'encouragement jusqu'à l'empathie, en passant par la confiance en soi, et j'en passe.
Bien sur, il s'agit d'une histoire personnelle. Bien racontée, elle contient des références d'auteurs en sociologie, étant donné l'expertise de l'auteur. Le livre est donc un essai où le parcours est racontée comme un roman, mais avec des moments d'arrêt où l'auteur/narrateur examine la situation ou les personnages pour faire des liens, expliquer un comportement ou l'aboutissement de ce qui est raconté. Dans le genre, c'est, à mon sens, une excellente façon d'informer en divertissant.
Ce n'est pas un ouvrage érudit difficile à lire. Pleau utilise souvent différents niveaux de langage pour décrire des scènes et nous fait souvent sourire tout en nous faisant réfléchir.
Parce qu'on réfléchit beaucoup en lisant Rue Duplessis. Beaucoup. Inévitablement, on se demande où on se situe par rapport à l'auteur, sa famille, et ce qu'il est devenu. On se questionne aussi sur le ton qu'il utilise parfois pour raconter telle ou telle situation. On craint parfois la condescendance, on redoute de bien déceler de l'ironie, mais finalement c'est plus simple que ça. C'est l'histoire d'un gars issu d'une classe sociale assez basse merci qui s'en extrait. Le constat qu'il en fait est à son image: parfois un peu maladroit, parfois hyper éclairé, mais toujours pertinent et surtout pas ennuyant. J'ai lu ce livre quasiment d'une traite, ce qui est rare pour moi, lecteur lent s'il en est un.
Je recommande Rue Duplessis pour le regard très allumé que Jean-Philippe Pleau porte sur la définition de classe sociale. Il y a les chanceux et les moins chanceux. Dans notre vie, on s'identifie parfois aux uns, parfois aux autres, mais ce que dit Pleau, c'est qu'on ne peut jamais être les deux en même temps. Vous, où vous situez-vous?
Jean-Philippe Pleau raconte comment il est devenu un "transfuge de classe", de son enfance dans un milieu où l'éducation et la réussite n'avaient pas leur place, jusqu'à son métier d'animateur d'une émission de radio axée sur la pensée, la philosophie et la sociologie. Sans avoir manqué d'amour, l'auteur raconte comment il a manqué de tout le reste, de l'encouragement jusqu'à l'empathie, en passant par la confiance en soi, et j'en passe.
Bien sur, il s'agit d'une histoire personnelle. Bien racontée, elle contient des références d'auteurs en sociologie, étant donné l'expertise de l'auteur. Le livre est donc un essai où le parcours est racontée comme un roman, mais avec des moments d'arrêt où l'auteur/narrateur examine la situation ou les personnages pour faire des liens, expliquer un comportement ou l'aboutissement de ce qui est raconté. Dans le genre, c'est, à mon sens, une excellente façon d'informer en divertissant.
Ce n'est pas un ouvrage érudit difficile à lire. Pleau utilise souvent différents niveaux de langage pour décrire des scènes et nous fait souvent sourire tout en nous faisant réfléchir.
Parce qu'on réfléchit beaucoup en lisant Rue Duplessis. Beaucoup. Inévitablement, on se demande où on se situe par rapport à l'auteur, sa famille, et ce qu'il est devenu. On se questionne aussi sur le ton qu'il utilise parfois pour raconter telle ou telle situation. On craint parfois la condescendance, on redoute de bien déceler de l'ironie, mais finalement c'est plus simple que ça. C'est l'histoire d'un gars issu d'une classe sociale assez basse merci qui s'en extrait. Le constat qu'il en fait est à son image: parfois un peu maladroit, parfois hyper éclairé, mais toujours pertinent et surtout pas ennuyant. J'ai lu ce livre quasiment d'une traite, ce qui est rare pour moi, lecteur lent s'il en est un.
Je recommande Rue Duplessis pour le regard très allumé que Jean-Philippe Pleau porte sur la définition de classe sociale. Il y a les chanceux et les moins chanceux. Dans notre vie, on s'identifie parfois aux uns, parfois aux autres, mais ce que dit Pleau, c'est qu'on ne peut jamais être les deux en même temps. Vous, où vous situez-vous?
samedi 18 mai 2024
Les années désertées, par David Clerson, éditions Héliotrope
J'avais hâte de le lire. D'abord, je sortais de Stephen King, donc j'avais besoin de beauté. Ensuite, j'avais beaucoup aimé Mon fils ne revint que sept jours. Mais voilà, j'ai laissé tomber à la page 107 sur 137. Ce livre n'a pas été écrit pour moi. Mea culpa.
Le narrateur découvre les manuscrits de son frère disparu. Ce livre nous fait un résumé de cent histoires. Chaque résumé s'étend sur 2 à 3 pages en moyenne. À travers les histoires racontées, le narrateur glisse parfois l'état d'âme dans lequel il était à la lecture, ou il évoque tel ou tel souvenir de son frère.
Les histoires racontées sont le plus souvent d'un genre fantastique et glauques. Elles concernent des relations familiales, des personnages antropomorphiques, des ambiances oppressantes. On comprend que son auteur éprouvait de grandes difficultés à vivre. Enfin j'imagine. C'est malheureusement tout ce que j'ai compris.
À mon sens, Les années désertées nous laisse comprendre que l'auteur a toute la confiance de son éditeur, parce que publier un tel livre me semble risqué. Pas parce que ça ne ressemble à rien d'autre. En ce sens, on lève notre chapeau à Daniel Clerson. Je n'ai jamais rien lu de tel jusqu'ici. Le risque est plutôt de publier une oeuvre qui risque de ne rien laisser au lecteur, pas d'émotion forte, pas de sentiment en particulier. Ce salmigondis d'histoires est original, c'est certain, mais s'il dégage une atmosphère quelconque, je n'en ai malheureusement pas été imprégné. J'ai comme lu ce texte à distance, comme si on empêchait de m'en approcher parce qu'on ne voulait pas m'en donner la clé.
J'en sors septique, pas nécessairement déstabilisé, mais très déçu.
Le narrateur découvre les manuscrits de son frère disparu. Ce livre nous fait un résumé de cent histoires. Chaque résumé s'étend sur 2 à 3 pages en moyenne. À travers les histoires racontées, le narrateur glisse parfois l'état d'âme dans lequel il était à la lecture, ou il évoque tel ou tel souvenir de son frère.
Les histoires racontées sont le plus souvent d'un genre fantastique et glauques. Elles concernent des relations familiales, des personnages antropomorphiques, des ambiances oppressantes. On comprend que son auteur éprouvait de grandes difficultés à vivre. Enfin j'imagine. C'est malheureusement tout ce que j'ai compris.
À mon sens, Les années désertées nous laisse comprendre que l'auteur a toute la confiance de son éditeur, parce que publier un tel livre me semble risqué. Pas parce que ça ne ressemble à rien d'autre. En ce sens, on lève notre chapeau à Daniel Clerson. Je n'ai jamais rien lu de tel jusqu'ici. Le risque est plutôt de publier une oeuvre qui risque de ne rien laisser au lecteur, pas d'émotion forte, pas de sentiment en particulier. Ce salmigondis d'histoires est original, c'est certain, mais s'il dégage une atmosphère quelconque, je n'en ai malheureusement pas été imprégné. J'ai comme lu ce texte à distance, comme si on empêchait de m'en approcher parce qu'on ne voulait pas m'en donner la clé.
J'en sors septique, pas nécessairement déstabilisé, mais très déçu.
mercredi 8 mai 2024
Holly, par Stephen King, Scribner editions
Bon. Je me suis demandé ce que je faisais là. Stephen King. Vraiment? Le dernier que j'avais lu, c'était y'a si longtemps. Mais les critiques étaient bonnes et j'étais en forme, alors voilà... c'était une bonne idée. C'est un excellent bouquin.
Pourtant, moi, l'horreur: non merci. Oui, il y en a, c'est Stephen King, mais au début et à la fin du livre. Ça saigne beaucoup, mais ces scènes laissent la place à une enquête passionnante. Pourtant, moi, les enquêtes policières... Mais raconté comme ça: oui, j'embarque.
Holly est l'inspectrice privée qui sera chargée de retrouver une jeune fille disparue. On suit son enquête d'un point de vue assez inédit parce qu'on sait dès le début qui est le monstre, comment il procède, et pourquoi. Le livre fait donc se chevaucher deux situations: celle des victimes (il y en aura quelques unes) et leur bourreau, qui commence environ 10 ans en arrière, et celle de l'enquête qui commence et se termine à l'été 2021. Quand les deux histoires se rencontrent, on s'installe sur le bout de notre chaise jusqu'à la fin.
Vous vous souvenez de l'été 2021? On a tout fait pour l'oublier: on était en pleine pandémie mondiale, avec les masques, les vaccins, les pour, les contres, et tout. Stephen King brise le déni installé depuis la fin de tout ça. Il campe son histoire en plein dedans, avec les malaises, les débats, les mauvais souvenirs. Avec une histoire qui se déroule dans le Midwest américain, imaginez juste un peu les enjeux...
La mère de Holly vient de décéder. C'est une autre victime âgée du virus. Elle a refusé de se faire vacciner, et le livre commence avec ses funérailles... par Zoom. Or, Holly est hypocondriaque et ne partageait pas les avis de sa mère sur la question.
Ce roman porte sur le veillissement, le beau et le moins beau. Il y a plusieurs personnages âgés et certaines scènes sont très touchantes. King parle aussi de création littéraire, de poésie, d'art. Il mentionne plusieurs oeuvres d'écrivains américains actuels. Par moment, ça ressemble à un hommage à la création, à ses collègues. Parfois, on rit vraiment très fort de ses descriptions de personnages. Et d'autres fois, inévitablement... oui, j'y ai rêvé, une fois, et c'était pas drôle du tout, mais de toute évidence, c'était parce que ce roman m'a captivé. Stephen King est un immense auteur que je ne pourrais pas lire trop souvent. Je comprends toutefois ses fans et je m'incline devant son talent de conteur et sa connaissance fine de la psychée américaine, et par le fait même, de pas mal toute l'humanité souffrante. Un Stephen King réussi sur toute la ligne.
Pourtant, moi, l'horreur: non merci. Oui, il y en a, c'est Stephen King, mais au début et à la fin du livre. Ça saigne beaucoup, mais ces scènes laissent la place à une enquête passionnante. Pourtant, moi, les enquêtes policières... Mais raconté comme ça: oui, j'embarque.
Holly est l'inspectrice privée qui sera chargée de retrouver une jeune fille disparue. On suit son enquête d'un point de vue assez inédit parce qu'on sait dès le début qui est le monstre, comment il procède, et pourquoi. Le livre fait donc se chevaucher deux situations: celle des victimes (il y en aura quelques unes) et leur bourreau, qui commence environ 10 ans en arrière, et celle de l'enquête qui commence et se termine à l'été 2021. Quand les deux histoires se rencontrent, on s'installe sur le bout de notre chaise jusqu'à la fin.
Vous vous souvenez de l'été 2021? On a tout fait pour l'oublier: on était en pleine pandémie mondiale, avec les masques, les vaccins, les pour, les contres, et tout. Stephen King brise le déni installé depuis la fin de tout ça. Il campe son histoire en plein dedans, avec les malaises, les débats, les mauvais souvenirs. Avec une histoire qui se déroule dans le Midwest américain, imaginez juste un peu les enjeux...
La mère de Holly vient de décéder. C'est une autre victime âgée du virus. Elle a refusé de se faire vacciner, et le livre commence avec ses funérailles... par Zoom. Or, Holly est hypocondriaque et ne partageait pas les avis de sa mère sur la question.
Ce roman porte sur le veillissement, le beau et le moins beau. Il y a plusieurs personnages âgés et certaines scènes sont très touchantes. King parle aussi de création littéraire, de poésie, d'art. Il mentionne plusieurs oeuvres d'écrivains américains actuels. Par moment, ça ressemble à un hommage à la création, à ses collègues. Parfois, on rit vraiment très fort de ses descriptions de personnages. Et d'autres fois, inévitablement... oui, j'y ai rêvé, une fois, et c'était pas drôle du tout, mais de toute évidence, c'était parce que ce roman m'a captivé. Stephen King est un immense auteur que je ne pourrais pas lire trop souvent. Je comprends toutefois ses fans et je m'incline devant son talent de conteur et sa connaissance fine de la psychée américaine, et par le fait même, de pas mal toute l'humanité souffrante. Un Stephen King réussi sur toute la ligne.
dimanche 14 avril 2024
Mon sous-marin jaune, par Jon Kalman Stefansson, Christian Bourgois éditeur
Qu'est-ce qu'on serait si on n'avait pas découvert la lecture et si on ne connaissait pas le plaisir des mots? Qu'est-ce qu'on deviendrait si on n'avait pas d'imagination, aucune imagination, rien, si on n'avait que le réel? L'imagination donne un sens au réel, et c'est exactement de ce dont il est question dans ce livre.
Jon Kalman parle de lui. Il nous raconte comment des événements marquants ont fait de lui ce qu'il est devenu. Ces événements sont tragiques, et pour passer à travers, le petit bonhomme et l'adolescent qu'il est devenu s'est réfugié dans un monde onirique, n'existant que dans sa tête. Alors on embarque avec lui.
Le voyage est rapidement turbulent, car dès l'âge de 7 ans, les événements se bousculent. Mais pour nous éviter de nous blesser, cet auteur incroyable nous offre des protections bizarres: les histoires qu'il se raconte avec des personnages hétéroclytes. Au début, on est complètement déboussolé. De Paul McCartney à Simon & Garfunkel, en passant par le Dieu de l'Ancien testament qui boit comme un trou et les défunts d'un cimetierre qui viennent passer du temps avec lui, on se perd avec lui entre le réel et l'irréel. Mais toujours, en trame de fond, on a l'histoire du petit garçon qui vit dans un monde où les mots sont rares. Alors il les remplace par des émotions. Et comme ses mots d'auteur: c'est très fort.
Qui n'a jamais lui Jon Kalman Stefansson ne saura pas trop ce qu'il lit, à moins qu'il soit sensible à la poésie, aux mots superbes, aux images inondées de lumière et aussi, particulièrement depuis ses derniers livres, aux trames sonores approfondies. Qui a beaucoup lu Jon Kalman Stefansson, comme moi, comprendra au fil de ce Sous-marin jaune que l'auteur nous donne là la clé de tout son univers, d'où proviennent les ambiances et les personnages de ses livres antérieurs. On se sent devenir intime avec lui. Au début ça m'a intimidé, mais à force, je me suis rendu compte que c'était un peu come si Emmanuel Carrère réécrivait un de ses nombreux livres auto-biographiques on y ajoutant de la poésie: c'est hyper personnel, mais tout en douceur.
Je suis sorti bouleversé par ce livre, de scènes où un proche de l'auteur, qui vient pourtant de mourir, le prie de ne plus jamais vivre sans lui, où un aveugle se fait décrire des vagues alors qu'il est dans une barque sur la mer.
De plus en plus, je réaise que Jon Kalman Stefansson, doublé de son trop précieux traducteur Éric Boury, est une de mes plus belles raisons d'avoir appris à lire.
Jon Kalman parle de lui. Il nous raconte comment des événements marquants ont fait de lui ce qu'il est devenu. Ces événements sont tragiques, et pour passer à travers, le petit bonhomme et l'adolescent qu'il est devenu s'est réfugié dans un monde onirique, n'existant que dans sa tête. Alors on embarque avec lui.
Le voyage est rapidement turbulent, car dès l'âge de 7 ans, les événements se bousculent. Mais pour nous éviter de nous blesser, cet auteur incroyable nous offre des protections bizarres: les histoires qu'il se raconte avec des personnages hétéroclytes. Au début, on est complètement déboussolé. De Paul McCartney à Simon & Garfunkel, en passant par le Dieu de l'Ancien testament qui boit comme un trou et les défunts d'un cimetierre qui viennent passer du temps avec lui, on se perd avec lui entre le réel et l'irréel. Mais toujours, en trame de fond, on a l'histoire du petit garçon qui vit dans un monde où les mots sont rares. Alors il les remplace par des émotions. Et comme ses mots d'auteur: c'est très fort.
Qui n'a jamais lui Jon Kalman Stefansson ne saura pas trop ce qu'il lit, à moins qu'il soit sensible à la poésie, aux mots superbes, aux images inondées de lumière et aussi, particulièrement depuis ses derniers livres, aux trames sonores approfondies. Qui a beaucoup lu Jon Kalman Stefansson, comme moi, comprendra au fil de ce Sous-marin jaune que l'auteur nous donne là la clé de tout son univers, d'où proviennent les ambiances et les personnages de ses livres antérieurs. On se sent devenir intime avec lui. Au début ça m'a intimidé, mais à force, je me suis rendu compte que c'était un peu come si Emmanuel Carrère réécrivait un de ses nombreux livres auto-biographiques on y ajoutant de la poésie: c'est hyper personnel, mais tout en douceur.
Je suis sorti bouleversé par ce livre, de scènes où un proche de l'auteur, qui vient pourtant de mourir, le prie de ne plus jamais vivre sans lui, où un aveugle se fait décrire des vagues alors qu'il est dans une barque sur la mer.
De plus en plus, je réaise que Jon Kalman Stefansson, doublé de son trop précieux traducteur Éric Boury, est une de mes plus belles raisons d'avoir appris à lire.
lundi 18 mars 2024
RIvière-aux cartouches, par Sébastien Bérubé, éditions Perce-Neige
C'est un superbe recueil de nouvelles à plusieurs égards. Voilà une oeuvre qui a tout pour se faire aimer par plusieurs.
Chaque histoire est assez courte. La plupart sont écrites au "je" par des personnages différents, dans un décor commun: la région forestière du nord-ouest du Nouveau-Brunswick. On s'attache vite à chacun des personnages décrits, malgré ou grâce leurs nombreuses fragilités. Pareil pour le décor, où les fonds de routes bouetteuses voisinent les forêts parsemées de chasseurs et de leurs histoires plus ou moins glorieuses. Quiconque a vécu ou vit toujours dans une région où l'environnement marque le temps, les gens et leur rythme, se reconnaîtra. Dans Rivière-aux-Cartouches, tous se connaissent, s'aiment sans trop savoir comment se le dire, et parfois ils se font peur. Et au fil des pages, à force de creuser dans les histoires de chacun, on en vient à trouver une essence commune, vraiment très belle.
Au fil du livre, on découvre que les histoires racontées individuellement sont communes. Tous et toutes sont reliées, même ceux qui tentent de se détacher des autres. Le narrateur s'inclut là dedans dans la dernière nouvelle qui culmine dans un feu d'artifice de retenue, d'expression d'un amour et d'un respect si fort qu'on n'ose pas le crier pour n'effrayer personne. C'est vraiment très beau.
Sébastien Bérubé mets beaucoup de coeur, de compréhension, d'empathie - appelez ça comme vous voulez - dans ses récits. C'est pourquoi, à chaque fois, on en ressort avec un sentiment positif, même si les situations on les personnages racontées sont souvent en rupture avec quelque chose ou quelqu'un. De funérailles à une fête de village, des relations entre autochones et blances à celles entre membres d'une même famille, on en vient toujours au même respect pour les gens qui sont racontés. Tous sont liés, entre eux, à leur environnement, et à nous, lecteurs. C'est en tout cas ce que j'ai ressenti.
L'urbain d'adoption que je suis ne saurait que recommander fortement ce merveilleux recueil à ses amis urbains de naissance et aux habitants récents du territoire qu'ils ont choisis. Rivière-aux-Cartouches est un appel à découvrir le pays qui entoure le vôtre, ou que vous mériteriez de connaître parce qu'il a a tellement à vous apporter. Ces portraits d'habitants de contrées dont les villes n'entendent plus parler gagnent à être connus, et un auteur comme Sébastien Bérubé est fort bien passer pour vous en parler. L'essayer, c'est l'adopter.
Chaque histoire est assez courte. La plupart sont écrites au "je" par des personnages différents, dans un décor commun: la région forestière du nord-ouest du Nouveau-Brunswick. On s'attache vite à chacun des personnages décrits, malgré ou grâce leurs nombreuses fragilités. Pareil pour le décor, où les fonds de routes bouetteuses voisinent les forêts parsemées de chasseurs et de leurs histoires plus ou moins glorieuses. Quiconque a vécu ou vit toujours dans une région où l'environnement marque le temps, les gens et leur rythme, se reconnaîtra. Dans Rivière-aux-Cartouches, tous se connaissent, s'aiment sans trop savoir comment se le dire, et parfois ils se font peur. Et au fil des pages, à force de creuser dans les histoires de chacun, on en vient à trouver une essence commune, vraiment très belle.
Au fil du livre, on découvre que les histoires racontées individuellement sont communes. Tous et toutes sont reliées, même ceux qui tentent de se détacher des autres. Le narrateur s'inclut là dedans dans la dernière nouvelle qui culmine dans un feu d'artifice de retenue, d'expression d'un amour et d'un respect si fort qu'on n'ose pas le crier pour n'effrayer personne. C'est vraiment très beau.
Sébastien Bérubé mets beaucoup de coeur, de compréhension, d'empathie - appelez ça comme vous voulez - dans ses récits. C'est pourquoi, à chaque fois, on en ressort avec un sentiment positif, même si les situations on les personnages racontées sont souvent en rupture avec quelque chose ou quelqu'un. De funérailles à une fête de village, des relations entre autochones et blances à celles entre membres d'une même famille, on en vient toujours au même respect pour les gens qui sont racontés. Tous sont liés, entre eux, à leur environnement, et à nous, lecteurs. C'est en tout cas ce que j'ai ressenti.
L'urbain d'adoption que je suis ne saurait que recommander fortement ce merveilleux recueil à ses amis urbains de naissance et aux habitants récents du territoire qu'ils ont choisis. Rivière-aux-Cartouches est un appel à découvrir le pays qui entoure le vôtre, ou que vous mériteriez de connaître parce qu'il a a tellement à vous apporter. Ces portraits d'habitants de contrées dont les villes n'entendent plus parler gagnent à être connus, et un auteur comme Sébastien Bérubé est fort bien passer pour vous en parler. L'essayer, c'est l'adopter.
lundi 4 mars 2024
L'enterrement de Serge, par Stéphane Carlier, éditions Le Cherche Midi (Pocket)
Grinçant, méchant, bitch, lumineux et irrésisiblement drôle. À mettre dans votre liste de livres pour les vacances.
Y'a pas beaucoup de monde aux funérailles de Serge. Juste assez pour faire le portrait de chacun, croque-morts compris. La petite famille a ses petites cachotteries et entre chacun d'eux, c'est pas vraiment l'amour. Mais justement, l'amour, il est ailleurs, et lorsqu'on le trouve, tout s'illumine, à commencer par soi-même.
Les funérailles sont le prétexte pour une belle satyre familiale, mais pas seulement. Il y a beaucoup de notre époque, dans cette histoire, et pour une fois, il y a quelque chose de positif dans ce que notre monde a à offrir. Si les personnages de Carlier vivent une mauvaise passe, plusieurs trouveront le salut dans ce que j'appellerais "l'évolution", comme quoi tout ne se dirige pas droit dans un mur, comme la plupart des récits qu'on lit nous le laissent présager.
Écrit hyper efficacement, on rit beaucoup, et bien fort. Les quelques heures de ces funérailles étirées par quelques imprévus sont prétexte à des scènes qui rappellent le vaudeville ou le burlesque, mais sans pour autant tomber dans le "trop". Bref, on rit bien, tout autant que l'on est touché par d'autres scènes. Stéphane Carlier connaît bien l'âme humaine et sait s'en moquer, mais aussi en souligner les plus beaux traits.
C'est bon de rire un peu de soi et des autres plutôt que de s'appitoyer sur son sort ou sur celui de l'humanité souffrante. Et qui plus est, avec quelques remarques absolument pas politicalluy correctes, on a encore un peu plus l'impression de se laisser aller avec l'auteur, et franchement, ça fait le plus grand bien.
L'enterrement de Serge ne changera pas votre vie, mais fera de la petite partie où vous l'avez lu un moment très agréable.
Y'a pas beaucoup de monde aux funérailles de Serge. Juste assez pour faire le portrait de chacun, croque-morts compris. La petite famille a ses petites cachotteries et entre chacun d'eux, c'est pas vraiment l'amour. Mais justement, l'amour, il est ailleurs, et lorsqu'on le trouve, tout s'illumine, à commencer par soi-même.
Les funérailles sont le prétexte pour une belle satyre familiale, mais pas seulement. Il y a beaucoup de notre époque, dans cette histoire, et pour une fois, il y a quelque chose de positif dans ce que notre monde a à offrir. Si les personnages de Carlier vivent une mauvaise passe, plusieurs trouveront le salut dans ce que j'appellerais "l'évolution", comme quoi tout ne se dirige pas droit dans un mur, comme la plupart des récits qu'on lit nous le laissent présager.
Écrit hyper efficacement, on rit beaucoup, et bien fort. Les quelques heures de ces funérailles étirées par quelques imprévus sont prétexte à des scènes qui rappellent le vaudeville ou le burlesque, mais sans pour autant tomber dans le "trop". Bref, on rit bien, tout autant que l'on est touché par d'autres scènes. Stéphane Carlier connaît bien l'âme humaine et sait s'en moquer, mais aussi en souligner les plus beaux traits.
C'est bon de rire un peu de soi et des autres plutôt que de s'appitoyer sur son sort ou sur celui de l'humanité souffrante. Et qui plus est, avec quelques remarques absolument pas politicalluy correctes, on a encore un peu plus l'impression de se laisser aller avec l'auteur, et franchement, ça fait le plus grand bien.
L'enterrement de Serge ne changera pas votre vie, mais fera de la petite partie où vous l'avez lu un moment très agréable.
mercredi 14 février 2024
L'autre nom - Septologie I-II, par Jon Fosse, Christian Bourgois éditeur
Ce live figure sans aucun doute parmi mes plus belles expériences de lecture à vie. Et pourtant, j'ai failli le laisser tomber aprèes une bonne cinquantaine de pages.
C'est écrit "à la Saramago", avec des virgules pour toute ponctuation et à peu près pas de paragraphes. On tombe donc là-dedans sans repères, on est perdu dans ce monologue sans fin d'un homme qui raconte ses jours où il ne se passe pas grand chose. Il est assez âgé, vit dans un petit bled de Norvège, voit peu de gens. Il est peintre et se sait privilégié de vivre de sa peinture. Un jour, il revient de la ville, où il avait à faire. Passant à côté de la résidence d'un de ses rares amis, il poursuit son chemin. Rendu chez-lui, pris de remords de ne pas lui avoir rencu visite, il retourne, parce qu'il est inquiet.
Dans à peu près tout ce qu'on lit, le narrateur nous parle à nous, lecteur. Or, ici, le narrateur se parle à lui-même. C'est pourquoi, au début, on ne comprend pas, on est comme gêné, atteré. Je sentais que ses pensées, ses souvenirs et ses impressions ne me concernait pas. Puis, au fil des pages je me suis rendu compte que ça y était. J'ai comme vécu une symbiose. J'ai été hypnotisé. Et à partir de là, ce livre est devenu fascinant.
Ce style sans repère laisse toute la liberté au lecteur. On termine notre lecture n'importe où, n'importe quand. On reprend en lisant une phrase ou deux de ce qu'on a lu avant, puis on repart avec lui, dans ses souvenirs, ses impressions, mais aussi, et surtout, ses peurs, ses appréhensions.
Certaines scènes m'ont faite une forte impression, dont une en particulier où l'homme passe une nuit sans sommeil, à se demander s'il dort ou pas, à ressasser ses pensées, à s'imaginer des scénarios. On ne sait plus s'il rêve ou s'il pense, et à force, on ressent sa fatigue, lentement, progressivement, et c'est tout à fait hallucinant. Cette façon d'écrire m'a complètement subjugué. Jon Fosse nous emmène dans la psyché de son personnage, on devient lui à travers ses pensées. Vraiment, c'est très fort.
Vers la fin, le peintre parle de son art, avec modestie, mais aussi une lucidité qui m'a beaucoup touché. Jamais m'a-t-on parlé de "lumière dans l'obscurité" de cette façon. Et on comprend que son art est la lumière dans l'obscurité de ses angoisses, et c'est superbe.
Petit coup de chapeau en passant à Louis-Daniel Godin, dont le style de Le compte est bon se rapproche beaucoup de celui de Jon Fosse. J'ai eaucoup pensé à lui.
Prêt pour l'aventure? Installez-vous, préparez-vous, et tombez dans L'autre nom. Ça ne vous laissera pas indifférent, c'est certain.
C'est écrit "à la Saramago", avec des virgules pour toute ponctuation et à peu près pas de paragraphes. On tombe donc là-dedans sans repères, on est perdu dans ce monologue sans fin d'un homme qui raconte ses jours où il ne se passe pas grand chose. Il est assez âgé, vit dans un petit bled de Norvège, voit peu de gens. Il est peintre et se sait privilégié de vivre de sa peinture. Un jour, il revient de la ville, où il avait à faire. Passant à côté de la résidence d'un de ses rares amis, il poursuit son chemin. Rendu chez-lui, pris de remords de ne pas lui avoir rencu visite, il retourne, parce qu'il est inquiet.
Dans à peu près tout ce qu'on lit, le narrateur nous parle à nous, lecteur. Or, ici, le narrateur se parle à lui-même. C'est pourquoi, au début, on ne comprend pas, on est comme gêné, atteré. Je sentais que ses pensées, ses souvenirs et ses impressions ne me concernait pas. Puis, au fil des pages je me suis rendu compte que ça y était. J'ai comme vécu une symbiose. J'ai été hypnotisé. Et à partir de là, ce livre est devenu fascinant.
Ce style sans repère laisse toute la liberté au lecteur. On termine notre lecture n'importe où, n'importe quand. On reprend en lisant une phrase ou deux de ce qu'on a lu avant, puis on repart avec lui, dans ses souvenirs, ses impressions, mais aussi, et surtout, ses peurs, ses appréhensions.
Certaines scènes m'ont faite une forte impression, dont une en particulier où l'homme passe une nuit sans sommeil, à se demander s'il dort ou pas, à ressasser ses pensées, à s'imaginer des scénarios. On ne sait plus s'il rêve ou s'il pense, et à force, on ressent sa fatigue, lentement, progressivement, et c'est tout à fait hallucinant. Cette façon d'écrire m'a complètement subjugué. Jon Fosse nous emmène dans la psyché de son personnage, on devient lui à travers ses pensées. Vraiment, c'est très fort.
Vers la fin, le peintre parle de son art, avec modestie, mais aussi une lucidité qui m'a beaucoup touché. Jamais m'a-t-on parlé de "lumière dans l'obscurité" de cette façon. Et on comprend que son art est la lumière dans l'obscurité de ses angoisses, et c'est superbe.
Petit coup de chapeau en passant à Louis-Daniel Godin, dont le style de Le compte est bon se rapproche beaucoup de celui de Jon Fosse. J'ai eaucoup pensé à lui.
Prêt pour l'aventure? Installez-vous, préparez-vous, et tombez dans L'autre nom. Ça ne vous laissera pas indifférent, c'est certain.
mardi 9 janvier 2024
Dessine bandé, par Alex Lévesque, éditions Nouvelle adresse
Rire, seul, en lisant une bande dessinée, comme on rit intensément mais sans faire trop de bruit, comme lorsqu'une personne de notre entourage nous glisse une grosse blague vraiment niaiseuse à l'oreille: c'est bon. Voilà mon 75% de lecture de Dessine bandé d'Alex Lévesque. L'autre 25%, je ne l'ai juste pas compris, pour x, y ou z raison, et c'est pas grave.
L'important, avec une bande dessinée, c'est qu'on ne s'ennuie pas ou mieux, qu'elle ne nous laisse pas indifférent. Mission accomplie avec ce petit recueil juste assez long pour se rouler dedans avec délices et juste assez court pour en garder un bon souvenir. Si on ajoute mon désir de relire certaines blagues une fois le livre terminé, on confirme que je suis dans le public cible, même si je ne connaissais pas le site Instagram qui a inspiré ce livre.
Absurde à la puissance 10, l'humour de Lévesque tiens beaucoup aux mots, et les expressions sont le plus souvent tirés de la langue parlée québécoise. Le lecteur européen cemprendra la plupart, mais celui qui connaît peu le contexte social du côté de la planète où vit Alex Lévesque pourrait se perdre un peu.
Quant au dessin, il est juste assez minimal à mon goût. Le peu de détails contenu dans chaque case laisse toute la place à l'imagination et souvent, j'ai encore plus ri de l'attitude d'un personnage silencieux que de celui qui parle.
Belle découverte qui mérite un beau succès... et une suite, bien entendu!
L'important, avec une bande dessinée, c'est qu'on ne s'ennuie pas ou mieux, qu'elle ne nous laisse pas indifférent. Mission accomplie avec ce petit recueil juste assez long pour se rouler dedans avec délices et juste assez court pour en garder un bon souvenir. Si on ajoute mon désir de relire certaines blagues une fois le livre terminé, on confirme que je suis dans le public cible, même si je ne connaissais pas le site Instagram qui a inspiré ce livre.
Absurde à la puissance 10, l'humour de Lévesque tiens beaucoup aux mots, et les expressions sont le plus souvent tirés de la langue parlée québécoise. Le lecteur européen cemprendra la plupart, mais celui qui connaît peu le contexte social du côté de la planète où vit Alex Lévesque pourrait se perdre un peu.
Quant au dessin, il est juste assez minimal à mon goût. Le peu de détails contenu dans chaque case laisse toute la place à l'imagination et souvent, j'ai encore plus ri de l'attitude d'un personnage silencieux que de celui qui parle.
Belle découverte qui mérite un beau succès... et une suite, bien entendu!
mercredi 3 janvier 2024
Éden, par Ava Audur Olafsdottir, éditions Zulma
Ava Audur reste fidèle à elle-meme en nous offrant une histoire où elle nous parle du meilleur de l'humanité et de la nature, en nous faisant réfléchir sur les travers qui pourraient abimer les deux.
Une spéciaiste de la langue islandaise décide d'acquérir une maison à la campagne. Ce retour à la terre d'un col blanc n'a rien d'original en soi, mais l'autrice campe son roman dans la campagne islandaise actuelle, où des arbres poussent... alors que ce n'était pas le cas il n'y a pas si longtemps: premi;ere originalité. On verra comment son désir de planter des arbres de matérialisera.
Mais il faudra aussi voir avec qui: deuxièeme originalité. Lors de son installation, elle fait la rencontre d'ouvriers d'origine étrangère récemments installés sur cette nouvelle terre où langue et environnement pèsent lourd dans la décision de rester ou pas.
Il est donc question d'enracinnement, tant au sens propre qu'au sens figuré, et franchement, le parralèle est génialement raconté. Chez Ava Audur, il y a beaucoup de beauté, tant dans ce qui entoure les personnages que chez les personnages eux-mêmes. Tout paraît vulnérable, fragile, tant les arbres, la rivière que les êtres, les nouveaux autant que les "natifs". Tous agissent plus ou moins consciemment pour se faire aimer. Chez cette autrice sensible, la course au bonheur se fait à petits pas. La violence fait partie d'un passé très proche, un passé qu'on veut oublier. C'est, il me semble, une façon fort particulière d'aborder cette bonne vieille violence qui mène tant d'histoires, tant écrites que filmées. Dans Éden, c'est parce que la violence a existé qu'on veut maintenant l'éliminer.
Les références à la langue islandaise pourraient être lourdes, mais elles sont brillamment menées par une traduction parfaite, qui laisse place aux mots d'origine là où il le faut. On a même parfois l'impression d'apprendre des mots en même temps qu'un des personnages. Un énième bravo pour le traducteur Éric Boury.
Belle, très belle lecture que cet Éden, parce qu'actuelle, riche d'images, de mots et d'expressions savoureuses mais aussi d'un espoir rendu trop rare, un espoir possible, sans licornes et très humain. Eh que ça fait du bien.
Chaleureusement recommandé.
Une spéciaiste de la langue islandaise décide d'acquérir une maison à la campagne. Ce retour à la terre d'un col blanc n'a rien d'original en soi, mais l'autrice campe son roman dans la campagne islandaise actuelle, où des arbres poussent... alors que ce n'était pas le cas il n'y a pas si longtemps: premi;ere originalité. On verra comment son désir de planter des arbres de matérialisera.
Mais il faudra aussi voir avec qui: deuxièeme originalité. Lors de son installation, elle fait la rencontre d'ouvriers d'origine étrangère récemments installés sur cette nouvelle terre où langue et environnement pèsent lourd dans la décision de rester ou pas.
Il est donc question d'enracinnement, tant au sens propre qu'au sens figuré, et franchement, le parralèle est génialement raconté. Chez Ava Audur, il y a beaucoup de beauté, tant dans ce qui entoure les personnages que chez les personnages eux-mêmes. Tout paraît vulnérable, fragile, tant les arbres, la rivière que les êtres, les nouveaux autant que les "natifs". Tous agissent plus ou moins consciemment pour se faire aimer. Chez cette autrice sensible, la course au bonheur se fait à petits pas. La violence fait partie d'un passé très proche, un passé qu'on veut oublier. C'est, il me semble, une façon fort particulière d'aborder cette bonne vieille violence qui mène tant d'histoires, tant écrites que filmées. Dans Éden, c'est parce que la violence a existé qu'on veut maintenant l'éliminer.
Les références à la langue islandaise pourraient être lourdes, mais elles sont brillamment menées par une traduction parfaite, qui laisse place aux mots d'origine là où il le faut. On a même parfois l'impression d'apprendre des mots en même temps qu'un des personnages. Un énième bravo pour le traducteur Éric Boury.
Belle, très belle lecture que cet Éden, parce qu'actuelle, riche d'images, de mots et d'expressions savoureuses mais aussi d'un espoir rendu trop rare, un espoir possible, sans licornes et très humain. Eh que ça fait du bien.
Chaleureusement recommandé.
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