mardi 28 décembre 2010

Point Oméga, par Don DeLillo, Éditions Actes Sud


Je connais peu don DeLillo mais l'ai rapidement placé sur un piédestal. J'avais terminé "White Noize" avec une heureuse impression de réconciliation avec les États-Unis et tout ce que leurs médias et leur production culturelle audiovisuelle a de désagréable et de mesquin. Enfin un Américain parlait de lui, des siens, avec une vue critique de l'intérieur. Non, tout le monde n'était pas beau, bon, un peu bébête mais eh, une bonne pâte, après tout, on peu bien lui pardonner ses frasques, tiens! Il a tué 20 personnes dans le film? Pas grave, car grâce à lui, le bien a triomphé. Ce triste scénario est loin de DeLillo où les catastrophes sont ambiantes, en arrière, et bien présentes que l'on ouvre la porte ou non.

Ici, un ancien diplomate vis reclus dans sa cabane dans le désert. Un cinéaste va le rejoindre pour faire un film sur lui parce qu'il a des révélations à faire sur la guerre en Irak et tout un tas de trucs sur les relations internationales. Ok, je vous vois venir: ce livre est sorti en français en septembre 2010. Oui, c'est sorti avant que WikiLeaks devienne un sujet de prédilection pour les médias. Roman prémonitoire? À vous de juger. J'ajouterai seulement qu'un troisième personnage s'ajoutera au duo et qu'un événement survenu à l'un des trois remettra en question la vie de tous les autres. À travers ça, un homme se tape un film de Hitchcock dans une version lente qui fait s'étirer le film sur 24 heures.


Point Oméga est très court. Même pas 150 pages. Fort, il vous laissera sur une curieuse impression, sur quelque chose d'inachevé, de persistant, d'une épée de Damoclès qui nous est peut-être commune.

Attention! Les romans de Don DeLillo n'ont rien d'un James Bond. Il ne s'agit pas non plus d'un roman policier. Un bon romancier sait situer l'action là où il le faut, et c'est d'autant plus respectable lorsqu'il s'agit d'une seule action, d'un seul événement précis autour duquel tourne toute l'histoire.

Vous ne connaisssez pas DeLillo et désirez le connaître? Commencez par lire White Noize (Bruits de fond, Stock, 1986 ou Babel, 2001) puis glissez sur Point Oméga.

lundi 6 décembre 2010

Le sel, par Jean-Baptiste Del Amo, Éditions Gallimard

Après Une éducation libertine, son premier roman, qui m'avait profondément retourné, j'attendais le prochain Del Amo impatiemment. Le peu que j'en avais entendu ou lu semblait confirmer le talent. J'ai donc entrepris cette chronique familiale sur les chapeaux de roues, si l'on puisse en dire autant pour un lecteur.

Un couple à Sète, en France. Il était pêcheur. Il est mort depuis peu. Sa veuve a invité ses trois enfants à dîner. Le prétexte est bon pour se souvenir. Embarquent les souvenirs de la mère, de l'ainée, du second et du benjamin. Le père était dur, la mère, effacée. Tous vivent bien maintenant, mais en a-t-il été de leur enfance? Chacun en a sur le coeur, évidemment. Qui n'en n'a pas contre ses parents, sa famille? Mais voilà, tout n'a pas été dit. Tout est là, dans les non-dits.

Je crois qu'il est possible de lire un livre dans l'appréhension, avec un regard de travers, et de ressentir cet étrange malaise qu'on éprouve, adolescent, à regarder un film d'horreur. On est fasciné, on veut parfois fermer les yeux pour évacuer une scène et pourtant non, On regarde. Le Sel n'a rien de l'horreur mais tout pour vous faire mal. Cette chronique familiale n'est pas commune par son histoire, mais peut très certainement ramener n'importe quel lecteur à ses démons, soient-ils tout petits ou trop présents. Del Amo joue avec les sentiments comme un menuisier manie le marteau. Ce livre est un long crescendo qui commence de façon presque banale pour se terminer dans ce qu'on pourrait appeler "un silence assourdissant". Stupéfiant.

Dans le style, je ne saurais reprocher à Jean-Baptiste Del Amo le choix d'aucun mot. Bien sur, ses descriptions ont parfois un air très balzacien. La mer, ici, prend toutes les couleurs, tous les sons, toutes les odeurs. Je suis rarement un fervent des descriptions longues, mais ici, elles prennent tout leur sens.

Les trois enfants rendus dans la quarantaine de ce bouquin vous poursuivront longtemps. Et leur mère aussi. Quant à l'autre, je n'en parle même pas. Oubliez tous vos clichés du départ et attendez-vous aux révélations les plus fortes de là où vous vous en attendiez le moins.

Ai-je vraiment besoin de dire que je vous le recommande? Mais attention, déconseillé à qui vit un mauvais coton. Ce livre n'est pas noir, mais il contient suffisamment de couleurs pour déstabiliser qui a perdu ne serait-ce qu'un peu l'équilibre.


Note de fin d'article: à partir de maintenant, je tenterai de mettre aussi une photo de l'auteur, histoire de démocratiser un peu des gens dont on ne connaît trop souvent que les noms. On est dans un univers d'images ou on ne l'est pas... enfin. Merci, internet!