jeudi 28 septembre 2023

Requiem, de Gyrdir Eliasson, éditions La Peuplade

C'est un livre qui m'a fait l'effet de ma couverture préférée: je me suis roulé dedans. Je l'ai laissé m'envelopper, tellement que sitôt terminé, je me suis aussitôt procuré celui que Gyrdir a écrit juste avant.

Un homme quitte la ville pour s'installer dans un maison de campagne prêté par un oncle de sa conjointe. La maison est dans un village, sa femme est restée en ville. Il travaille dans le milieu de la pub et il peut travailler à distance. Jusqu'ici, rien d'inconnu.

Son désir de se retirer du monde réside en celui de composer de la musique. Bien qu'il ne se dit pas musicien, il sait l'écrire. Alors il écoute les sons environnants, des oiseaux à la pluie, et il note tout ça dans son petit cahier. Il est bien.

Puis le temps passe, les pensées s'accumulent, quelques préoccupations par rapport à sa conjointe, au proprio de la maison, certains résidents du village, dont sa voisine, mais reste une certitude: l'envie de rester là où il est.

Des auteurs contemplatifs qui donnent toute la place à l'environnement et aux décors naturels, l'Islande produit sans doute les meilleurs. Gurdir Eliasson s'ajoute de superbe façon. Ses mots sont justes (superbe traduction de Catherine Eyjolfsson), mais surtout, le rythme est parfait. Lent, mais constant. On suit ce gars-là pas à pas, lorsqu'il s'assoit, se lève, lorsqu'il écoute, sans aucun ennui. Tout est beau, et, à mon sens, confortable.

Bien sûr, rien n'est parfait et il arrivera quelque chose d'inévitable. Malgré ça, ainsi que d'épisodes douloureux du passé qui donnent son nom au livre, reste un sentiment constant de prendre conscience de là où est vraiment soi-même, de l'accepter et d'aller jusqu'au bout. Et lorsque tout ça se passe dans une solitude choisie et un calme bienvenue, c'est encore meilleur.

Il faut souligner que les amateurs de musique et de sons se repaîtront de cet ouvrage. Plusieurs références musicales (mais pas trop) le parsèment, et cette façon qu'a Gyrdir Eliasson de traduire des ambiances sonores en mots est tout à fait réjouissante. Ça m'a énormément plu. Vivement un autre.

Je lirai donc la trilogie qui se termine par ce livre à l'envers. Pas grave. C'était trop confortable comme livre.

dimanche 17 septembre 2023

La blague du siècle, par Jean-Christophe Réhel, éditions Delbusso

Ce livre que j'ai dégusté tout d'une traite (à peu de choses près) m'a laissé une délicieuse impression de "wow", d'avoir assisté à un événement. Complètement charmé par le ton le le rythme, cette histoire pourtant pas particulièrement jojo m'a séduite pas tant par ce qu'elle raconte que par les émotions qu'elle m'a fait vivre. Jean-Christophe Réhel: mon nouvel auteur coup de coeur.

Le narrateur vit dans l'est de Montréal avec son frère schizophrène et son père rendu au stade avancé d'un grave cancer. Ce narrateur travaille dans un Tim Hortons, sort d'une peine d'amour, et s'intéresse au stand-up, assez pour envisager, parfois, une carrière dans le monde l'humour. Au-delà de tout ça, sans jamais le dire, le gars se sent responsable des deux membres de sa famille avc qui il partage une vie peu confortable dans un appartement triste, et on peut inverser les adjectifs...

Réhel raconte le naufrage de ces personnages avec un ton près de l'humour, de la dérision, mais aussi avec une compassion aussi belle qu'inattendue. Si certaines scènes sont dures, mais aucune n'est trash. L'auteur décrit ses personnages dans l'intime et les fait s'entourer de personnages qui ajoutent tant à la grisaille qu'à la bonté. L'environnement décrit est hyper-réaliste, sans exagération ni dans le "pire que pire" ni dans le "lunettes roses".

Ce ton est vraiment remarquable. Il m'a fait penser à cette définition qu'on donne parfois de la musique de Chopin: des canons enfouis sous les fleurs. C'est ce que j'ai ressenti de l'écriture de Jean-Christophe Réhel: la dureté d'avoir faire avec ce qu'on a, avec ce qu'on est, camouflée par la vision qu'on a de tout ça, de tous ces gens. La situation a beau dégénérer, un vortex a beau l'emporter vers le bas, lui et sa famille, le narrateur garde en lui une confiance en son amour pour eux. Quelque chose le fait persévérer, durer, et raconté de cette façon, c'est hyper beau.

On sort touché de ce roman très fort, sans aucune eau de rose, mais avec des mots percutants, des répliques magnifiques et des images tiré e l'imainaire d'un auteur qui sait reconnaître des traits de poésie là oèu ils peuvent se cacher le plus profondément.

Je sais que Réhel s'est fait connaître pour d'autres romans et recueils de poésie avant La blague du siècle. Je le découvre avec ce dernier livre, et j'invite ceux qu'un Chopin littéraire pourrait intéresser à faire la même expérience.

mercredi 13 septembre 2023

Rose à l'île, par Michel Rabagilati, éditions la Pastèque

Qu'importe le format, Michel Ragabliati crée le même bon contenu qui nous va droit au coeur. Avec cette histoire de relation entre un père en deuil du sien, de père, et de sa fille, l'auteur nous emmène dans un paysage digne de ses oeuvres: calme et sensationnel, et ça fait un bien fou.

Que le texte soit présenté ailleurs que dans des philactères ne change rien à l'ambiance sympathique. Si on lit plus avec ce roman graphique, peut-être qu'on regarde moins d'images, mais quels dessins! Les images de l'Île verte sont splendides, et les bouilles des personnages sont toujours aussi attachantes.

Il n'y a pas de "méchants" dans les aventures de Paul, juste des confrontations avec lui-même. Ici, la présence de sa fille emmène une énergie nouvelle à son père qui n'en n'avait plus, et la présence de ces deux personage fera qu'au moins deux générations se retrouveront dans Rose à l'île. Bref, on a là une autre réussite pour les fans de Rabagliati, et même pour ceux qui gagneraient à le connaître.

Est-ce à offrir à votre ado en cadeau d'anniversaire? Je sais pas. À votre parent vieillissant et un peu bougon? Peut-être. Mais les autres aussi y trouveront leur compte. Je crois qu'il faudrait encore plus de Rabagiati dans notre monde, pour l'apaiser un peu.

mardi 12 septembre 2023

L'invention d'un visage, par Mathieu Laca, éditions Leméac

C'est un livre déroutant à plusieurs égards.

Mathieu Laca est d'abord connu pour sa peinture (superbe, selon mes goûts). Comme auteur, je ne savais que la prémisse de base de son livre: un homme perd la mémoire des visages à la suite d'un accident. Il utilisera l'art pour la retrouver.

Le début du livre est prenant. Le narrateur raconte l'accident, les conséquences. C'est un monde inconnu tant pour lui que pour le lecteur. Le style est sobre, efficace. Au fil des événements, il découvrira par hasard l'autoportrait d'un peintre inconnu ayant vécu au début du 20e siècle. Cette découverte sera prétexte à des recherches tant sur l'auteur de ce portrait que du narrateur sur lui-même. L'auteur nous emmène alors dans le passé, aux environs de 1914, pour nous présenter ce peintre inconnu. Les chapitres entre le temps présent (l'histoire du narrateur) et le passé (celle du peintre) alternent, et c'est toujours intéressant.

Arrive la seconde partie du livre où le narrateur se voit projeté dans le passé, dans ce qu'il découvrira être un épisode de la vie du peintre dont il a découvert une oeuvre. Le procédé et déstabilisant. On est passé dans une histoire à la Lewis Caroll, fantastique, avec des personnages typés et des situations très mises en scène.

On retourne ensuite au rythme du début du livre. Le narrateur poursuit l'expérience de ses recherches sur le passé et sur lui. Comme lui, on est un peu perdus. Pendant ce temps, dans le passé, le peintre vit le drame de l'entrée du monde dans la Grande guerre, d'un amour impossible parce qu'avec un autre homme, et d'une maladie mentale. Là, on se croirait dans l'histoire d'Émile Nelligan : le personnage est jeune, d'une sexualité hors normes pour l'époque, et on voudra l'enfermer. Pendant ce temps, un autre personnage ira à la guerre, sera défiguré, et reviendra au pays avec un visage atrophié: paf!, on est en plein Pierre Lemaitre avec Au revoir là-haut.

La suite du livre a confirmé une impression que l'auteur s'est inspiré de ses fantasmes pour écrire cette histoire. Plusieurs scènes de sexe entre hommes se succèdent. Pas que ce soit choquant, mais autant... je sais pas. Et ce retour dans le passé aussi ressemblait à un désir de franchir le miroir rendu possible grâce à l’écriture. Des dialogues au ton descriptif, sons trop de couleurs, m’ont aussi laissé sur ma faim. Ce livre m’a semblé le reflet de l’intimité d’un auteur que je ne connaissais pas. Le scénario est excellent, mais la facture et le style me laissent dubitatif. Choix risqué de la part de l’éditeur.