dimanche 25 novembre 2007

La soeur de Judith, par Lise Tremblay, Boréal


La première chose dont je me suis aperçue, en lisant La Soeur de Judith de Lise Tremblay, c'était que je l'avais terminé. Je l'ai lu comme on reçoit un coup de téléphone de quelqu'un à qui on n'a pas parlé depuis longtemps, allongé sur un divan, attentif au maximum.

Lise Tremblay a donné la parole à une petite fille de 12 ou 13 ans qui raconte sa vie, ses gens, ses peurs. On aurait pu croire à une formule "journal personnel" mais non, c'est plus que ça. Il s'agit ici d'une parfaite maîtrise de l'art de la conversation par écrit. Et pourtant aucun dialogue dans ce livre. Que de la narration, la vision extra-lucide d'une petite ville des années '60. La génération des parents qui découvrait la vie en ville, celle des enfants qui, les premiers, y étaient plongés à la naissance. Cette époque a sans doute été celle du plus grand fossé des générations qui ait été au Québec, et ça se sent.

Ces gens ne veulent pas avoir d'histoires, et pourtant, la belle affaire, ils en ont eu une, une histoire, et toute une. Si on les trouve colorés, c'est qu'on ne les a pas connus. Ils sont vrais, aussi vrais que ce qu'on est, Québécois des années 2000 avec un passé comme celui-là. Si j'ai souris parfois, c'était que je reconnaissais les endroits, mais aussi les gens, leur façon de faire, et leur obsession de toujours avoir à composer avec "ce que pensent les autres", cette peur constante de "ne pas avoir l'air fou", d'éprouver de la honte à presque chaque jour, de ne pas comprendre que le temps avance plutôt qu'il ne recule.

Qui ne connaît pas le parc de la Colline, la fontaine de l'église Ste-Anne ou cette autre peur obesssionnelle de "tomber dans le Saguenay" trouvera facilement des analogies avec son passé de Québécois à lui. Lise Tremblay a sû écrire juste, sans fioritures, un tableau hyper-réaliste d'une époque troublée. C'est beau et simple. Et si on se sent parfois un peu voyeur, la gêne qu'on ressent évoque des malaises déjà ressentis. On est loin ici des personnages d'un Michel Tremblay, par exemple. Et pourtant, on ne peut qu'évoquer ce dernier au souvenir de La soeur de Judith. En fait, ce dernier bouquin de Lise Tremblay, c'est la revanche saguenéenne des Chroniques du Plateau Mont-Royal, mais en encore plus vrai.

Que les personnages aient existés ou pas, je ne saurais dire. Mais je peux vous affirmer que les lieux et même certaines gens qui tapissent le décor du Chicoutimi-Nord des années '60, eux, ont réellement existés: elle y parle, à un moment donné... de mon grand-père (!) dont les vaches vont broutter sur les beaux gazons des nouvelles maisons! Et le directeur de la polyvalente, M. Lecours, était lui le patron de... ma mère.

Bravo mille fois, Lise Tremblay, vous êtes (trop?) facilement venue me chercher.

dimanche 18 novembre 2007

Zoli, par Colum McCann, Belfond


Ouais, ça fait longtemps. C'est que je viens de me sortir de Zoli, de Colum McCann... de peine et de misère. Qu'est-ce que je suis déçu. Et pourtant, comme j'aimais McCann! Dans Les saisons de la nuit, il y avait là une des scènes qui m'ait le plus profondément retourné, celle où une une femme mariée à un Noir, au début du 20e siècle, reçoit la visite à l'improviste de son enfant métis à l'usine où elle travaille et pour garder son emploi et éviter les bavardages... elle doit le renier devant tout le monde, faire comme si elle ne le connaissait pas. Le petit bonhomme avait 9 ou 10 ans, McCann nous plongeait dans sa tête, dans son désarroi. C'était ça McCann, une écriture très forte, des images précises, des mots sans fioritures, des histoires prenantes, tout comme Danseur, où il racontait la vie de Rudolf Noureyev à sa façon romancée.

En fait, le mec doit aimer les victimes, les rejetés du système, comme dans ses deux précédents livres que j'ai lus. Zoli la gitane est de ceux-là. Mais à force de rejet et d'interminables marches dans les bois sans manger, sans boire, à se trainer aux 3/4 du livre de peines en misères... j'ai décroché. Je crains, pour McCann, l'attrait pour les scénarios "à l'américaine", dignes d'être portés à l'écran. Et pourtant c'est bien écrit, le personnage est attachant, mais non... c'était trop. Tant de misères m'ont laissé une désagréable impression de mélodrame et malgré d'autres belles images, comme il sait les créer, Zoli n'est pas allé chercher ma compassion. Vraiment, je suis extrêmement déçu, et j'attendrai son prochain bouquin avec encore plus de hâte qu'à l'habitude, juste pour savoir si ce dernier ouvrage était une exception dans l'oeuvre de l'écrivain.

Bref, pas mauvais, mais décevant. Trop. Juste trop.

J'arrive d'une autre razzia chez mon libraire. Les semaines à venir seront québécoises. Je passerai d'abord par La soeur de Judith de Lise Tremblay. L'histoire qui se déroule dans le Chicoutimi-Nord des années '60, bref là où, géographiquement et temporellement, je suis né. J'vous dis pas combien mes attentes sont grandes. Suivra Dawson Kid de Simon Girard. Un premier roman: toujours tentant!

Merci pour les quelques commentaires reçus, d'autant plus qu'ils proviennent de boulimiques de lecture. J'adore.