lundi 29 mai 2023

Crépuscule, par Philippe Claudel, éditions Stock

La façon Philippe Claudel a encore fonctionné pour moi. Plus que jamais, même. Prenez une petite société fermée, inventez des personnages très typés, avec de gros traits, dans un environnement pas très confortable, et faites-en un conte qui raconte le monde, le nôtre, vu à travers le sien, celui de Philippe Claudel.

On est il y a un peu plus de 100 ans dans ce qu'on devine être quelque part dans les Balkans. Dans la petite ville, chrétiens et musulmans cohabitent depuis des siècles. Jusqu'ici tout va bien. Mais voilà qu'on retrouve le curé assassiné. Le policier, un drôle de type effacé mais vantard, besogneux mais lubrique, mènera l'enquête avec son adjoint, un gentil géant taciturne, pas très allumé, au lourd passé qui le rattrape parfois de vilaine façon. Qui a tué le vieux prètre qu'on n'aimait pas trop mais qui, mort, devient prétexte à toutes les suppositions? À cause de lui, certains en accusent d'autres, un autre meurtre suit, et vous pouvez imaginer que par la suite, ça s'emballe, et ça vous rappelle bien des situations actuelles.

L'hiver est rude dans cette histoire, les personnages aussi. Mais le printemps n'en est que plus beau, et les coeurs tendres aussi. C'est là tout l'art de Philippe Claudel, de raconter des scènes épiques et de décrire des personnages qui sont à eux seuls tout un roman. Oui, c'est glauque, et il arrive des choses odieuses, mais jamais on est dégoutés. Fascinés, oui, mais pas déprimés. Parce qu'encore ue fois, en lisant cet auteur, je suis plongé dans un univers de bande dessiné tellement les images qui m'habitent sont bien dessinées, rondes, avec de fortes couleurs. C'est tout à fait ce que j'aime: un voyage dans le temps, mais aussi dans l'imaginaire, et les émotions.

Comme dans ses autres histoires, on part avec l'impressions que dans cette petite ville, personne n'est vraiment beau ni bon, puis en même temps que la méchanceté, son contraire se révèle, une bonté pure qu'on rouve en fouillant bien. Alors malgré les scènes dures, à la fin du livre, on est tout retournés. BIen que triste, la scène finale nous réconcilie avec quelque chose comme de l'espoir. En tout cas, c'est ce que j'ai ressenti. Et je vous convie fortement à lire Crépusculem ne serait-ce que pour cette douce sensation, quelle qu'elle soit que vous ressentirez la fin.

Un beau, très beau conte, qui me fait rester fidèle à Philippe Claudel. Vivement un autre!

jeudi 4 mai 2023

Vivre vite, de Brigitte Giraud, éditions Flammarion

Certains livres vous font vous remettre en question. Avec celui-là, je me suis sérieusement demandé si j'avais du coeur, si je devenais insensible, bref, si j'avais un problème. Parce qu'il faut le dire: le livre me tombait des mains.

Ce récit est celui des derniers jours vécus par l'autrice avant le décès tragique de son amoureux en 1999. Elle revient sur les événements par une formule où chaque chapître est un pan de l'histoire qui aurait changé le dénouement s'il n'était pas arrivé, ou si quelque chose d'autre était survenu. Bref, Giraud écrit sur la fatalité. Elle profite de la description de chaque geste, chaque situation, pour pointer ces petits riens qui font la vie, ces grands coups qui la changent, les habitudes, ce qui bâtit la confiance, bref, une foule de choses qui, mises bout à bout, deviennent des souvenirs qui, eux, nous font tels que nous sommes devenus.

C'est bien, super bien écrit, et la fin est superbe, en un bel hommage à cet amoureux qui marque encore ses souvenirs et qui, l'a fait, elle, à travers l'histoire qu'elle a vécu avec lui.

Mais mon dieu que j'ai peiné. J'avais parfois l'impression d'une personne inconnue qui s'assoit à côté de vous et qui vous raconte sa vie difficile. À d'autres occasions, je tiquais sur le fait que lorsqu'elle parlait de leur enfant à tous les deux, elle disait "son fils", et non "le nôtre, notre fils". Cette impression que la narratrice se met de côté...

Et il y a eu cette impression générale de " mais pourquoi elle revient là-dessus puisque c'est arrivé il y a si longtemps? Pourquoi tant de tourments? " Bon. Bien des livres partent d'un fait vécu dans l'enfance, ou dans une période antérieure. C'est pas le premier. Alors pourquoi cette histoire, pourtant touchante et racontée sans flafla m'a tant tapé à certaines occasions? Étais-je dans le déni de la fin inéluctable, qui serait triste parce que mortelle? Peut-être, mais je crois avoir trouvé la vraie raison: avec Brigitte Giraud, qui a pourtant remporté le Goncourt avec ce livre, c'est quand même pas rien, j'ai atteint ma limite avec l'autofiction.

J'aime lire pour m'évader de la réalité, fut-elle passée ou présente. J'aime les histoires. C'est donc pas la faute de Brigitte Giraud, à qui je m'excuse bien sincèrement. C'est juste que là, les histoires écrites au "je"... faudrait que je prenne une pause.

mercredi 3 mai 2023

Stella Maris, de Cormack McCarthy, éditions Knopf

C’est probablement un livre de génie. Je le saurai à ma deuxième lecture. Parce que je devrai relire ce livre qui ne ressemble à rien d’autre.

Il s’agit d’une conversation entre un psychiatre et sa patiente. Il n’y a aucun décor, aucune action. Il lui pose les questions, elle répond.

Cette patiente prétend converser avec des êtres qu’elle seule peut voir. Le médecin l’interroge aussi sur une certaine tendance suicidaire. Or, tout sera remis en question: s’agit-il il de pathologies ou pas?

La patiente est mathématicienne. Son père fait partie de l’équipe qui a créé la première explosion nucléaire à Los Alamos. Dire que cette personne est intelligente est un euphémisme. Avec son intervieweur, elle remettra tout en question par ses réponses parfois acerbes, parfois émotives.

Les deux parleront du monde, de la vie, de ses origines, de son but, à travers mle spectre des mathématiques, de la science et de la perception du monde de ce personnnage singulier.

Oui, c’est un livre où on relit souvent des passages parce qu’on n’a pas compris. On se reprend, c’est difficile, mais on continue. Puis, on se rencontre que c’est probablement le but de ce livre, et à la fin, on est plein de gratitude et on est bouleversé, et secoué. Parce qu’en plus de penser le monde, McCarthy le provoque en s’attaquant à deux grands des tabous actuels. J’en suis certain: peu de pour et plusieurs contre, mais comme tout le livre, c’est brillamment mené.

Ce livre n’est pas encore traduit en français.