dimanche 27 décembre 2009

La trilogie berlinoise, par Philip Kerr, Éditions du Masque


Non mais à quoi à pensé l'éditeur? Le livre est le plus lourd que j'ai jamais acheté. J'ai des dicos plus légers. Bon, vous me direz, j'aurais pu attendre l'édition de poche ou en chercher une autre, sachant que la Trilogie... a d'abord été publiée à la fin des années '80. Mais voilà, y'avait que cette édition chez mon libraire. Impossible à trainer dans son sac, beaucoup trop lourd. Et à la maison, y'avait pas 36 façons de le manipuler, en se coupant les paumes ou ressentant une fatigue au bras après quelques minutes. Un livre, c'est quelque chose qui bouge, faut se le rappeler. Et oui, y'a des ouvrages de plus de 800 pages qui sont beaucoup plus légers.Infiniment plus légers. Allez voir dans une librairie anglo! Non mais vraiment, il faut le dire. Ces modèles sont vraiment trop. À quoi pensent les éditeurs francophones?

Ceci dit du contenant, voyons le contenu. Du policier, dans tout son sens, toute sa splendeur et dans tous ses clichés. Un maître de jeu: inspecteur privé, bien entendu. Rien n'arrête ce cher Bernie, rien ne lui fait peur. S'il se retrouve dans quelque situation impossible, il saura toujours pousser une bonne craque. Buveur, célibataire tombeur de ces dames, s'allume une cigarette à toutes les deux pages ou à peu près, Bernard Gunther n'a rien à envier à tous les personnages qui peuplent les policiers depuis que le genre existe.

Non, je ne suis pas un fan de policier, mais il valait la peine de se taper celui-là pour une raison particulière: l'ambiance, le décor, celui du Berlin de juste avant et de juste après la 2e guerre. Après avoir lu Les Bienveillantes, j'avoue avoir eu la sensation de retourner dans un endroit connu, glauque comme nulle part ailleurs, mais décrit dans le moindre détail, dur mais fascinant.

La Trilogie... ce sont trois histoires, trois enquêtes de Bernard Gunther. Ses personnages sont souvent des noms connus: Himmler, Nebe, Müller. Quant aux fils de l'intrigue, n'étant pas un amateur, j'ai souvent été perdu, parce que pour aller d'un point "a" à un point "b", dans le policier, c'est rarement la ligne droite... Rien à redire, toutefois, sur l'écriture et la traduction. C'est efficace, froid, teinté de l'humour noir du genre, mais encore une fois, qu'il me soit donné de souligner la recherche, la connaissance d'une ville qui n'existe plus telle que décrite. Et pourtant on la traverse de bord en bord, rues par rues, pièces par pièces. Excellent voyage dans le passé, original par sa mise en situation, mais pas par son propos. Essentiel pour les amateurs, belle curiosité pour les autres.

lundi 21 décembre 2009

Vu d'ici tout est petit, par Nicolas Chalifour, Éditions Héliotrope


Il me semble qu'on se complet à trop rester chez-soi. On est bien, tout nous appartient, on peut tout prévoir et tout ce qui nous entoure nous est compris, facile, confortable... mais peut-être un peu anesthésiant à la longue. Aussi, après une longue période de réclusion, lorsqu'on sort, l'ordinaire des autres devient un choc. On redécouvre tout. Et si même on va plus loin que sa rue, alors là c'est la totale.
Vu de ce que je lisais depuis un bon bout de temps, tout était quand même assez petit, simple, replet. Avec Nicolas Chalifour, j'ai carrément pris l'avion après des années d'hibernation. Son premier roman ressemble à quelque chose comme mon meilleur livre de l'année.
L'histoire vous semblera peut-être banale: c'est celle d'un manoir construit il y a longtemps, abondonné puis retapé en hôtel. Le personnage principal, enfin le second personnage, c'est le manoir lui-même. Les personnages secondaires sont ceux qui l'habite puis, qui y travaillent. Véritable hommage à tous les métiers de l'hôtellerie, on y voit serveurs, maîtres d'hôtel, chefs, sous-chefs, femmes de chambre et consorts s'y affairer. Mais voilà, l'originalité tient ici de là où on les voit.
Le personnage principal, c'est le narrateur. Difficile d'en dire plus parce qu'il est impossible de le décrire. Quelqu'un raconte, à moins que ce ne soit quelque-chose qui observe. "Vu d'ici tout est petit" est la chronique d'un personnage impossible. Et le coup de génie dans tout ça, c'est d'avoir transposé cet inconnu dans la forme même de sa narration: tout est raconté au "on". Pas de "je" ni de "il", mais le "on", partout, toujours. Déroutante aux premières pages, cette narration s'apprivoise au fil des pages, jusqu'à ce qu'on se constate complètement charmé par cette voix venue d'on ne sait où. Ici plus que jamais, le pronom impersonnel prend tout son sens. Quelle excellente idée!
Et ce ton passe rapidement de charmant à loufoque, voire hilarant à certaines reprises. Du bon temps, vous dites? Absolument.
S'il me fallait faire un seul reproche à l'auteur, ce serait la fin, qui fait s'achever ce qui était une longue et incroyable description d'un lieu en une série de scènes qui font de tout ça une histoire, un drame. Même sans les 20 dernières pages, pas mauvaises pour autant, "Vu d'ici tout est petit" m'aurait quand même majusculement plu. Cette voix unique me suivra longtemps. Quel excellents moments. Bravo pour ce premier roman!

jeudi 10 décembre 2009

Une année sous silence, par Jean-Paul Dubois, Éditions Points


Me fallait un format léger pour le voyage, quelque chose de bon pour la détente, alors j'ai vite fait et opté pour une valeur sure, comme on appelle un vieil ami lorsqu'on a l'impression d'avoir tout perdu.

Je ne me suis pas trompé. Je n'ai pas tout lu de Dubois, loin de là, mais quand même assez pour avoir développé un lien. Et avec le temps, un tel lien, ça devient un besoin, alors on craque.

C'est justement ce qui est arrivé au personnage principal de ce bouquin sorti en 2005. C'est l'histoire d'une lente descente, d'une perte de tout, de ce qu'il aimait, même de lui. Non, ce n'est pas là l'histoire la plus jojo qu'ait écrit Jean-Paul Dubois, mais on retrouve malgré tout son ton "sympatique" même si les sentiments décrits ne le sont pas. Ce qui pourrait, chez d'autres auteurs, devenir une série de scènes gores et presque télévisuelles devient matière à penser, chez Dubois. Rien de lourd, non, juste les bons mots pour décrire un malaise, exactement comme on l'a déjà ressenti nous aussi en d'autres situations.

Toujours de curieux de constater qu'un auteur vous fait du bien même s'il vous raconte quelque chose de triste. C'est là, sans doute, le pouvoir de l'enchanteur.

Je sais que son dernier roman est sorti dernièrement, et qu'il se passe en partie chez-moi, au Québec. Ça peut attendre. Comme c'est maintenant un vieil ami, Dubois reviendra un jour à l'improviste. D'ici là, je vous recommande vivement de faire sa connaissance. Moi j'ai commencé par "Une vie française". Je dis ça comme ça...