lundi 26 septembre 2022

Indice des feux, par Antoine Desjardins, éditions La Peuplade

Il y avait longtemps que j'avais lu un aussi bon receuil de nouvelles. En fait, en avais-je déjà lu un aussi bon? Habituellement, dans un recueil, une nouvelle ou deux nous tape un peu ou pire, nous laisse totalement indifférent. Pas cette fois. On aurait pu croire que c'étaient les thèmes communs à chacun, mais non. J'ai accroché à la qualité des mots, de la langue et de la diversité des tons.

Deux thèmes sont communs aux sept nouvelles du recueil: la nature, et les liens. Disons franchement que ces deux fameux ingrédients auaient pu nous faire tomber dans la morale et le douceureux. Mais pas du tout. Au fil des histoire, on en vient à se demander quelles formes prendront ces liants, par où passera l'auteur pour nous ramener à ces considérations.

Le livre commence sur les chapeaux de roues avec une histoire dans laquelle certains verront une certaine violence. Mais est-ce vraiment le cas? À vous de voir. Elle est écrite comme une mitraillette (je ne l'aurais pas placée au début, mais bon, finalemenet, c'était pas nécessairement un mauvais choix), alors que dans la suivante, on tombe dans une douceur extrème, presque paralysante, avec une belle finale. Et ça va ainsi pour chaque nouvelle.

Je parle de nature plus que d'environnement pour identifier le thème principal du livre, parce qu'un arbre, des oiseaux, ou la nature toute entière, dans une nouvelle sublime sur la transformation d'une personne, deviennent le pivot autour duquel se vit une histoire personnelle ou une relation. Et ces relations sont le plus souvent issues des liens familiaux: un neveu et sa tante, deux frères, un homme et son grand-père, un couple, etc. La sauce aurait pu être trop sucrée, mais l'auteur a sû doser pour rendre chaque personnage attachant et chaque histoire prenante. Encore une fois: si le début est rude, ça devient vite tendre, sans être mou ni mielleux.

Maintenant, j'ai envie de lire Antoine Desjardins dans une longue oeuvre de fiction, pour voir quel ton il utilisera ou si, encore une fois, il saura relier des atmosphères différentes en une seule histoire. J'ai pleinement confiance.

On parle ici d'une très belle découverte des éditions La Peuplade.

mercredi 21 septembre 2022

S'adapter, par Clara Dupont-Monod, éditions Stock

Je ne me rappelle pas vraiment avoir versé autant de larmes qu'en lisant ce bouquin. Et là, je ne parle que du premier tiers! Mais quand même, les deux autres tiers ne m'ont pas laissés indifférent pour autant. Ce livre est une grande réussite.

Clara Dupont-Monod raconte la vie d'une fratrie (une fille et deux garçons) qui ont partagé une partie de leur vie avec un quatrième frère lourdement handicapé. En fait non, tous n'ont pas partagé leur vie avec lui parce que le dernier de la famille est né après le décès de celui autour de qui tourne cet incroyable récit. Chacun des protagoniste a donc vécu cette proximité à sa façon, et même sans proximité physique, vivre avec un souvenir qui ne nous appartient pas devient aussi un défi, comme pour les autres. Nous sommes, dit-on, le produit de notre environnement. Ce livre en fait la démonstration.

Au coeur de ces trois vies, il y a eu celle d'une personne différente. Or ces personnes, ce sont des frères et soeurs, dont un posthume. Sans oblitérer les parents, qui sont présents tout au long du livre, mais pas en figures principales, l'autrice dirige la lumière sur ceux qui ont dû, eux aussi, adapter leurs vies à une autre. Et ça, c'est original. Qui a vécu une situation semblable sera stupéfait de constater avec quelle justesse l'autrice raconte comment ces vies seront différentes ce qu'on pourrait appeler "le monde normal". Elle met en scène, avec des mots très simples, une écriture sans flaflas et très efficace, les dommages et les forces qui resteront à chacun.

En fait, ce roman est presque un documentaire tellement il est réaliste. Qui n'a jamais vécu une telle situation en apprendra beaucoup et sera inévitablement touché. Parfois tendre, parfois très dure, cette histoire ne laissera personne indifférent. Bien sur, on y verra une proximité, sur le thème, avec Le petit astronaute de Jean-Paul Eid, mais le ton est différent, et au contraire de la bande-dessinée, qui est axée sur le vécu des parents, on parle ici d'une autre relation, moins directe avec la personne différente, mais tout aussi concernée par l'adaptation qu'elle demande.

Bon, ça peut sembler plutôt triste comme ça, mais même les plus sensibles y trouveront leur compte parce qu'il y a, dans ce livre, plusieurs apprentissages, dont un en particulier qui dit que les joies et les peines nous font, et que si on sait bien s'adapter, allez, on saura bien faire notre vie.

À lire absolument.

lundi 12 septembre 2022

Gens du nord, par Perrine Leblanc, éditions Gallimard

J'ai probablement aimé ce roman, mais je crois ne pas l'avoir compris. Malgré que la lecture de mes impressions du précédent ouvrage de Perrine Leblanc me confirment qu'entre elle et moi, la transmission se fait mal. Bref, vous me voyez dubitatif.

Au début des années 90, en Irlande du NOrd, on commence à entrevoir la fin de ce qu'on aura appelé "les Troubles", une époque de conflit entre protestants et catholiques irlandais. Les personnages de Gens du Nord sont bien sur issus, pour la plupart, de ce coin du monde, sauf pour les deux principaux protagonistes, un Français et une Québécoise. Chacun y mène ses enquêtes, lui à titre de journaliste, et elle, de documentariste. Or, pour lui, c'est pas trop certain, parce qu'en plus d'être journaliste, il entretient des liens avec une des factions prenant part au conflit. Ça l'emmène à vivre dangereusement, dans un monde où chacun est pisté, ou suspecté, ou craint par un ou par l'autre. C'est un monde où personne n'est sûr de rien ni de personne, où personne ne se sent vraiment à sa place, bref, où tout ce qui arrive est assez difficile à comprendre.

En ce sens, l'atmosphère est réussie. Parce qu'il faut le dire, Perrine Leblanc écrit superbement bien. Ses descriptions sont précises, concises, belles. À eux seuls, les décors valent le livre. Perrine Leblanc voit tout, pense à tout. Sa force de description est assez rare.

C'est dans le scénario que je me suis perdu. À travers les relations malsaines, les violences sauvages et les haines séculaires qui pourrissent le climat du pays, l'autrice fait ressortir une histoire d'amour entre deux personnes venues d'ailleurs. Tout est inconfortable, insécure, voir même insoutenable. En fait, il y a un climat d'incertitude qui m'a comme tellement atteint que je suis resté sur mes gardes tout au long de ma lecture. Le personnage principal de la Québécoise qui fait son enquête m'a énervé, je sais pas pourquoi, et j'avoue que celui du Français m'a été peu sympathique.

Bref, pourquoi tout ça, je sais pas trop. Les climats de Perrine Leblanc, dirais-je, ne sont pas les miens. C'est dommage.