lundi 22 septembre 2014

Mr Gwynn, par Alessandro Barrico, éditions Gallimard

Attention! Lecteur enthousiaste parlant d'un de ses auteurs préférés (et j'ajouterais...) et qui n'a pas été déçu une seule miette. Ça risque de voler haut!

Aviez-vous lu son dernier, Emmaüs? C'était sur les premières amours, la perte de l'innocence, l'entrée dans la vie. Tragique, il comprenait toutefois des scènes tendres mais fortes d'une beauté inouïe. Avec Mr Gwynn, Barrico nous emmène dans l'univers des créateurs. Imagé, il est parsemé d'excentriques qui se tiennent dans l'ombre, de gens qu'on dirait "à part".

Mr Gwynn, un écrivain à succès, décide qu'il arrête tout. Or, quelque temps après sa résignation, l'envie d'écrire lui reprend. Or que faire pour ne pas retourner en arrière? Sa réflexion et les événements le mèneront à devenir portraitiste... par écrit.

Le voilà qui se prépare. On voit apparaître un musicien dont les chiens ont des noms de pianistes, un concepteur d'ampoules dont les réalisations ont des noms de reines, un ex-accordeur de pianos devenu écrivain, un passionné de buanderies... puis commencent les portraits. Un premier nous sera raconté en détails, puis suivront une dizaine d'autres dont certains seront particulièrement marquants.

À certaines occasions, j'ai eu l'impression de revoir le Petit prince faisant le tour des planètes, cherchant sa rose. Ça peut paraître cliché, mais sous la plume de Barrico, ça ne l'est pas. Mr Gwynn cherche effectivement quelque chose. Libre à vous d'identifier le but de sa quête et de dire s'il parvient à son but, mais une chose est sure: le processus décrit est prodigieusement beau.

Ce livre, ce sont des décors, en fait, surtout un en particulier, qui devient lui-même un personnage. Les personnages "humains" sont autant de couleurs vives qui y évoluent avec parfois des scènes presque immobiles où une ampoule a le beau rôle, où l'amitié rattrape un misanthrope, où la beauté se découvre dans ce qui n'est pas beau, où la méchanceté émerge de ce qui a l'air innocent. Sans aucune longueur, Mr Gwynn nous mène d'une scène à l'autre dans un monde où rien n'est ordinaire, celui de la création, du désir de produire du beau... et ce sans ostentation. Vous dire comment c'est beau...

Barrico est le roi incontestable de la description des sens et de tout ce que leur exploitation soulève. C'est un fin clinicien qui sait aller chercher le détail essentiel sur lequel pointer votre microscope. Alors vous voyez quelque chose d'extraordinaire dans ce qui, vu de votre oeil à vous, parait pourtant anodin.

Mais aller à la recherche d'un idéal, du beau, de la bonté, a son prix à payer. C'est peut-être une des raisons pour lesquelles ce livre s'appelle Mr Gwynn et non, Mr. Barrico. Autrement, j'ose croire qu'il y a beaucoup de l'auteur dans ce personnage principal.

Il me semble que chaque livre de Barrico surpasse l'autre. Déjà qu'il n'a jamais rien écrit de mauvais, imaginez juste ce que celui-là peut procurer. Certaines scènes sont belles à couper le souffle. Du beau, du bon, du grand Barrico.

dimanche 14 septembre 2014

Un an, par Jean Echenoz, éditions de Minuit

Ce livre le confirme: si un nouveau Échenoz sort, je ne peux m'empêcher de me le procurer. On pourrait donc croire que je sois biaisé lorsque j'en parle. Mais voilà, pour une première fois, j'ai un "mais". Sérieux.

C'est sans soute ce qu'on peut appeler une plaquette. Le livre ne fait pas cent pages. C'est l'histoire d'une déchéance, celle de Victoire, fille dans la vingtaine qui fuit une scène qu'elle craint qu'on lui reproche. Alors elle retire son argent (des francs, pas des euros...) et fuit Paris pour le Sud-Ouest.

C'est du Echenoz, alors un détail devient magnifique. En une page ou deux il décrira les sons d'une journée, dans un paragraphe, il vous dira tout ce qu'il pense de toute une société. En fait, avec cette fille somme toute banale dont la vie glisse lentement vers le bas, on dirait une sorte d'éloge à la simplicité, tant celle des gens que des choses. À moins qu'on y voit, à l'inverse, un grand doigt d'honneur à tout type de conformité. C'est ce que j'aime d'Echenoz: ces questions qui restent après sa lecture.

Mais il y a un "mais". Une relation existe entre le personnage principal et un autre, secondaire, qui revient tout au long du livre. C'est ambigu comme relation, on comprend plus ou moins jusqu'à ce que survienne le dénouement de cette relation, à la fin du livre. Je déteste avoir à dire que je l'ai vu venir, un peu comme si on m'avait "vendu le punch" avant la fin. Ce qui me fait constater que pour une première fois, on dirait qu'Echenoz a recouru à une "formule", quelque chose qui ne lui ressemble pas, enfin, qui ne ressemble pas à ces livres précédents. On parle ici d'un type de personnage qu'on voit parfois dans d'autres livres... Je n'en dis pas plus.

Bon, pas de panique, c'est pas mauvais pour autant. C'est juste... une petite aigreur. Ça se lit de bout en bout et bien ce Un an ne soit pas jojo, on sourit quand même souvent, pas tant des situations que des mots toujours si juste de ce grand auteur.

Si vous le connaissez: à lire absolument. Sinon, découvrez-le avec Les grandes blondes ou Ravel. C'est difficile,me semble-t-il, ne pas aimer Jean Echenoz.