dimanche 28 juin 2009

Le ciel de Bay City, par Catherine Mavrikakis, Éditions Héliotrope

Le Prix des libraires 2009 (Québec) - Meilleur livre francophone - donne la parole à une jeune femme née et grandie dans un bungalow d'une petite ville minable du Michigan. Élevée par une mère célibataire et sa famille immédiate, des immigrants français ayant fui l'Europe peu de temps après la guerre, la narratrice découvrira sa judéïté, les membres de sa famille morts à Auschwitz, et n'en reviendra pas. En voulez-vous du tragique, en voilà. Une presqu'ado mal aimée de sa mère, un passé familial horrible qu'on tente de lui cacher, une ville sans âme au ciel pollué et sans avenir, vraiment, rien pour rire.

Catherine Mavrikakis s'est sans doute mérité son prix pour la qualité de sa plume. Bien que dur, le récit coule bien. C'est, à ma grande surprise et mon aussi grande déception, tout ce qui m'a plu. Du reste, cette voix qui crie, qui hurle à presque chaque page des "Je suis morte", "Je veux mourir", "Je n'aime pas la vie", cette voix, donc, ne m'a pas transporté. Oui, on en a lu des histoires sur ou découlant de la Shoah, de ses horreurs, de ce que ça a engendré. On en a vu des films sur le même sujet. Après 60 ans, ce sujet inspire encore et sert encore, avec raison, d'exemple à ne plus suivre. Mais voilà, après tout ce qui en a été dit et écrit, il faut une voix, un propos foutrement original, franchement démarqué, pour attirer l'attention, ou à tout le moins la mienne. Après Paul Auster, Jonathan Littel, Michael Chabon, Woody Allen, Steven Speilberg, et j'en passe et des mille et des cent, qu'on ne se surprenne pas qu'un lecteur comme moi ait poussé un :"Ah non, pas encore", en constatant le propos du livre. Oui c'est bien écrit, oui on ressent une colère profonde, un mal de vivre dérangeant, mais je regrette, j'en ai marre.

Et c'est sans compter les quelques clichés qu'on y retrouve parfois, du gentil patron compréhensif et original qu'on soupçconne original, et des personnages "cachés" qui sortent à un moment donné de nulle part et qui traînent les métaphores avec eux comme autant de boulets. dur.

Les doélances de nombreux peuples me rejoignent, soient-ils juifs, bantous, afghans, ou tout autres, mais si on m'assome trop, je me prends la tête ou à tout le moins je regarde à chaque page que je tourne combien il en reste à lire.

Je n'ai rien lu de Mavrikakis avant et on en dit beaucoup de bien. J'attendrai donc son suivant en prenant bien soin, cette prochaine fois, de m'informer sur son sujet. Car je ne parle pas ici d'un mauvais livre, mais juste d'un récit qui ne m'a pas touché du tout. Mauvais timing? Peut-être. Je crois encore que certains livres nous touchent particulièrement parce qu'on les a lus à un certain moment de notre vie. Mais je crois que les plus forts nous atteignent à tout moment, nous attrapent par surprise soit en nous faisant rire dans une époque nuageuse, soit en nous touchant dans un moment de bonheur simple. Or ici, rien. Je comprends même difficilement le prix accordé. Si la voix est juste, elle n'apporte rien de nouveau sous le soleil des délaissés, des laissés pour contre, des tristes et des mal nés.

Triste, donc, mais c'est comme ça. Dommage pour le ciel de Bay city.

lundi 8 juin 2009

Toute la nuit devant nous, par Marcus Malte, Éditions Zulma

Premier contact avec cet auteur prolifique. "Toute la nuit devant nous" contient trois nouvelles qui toutes mettent en scène soit des enfants, soit des ados. Si je l'avais su avant, ça m'aurait rebuté. Pas que je n'aime pas les enfants, bien au contraire, mais je n'avais pas envie d'histoires dites "touchantes" où des enfants décrivent une version naïve de drames avec, au bout, une morale douceureuse. Tel n'est pas le cas ici.

Malte situe ses actions en France, ses personnages sont carrés, découpés et s'ils côtoient la mort (ce qui survient incidemment dans les trois histoires racontées), celle-ci ne se résume à rien d'autre que la fin de quelque chose. Mais si les histoires sont dures, l'écriture ne l'est pas. Malte manie les mots comme un fin escrimeur: les mouvements sont adroits, souvent remarquables, le touché sans pitié. Il fait bon retrouver le "bien écrit".

Des trois nouvelles, celle qui m'a le plus touché résulte en une hécatombe qu'on devine dès le début du récit, mais la façon de l'auteur d'amener le "pourquoi" de tout ça m'a particulièrement transportée. Les autres histoires, si elles n'ont rien d'exceptionnelles, captivent efficacement. On termine chaque partie du livre avec un sain recueillement.

Trois petites nouvelles, c'est bien peu pour faire le tour d'un auteur. Ma curiosité étant piquée, je voudrai bien, une autre fois, retomber dans l'univers assez glauque mais brillament ficelée de Marcus Malte. Je noterai enfin que je ne ferais pas de "Toute la vie devant nous" une lecture de vacances, mais une de chevet, à lire dans le calme ou à tout le moins dans la pénombre. Ben quoi, vous trouvez pas, vous, qu'à force de lire, on en développe des envies de mise en scène?

dimanche 7 juin 2009

Le club des policiers yiddish, par Michael Chabon, Éditions Robert Laffont


Après la 2e guerre, des Juifs sont allés se battre pour reconquérir la terre d'Israël. Or ça a raté. Le peuple juif se retrouvant une autre fois sans terre, le gouvernement américain lui concède une partie de son territoire pour s'y installer provisoirement. C'est ainsi que se bâtit Sitka, une ville de 3 millions d'habitants... en Alaska. Les Juifs de de toutes les communautés qui soient s'y retrouvent mais voilà, il leur faut partir car le territoire sera bientôt rétrocédé à l'Alaska. Jusqu'où iront les plus extrémistes pour tenter de débarquer à Jérusalem?

Voilà, la table est mise pour "Le club des policiers yiddish". Le contexte est original, les personnages aussi. Sitka est une ville préfabriquée, laide, où la criminalité cotoie les divisions religieuses et le pouvoir y est partagé entre gros durs et rabbins.
Le bouquin est policier. S'y démarqueront deux inspecteurs appelés à élucider un meurtre à première apparence banale. Les deux protagonistes sont du crû, un juif, l'autre mi-juif mi-autochtone de l'Alaska. Colorés, leurs vies le sont aussi et comme tout bon personnage de roman policier américain qui se respecte, y'a de l'alcoolisme, des couples qui vivotent et de petites blagues lancées aux moments normalement jugés les plus stressants ou dangeureux, genre "Hasta la vista baby".

Je ne suis pas un grand fan de romans policier et ce livre-là ne m'a pas réconcilié avec le genre. Si la mise en scène est excellente, le traitement, lui, ne m'a pas soulevé. Et pourtant, Chabon m'avait fait rugir de plaisir il y a quelques années avec "The Incredibles Adventures of Kavalier and Klay". Bon ok, l'auteur est manifestement d'origine juive et sa judaïté se manifeste dans toutes ses histoires. Faut se se le tenir pour dit. Mais le positionnement de ses personnages en Amérique leur donne une allure un peu cartoonesque. C'était le cas avant, mais là, avec "Le Club...", ça donne allègrement dans le cliché. Mais peut-être qu'un amateur de romans policiers saura me dire que je me trompe.

Soulignons enfin la très discutable qualité de la traduction. Par exemple, personnellement, un "soda cerise", ça me semble très loin d'un "Cherry Coke". Eh, Robert Laffont, y'a plein d'excellents traducteurs pour des romans américains de ce côté de l'océan!