dimanche 21 février 2010

Et que le vaste monde poursuive sa course folle, par Colum McCann, Éditions Belfond


McCann, c'était d'abord Les saisons de la nuit, une des plus belles oeuvres que j'aie jamais lues, avec une scène particulière qui m'est restée imprégnée bien profondément dans le cortex. Puis vint Dancer, l'excellent récit du danseur Noureyev, puis le décevant Zoli, où McCann a lâché les USA et tout particulièrement New York pour l'Europe de l'Est. Avec "Et que le vaste monde...", on retourne à New York. Et c'est bien.

Colum McCann, c'est un peu le Ken Loach de la littérature. Ses histoires racontent des gens qui souffrent, des pour qui la vie est dure. D'aucuns crieront au misérabilisme. Je n'irai pas jusque là parce que par-dessus la misère de ses personnages, McCann décrit les plus beaux décors en noir et blanc. D'écriture forte, il s'est mérité je ne sais plus combien de prix avec "Et que le vaste monde..." en 2009. Ça se comprend. Ce livre est aussi puissant que Les saisons de la nuit. McCann est revenu. Exit Zoli.

Dès le début, c'est un peu d'Irlande, puis le Bronx des années 70. Ouvrages à plusieurs voix, on y découvre plusieurs histoires qui tournent autour du même événement, celui du fildeferiste qui traverse le World Trade Center sur son fil d'une tour à l'autre en 1974. On est envoûté, ça y est, McCann est bel et bien revenu jusqu'à ce que... patatras! Tout s'écroule. De toutes les voix qui s'expriment, l'une d'elles vient de la rue du Bronx, avec sa personnalité et son langage, ses mots particuliers. Or, la traduction française efface tout. Bon d'accord, je ne suis pas Français. J'imagine que ça joue. Les mots d'argots ici utilisés me sont inconnus et franchement, j'avais la désagréable impression d'un western doublé dans un studio parisien. Insupportable. Comme quoi la traduction est un art et ici, le travail n'a été fait que pour un public très ciblé, européen. Aucun Québécois ne s'y retrouvera. Jamais vécu ça avant.

C'était au milieu du livre environ. Une fois ce chapitre terminé, les autres voix reviennent, lisibles, mais j'étais tellement plein d'appréhensions que j'ai difficilement repris le fil de l'histoire. Or c'est joli, tendre et dur, mais voilà, je déteste dire ça, mais j'aurais dû le lire en anglais. Je le saurai pour la prochaine fois... à moins que l'éditeur réserve à l'écriture de McCann un traducteur pour un public francophone d'Amérique. Qu'on me permette d'en douter.

Première fois, peut-être, que je subis en lecture les affres de la mondialisation. Triste et frustrant.