lundi 28 novembre 2016

Le rouge vif de la rhubarbe, par Audur Ava Olafsdottir, éditions Zulma

Agustina est une adolescente qui vit avec sa grand-mère dans l'Islande des années 60 ou 70. Une infirmité de naissance la fait se déplacer avec des béquilles. Sa mère, une scientifique qui vit à l'étranger, lui envoie régulièrement des lettres. Voilà pour l'histoire. Vraiment. C'est aussi simple que ça.

À travers ça, Agustina rencontrera un garçon de son âge qui prendra partie de la protéger, elle s'interrogera souvent sur la rencontre fortuite de ses parents qui conduira à sa naissance, puis elle élaborera le projet de monter avec ses béquilles la montagne qui surplombe son village.

Ce livre serait donc le premier que cette auteur a écrit, ceci avant le fameux Rosa Candida qui l'a fait connaître des lecteurs francophones. On y retrouve la même sensibilité, le même lien entre les personnages et la terre et aussi la même vulnérabilité de personnages qui font pourtant tout pour démontrer le contraire. Un peu comme ses autres livres, celui-là raconte aussi une époque d'apprentissage.

Après quelques pages de ma troisième rencontre avec cette auteure islandaise, je me suis dit que j'en avais sans doute assez, que ces histoires avec le minimum d'action n'étaient pas ce dont j'avais besoin ces jours-ci et pourtant... j'ai lu la dernière moitié plus rapidement que la dernière. Parce qu'un tel livre fait du bien. Il n'y a pas de bons ni de méchants dans de telles livres, mais que des personnages qui sont aux prises avec eux-mêmes et qui tentent de se définir. Ça nous rejoint toujours inévitablement. Ce côté introspectif est, je le découvre au fil de mes lectures, très scandinave. On dirait que ces auteurs du Nord n'ont pas peur de s'arrêter pour penser, se remettre en question, de partager leurs pensées profondes et même moins profondes. L'action, ici, est secondaire. C'est aussi le paysage qui dicte le cours des choses, parce que très présent, fort, dur, mais apaisant.

La petite histoire d'Agustina ne change pas la vie, mais comme les autres livres d'Audur Ava, elle permet de passer un bon moment à oublier la sienne, sa vie. Pour les amateurs d'histoire simples, profondes mais pas mièvres. Et pour qui connait l'auteur, si j'en crois mon expérience, vous ne serez pas déçus.

lundi 14 novembre 2016

La jeune épouse, par Alessandro Baricco,éditions Gallimard

C'est l'histoire d'une famille qui vit dans un immense manoir en campagne. Chaque matin, ses membres encore endormis se tombent dans les bras les uns les autres, heureux de constater qu'ils ne sont pas morts pendant la nuit. Puis, ils s'installent à la table des petits déjeuners qu'ils prennent jusqu'à tard en fin d'après-midi. Tous les jours.

Mère et fille sont vives et d'une beauté référentielle. Le père est un industriel richissime. Un gérant doué s'occupe de ses affaires. Un oncle vit avec eux. Il dort tout le temps et dit des mots d'esprit entre deux sommeils. Et le fils, lui, est parti faire son apprentissage ailleurs. Mais on l'espère, parce qu'arrive la jeune épouse. À 18 ans, elle décide qu'il est temps de venir convoler avec le fils, qu'elle a connu il y a quelques années. Mais ce dernier n'est pas là. Alors la famille l'accueille et ce sont eux qui s'occuperont d'elle. Ils feront son apprentissage.

La table est mise. Le tableau est parfait. Tout au long de ce livre, en fait, il faut imaginer des situations parfaites, des corps, des esprits, des décors, des vies parfaites. Car tout est là: le trop. On s'y plait, on s'y délecte souvent, mais qu'arrive-t-il lorsqu'on n'en peux plus, et qu'est-ce qui fait qu'on s'y complaise?

Encore une fois, Baricco joue dans la métaphore. Cet auteur qui figure parmi mes préférés écrit des fables longues, fines et truculentes. Ses personnages sont excentriques, ses décors ne souffrent d'aucune imperfection et ses histoires nous tiennent en haleine. Et ses descriptions... Tiens, oui, parlons-en, parce qu'ici, il y a quelque chose de particulier. Il y a un érotisme qui frôle le degré plus élevé... de l'érotisme.

Qui connait Baricco sait combien ses histoires sont sensuelles, finement sensuelles, juste assez. Avec lui, même les corps les plus flétris deviennent désirables. Avec la jeune épouse, l'auteur s'est lancé. Ses personnages étaient parfaitement dessinés pour que leur auteur les emmène là où il n'est jamais allé avant. La jeune épouse fera donc la découverte du désir avec à peu près chaque membre de la famille. Progressivement. Mais ici, il faut rappeler que le Fils, lui, n'est pas là. Déduisez-en ce que vous voulez mais bon, pour ma part, ça m'a surpris. La première scène du genre est justement une surprise. La seconde encore plus. Maintenant voilà... le fallait-il... Ma réponse: non. Ce n'était pas obligé. Même sans ces scènes, La jeune épouse aurait charmé. Bien sur, il y avait longtemps que Baricco nous y préparait. Depuis Soie. Maintenant que c'est fait, pour ma part, j'en souris. N'est pas donné à qui le veut l'art de décrire des scènes érotiques. Baricco y parvient, mais peut-être pas aussi fortement que tout ce qu'il écrit, pas aussi magnifiquement que l'ensemble de son oeuvre, chargée d'odeurs, de couleurs, et de tout ce que la littérature peut avoir de beau et de bon.

Je suis et je demeure un fan inconditionnel de Baricco. Sa façon de raconter est unique. Cette Jeune épouse ne restera pas mon préféré de lui. La raison: il a ouvert la porte d'une pièce dont le mystère faisait, jusqu'ici, ma joie. Ceci dit, ce n'est pas mal fait. Parce que n'oubliez pas, le fils n'est pas là. Reviendra-t-il? Et si oui, comment? Pour ces seules questions, il faut lire La jeune épouse.