jeudi 7 décembre 2023

Je parlerai des amélanchiers de Saint-Maxime-du-Mont-Louis, par Mathieu Hachebé, éditions de la Maison en feu

Comment rester indifférent à un tel titre? C'est effectivement de ce dont parle ce livre: d'arbres, de la mer de ce coin de planète (le nord de la Gaspésie) et de relations humaines. Le narrateur nous raconte sa vie dans une vieille maison déglinguée, louée à plusieurs, à proximité d'une pépinière où s'affairent plusieurs habitants de la maison. Y travaillent-ils ou y vivent-ils, tout simplement? Est-ce une commune ou la résidence de gens de passage?

Peu importe. Ce que raconte Mathieu Hachebé est à un niveau qu'on aborde rarement dans les romans: le niveau général des choses, celui le plus simple, sans tomber dans les détails, ni la psychologie des personnages, ne la profondeur des paysages. Il décrit les interactions d'un narrateur avec les autres, son travail, et sa perception de tout ça. C'est l'observation fragile et sensible d'une micro-société en retrait.

On perçoit quand même des esprits différents: des obtus, des libres, des angoissés, des résolus. Dans ce livre, chaque page se distingue. Chacune est un paragraphe, un ou quelques lignes qui flottent sur du blanc. Ça nous amène à lire lentement, une page à la fois, en méditant, ne serait-ce que quelques secondes, la portion d'histoire, la description, l'information ou le sentiment qu'on vient de lire.

Hachebé écrit comme un poème et ça se lit comme tel, mais pourtant, c'est bel et bien une histoire. C'est audacieux de publier un livre d'une telle facture. Il faut que le lecteur sache ou veuille s'arrêter. Disons, sourire en coin, qu'avec un tel livre, Mathieu Hachebé et son éditeur réinventent le page turner.

Ce livre s'inscrit bien dans cette époque de ma vie de lecteur où j'accumule les récits contemplatifs, qui portent un regard tendre sur ce qui les entoure tout en faisant réfléchir sur ce qui nous élève et ce qui nous abime, ceux qui nous inspirent et ceux qui nous découragent.

Le petit monde décrit ici m'a bien plu. Je le recommande particulièrement pour des jours de vacances.

mardi 5 décembre 2023

Un lac le matin, par Louis Hamelin, éditions Boréal

C'est son thème qui m'a attiré: la vie imaginée de Henry Thoreau dans sa cabane. Walden fait partie des livres qui m'ont le plus marqué. Si vous ne l'avez pas lu, Un lac le matin vous donnera envie de le lire.

Louis Hamelin imagine l'auteur en train de rédiger son livre. C'est l'histoire de l'histoire, l'idée que le lecteur Hamelin s'est fait de l'auteur Thoreau. Tout lecteur épris d'un auteur peut comprendre l'initiative. J'envie même Hamelin d'avoir osé.

Le Thoreau décrit est dans la fin de la vingtaine, idéaliste comme ça se peut pas, tellement qu'il frôle la naïveté. Mais est-ce le cas? Et si le gars était tout simplement convaincu que le retour à la terre est la seule solution pour ralentir le développement qui l'entoure? Le pays se bâtit. Thoreau déplore (déjà) la destruction de ce qui était là avant les villes, les maisons et les gens. Il regarde la forêt environnante et le lac avec le regard de l'admirateur devant le tableau d'un grand maître. Il plante des haricots, se les fait chiper par des marmottes: pas grave. C'est la nature, et pour lui, c'est là tout ce qui devrait être. Comme son personnage, ce livre est en bonne partie contemplatif, ce qui le rend paisible et plaisant à lire.

Les pensées de Thoreau cheminent au fil de ses rencontres, dont la famille de l'influent Waldo Emerson, d'un ami poète, et d'un bucheron d'origine canadienne-française, encore plus terre à terre qu'Henry lui-même, ce qui le sidère. Ces personnages tirés de Walden prennent une nouvelle tournure sous l'imagination de Louis Hamelin, qui nous suggère l'opinion que Thoreau a de chacun. Hamelin prend même le pari de faire passer Thoreau pour condescendant envers une famille d'immigrants sans le sou. Pourquoi pas? L'idéaliste a aussi ses ornières.

Hamelin se met parfois en scène en accolant quelques scènes de sa vie quotidienne à celles de son personnage. Si on perçoit certains parallèles, ce n'est pas toujours le cas, Hamelin s'emportant une fois ou deux sur des sujets qui semblent lui tenir à coeur mais qui s'éloignent un peu du sujet du livre. Sans dire de quoi il s'agit, je souligne seulement ce qui ressemble à de petites incartades qui m'ont laissé un peu dubitatif. Mais quand même: je n'avais jamais lu Louis Hamelin avant, et ce livre m'a beaucoup plu. Henry Thoreau est un fort beau personnage.