dimanche 12 octobre 2014

Excursions dans la zone intérieure, par Paul Auster, éditions Actes Sud/Leméac

Je n'aurais pas cru possible une suite à Chronique d'hiver, le surprenant et si réjouissant ouvrage où Paul Auster racontait son histoire au "tu". Aussi surprenant dans sa forme que dans son contenu dénué de fiction, Auster dévoilait ce qui le constituait à travers des marques sur son corps. C'était brillant.

Seconde partie, donc, avec Excursions... qui va de la petite enfance de l'auteur jusqu'au début de sa vie d'adulte. Il n'y a pas de lien tels que les marques corporelles ou les adresses. Ici, ce sont des impressions, des pensées profondes, des certitudes et des doutes. Le titre est absolument bien choisi. Moins surprenant que le premier, on l'aurait voulu pareil. Or, plus profond parce que justement plus intérieur, ce second livre d'Auster qui s'auto-raconte est encore plus personnel que le premier. Tellement, à vrai dire, qu'il me semble frôler l'égocentrisme. Disons qu'au contraire des Chronique..., celui-là me rend plutôt dubitatif. C'est rare, très rare même, mais je ne me suis même pas rendu jusqu'à la fin.

Le livre commence avec des bribes d'enfance, des perceptions, la prise de conscience de ce qu'il est, du monde qui l'entoure, tout ça dans la sauce années 50 du New Jersey. Raconté par Paul Auster, avec ses mots d'esprit, c'est palpitant. Puis, comme ce fut le cas pour Chronique d'hiver, surviennent au moins deux descriptions hyper détaillées de deux films marquant l'apprentissage du petit Paul. Une de ces descriptions va facilement dans les trente pages. Ce ne sont pas mes portions favorites. Non, c'est pas ennuyant, et oui, Paul Auster les raconte avec passion, à travers les yeux du petit enfant qui voit le film pour la première fois, mais j'avais l'impression d'un grand aparté qui m'éloignait du héros de ce livre, celui auquel je m'étais attaché, soit l'auteur lui-même.

Puis, arrive une correspondance entre le narrateur/auteur et sa première épouse, dans les temps précédant leur union, soit au début de l'âge adulte. À un moment précis, Auster avoue ne pas savoir quelle importance apporter, et avoue, se relisant, ne pas se reconnaître dans la portion la plus jeune de cette correspondance. Eh bien c'est tout à fait le cas: on perd Paul Auster là-dedans. Cet échange épistolaire, édité ici dans un seul sens, c'est à dire de l'homme à la femme, prend toute la place à la fin du livre. On y retrouve les descriptions intéressantes, vues de l'intérieur, des événements de 68 à l'université Columbia, à New York, puis l'apprentissage se continue. Paul va à Paris, vit des angoisses, découvre la vie et poursuit ses études de littérature. C'est pesant. On constate qu'Auster a trouvé là une grande importance, un bel outil pour décrire l'homme qu'il est devenu, ça se sent. Mais c'est tellement personnel qu'après quelques missives et quelques années de lettres, je n'en pouvais plus. Vous savez, ce cliché qu'on se fait du ton un peu enflammé de l'étudiant en littérature qui philosophe? C'est comme ça pendant des pages et des pages. C'est là où il m'a perdu. Ses réflexions m'ont échappées, l'auteur/narrateur m'a glissé entre les doigts. Résultat: alors qu'il me restait encore quelque dix pages à lire, j'ai poussé un profond soupir et j'ai laissé tomber... le livre, mais pas Paul Auster pour autant.

Vite, un retour à la fiction!