lundi 22 décembre 2008

Courir, par Jean Échenoz, Les éditions de minuit


On connaît tous quelqu'un dans notre entourage qui raconte la moindre petite anecdote comme si c'était un moment historique. On écoute ces gens sans se faire distraire et les sujets les plus anodins deviennent ensuite des choses qu'on racontera à d'autres. Jean Échenoz est sans doute un de ceux-là. Ses livres sont souvent courts, bien ficelés comme un petit bagage utile. Échenoz raconte comme s'il était là, devant vous. Il écrit comme il nous parlerait avec des "Oh mais vous savez, il sait quoi faire en ces cas-là" ou des "Regardez-le qui s'en va lui parler". Échenoz commente plus qu'il n'écrit, il rapporte. Avec lui, un illuste inconnu devient superbe. Depuis que je l'ai découvert avec "Ravel", un trésor tout petit où il raconte le compositeur dans les dernières années de sa vie, je me suis tapé plusieurs de ses autres ouvrages juste pour savoir que je passerais de bons moments pendant le temps où le livre durerait. Et à chaque fois, je ne me suis pas trompé. Avec "Courir", il raconte Émile Zatopek, une star énorme dans les années '50, en Tchécoslovaquie et dans le milieu de l'athlétisme international. Bon, oui, on s'en tape de l'athlétisme, des coureurs de fond et de l'histoire de la Tchécoslovaquie entre la 2e guerre et les années 60. C'est très petit à côté des nominés aux Oscars et des pérégrinations d'Angelina Jolie. Mais pourtant, avec les mots d'Échenoz, on vit une course comme si on était scotché au petit écran. On suit le coureur jusqu'à la fin, on souhaite qu'il gagne, même si ce n'est pas toujours le cas. Puis on entend la foule qui délire, on est dans le stade, au bord de la piste, on devient fan de Zatopek et s'il chute, on aimerait bien lui tendre les bras et cette unique fois où il pleure, le monde entier nous semble injuste.
Et pourtant, "Courir" se lit sans doute en une soirée. Pas qu'on court en le lisant, non, mais on se laisse prendre, tellement qu'en refermant le livre, on se dit que ça aurait été bien d'avoir un poster de Zatopek dans son bureau.

Échenoz est essentiel au bonheur de lire. C'est du prozac en feuilles. Il se lit bien, partout et n'importe quand. Ne pas connaître Échenoz, c'est presque rater sa vie de lecteur. Alors même si vous ne le connaissez pas encore, commencez donc avec "Courir", et je suis convaincu que pour une fois peut-être, vous trouverez que j'ai raison.

dimanche 14 décembre 2008

Élégie pour un américain, par Siri Hudsvedt, Actes sud


J'avais craqué pour "Tout ce que j'aimais" ("What I Loved") et avec Siri Hudsvedt, pour tout ce que Brooklyn a à offrir. Car Hudsvedt, c'est le Brooklyn de ce siècle, le St-Germain-des-Prés du deuxième millénaire. Avec son mari Auster, et Froer, Krauss, McCann, on dirait que tout ce qui sort de là est touché par l'intelligence. À vous donner envie de trainer dans tous les cafés de Williamsburg pour sentir ce qui les inspire.
"Élégie..." ("The Sorrows of an Americain") est empreint de la même sensibilité, avec une histoire bien de son temps, du nôtre en fait, et peut-être un peu trop... Ici, l'auteure raconte à la première personne, et le narrateur est un homme. J'sais pas, c'est peut-être gros ce que je dis là, mais une femme qui raconte au nom d'un homme, ça se sent. Le personnage principal a tout du mec rose, intellectuel à souhait, gentil, très intérieur mais aussi et surtout... c'est un psy. Tout est là en fait. Je n'ai pas compté combien de rêves sont racontés dans ce roman. Constamment, le personnage principal réfère à ses patients, ses thérapies. Oui, ça frôle le cliché et on pourrait croire que c'est dommage mais pourtant, si on s'y arrête bien, on y perçoit l'intelligence fine de Siri Hudsvedt. En utilisant le cliché du psy, elle entre dans ce qu'elle dénonce: le conservatisme, le pragmatisme religieux du Mid-West. Car en fait, les psys n'ont-ils pas remplacé les curés en bonne partie? Ne leur donne-t-on pas le bon dieu sans confession (sans jeu de mot...) à tout propos, sans remettre en question leur omniscience? En terminant ce livre, on se pose toutes ces questions. L'histoire est simple, les personnages aussi. Ils nous ressemblent dans leurs tortures mentales, leurs remords, leurs idées préconçues. Très Américain? Peut-être. Ou Occidental, mais assurément cérébral, beau et lent.
Pas aussi enveloppant que "What I loved", mais essentiel à la littérature américaine. Pour une tranche de vie de bourgeois gauchistes de Brooklyn, pour une réflexion très à propos sur la société américaine, mais pas pour l'action ou l'émotion à fleur de peau. Ah oui, à souligner la traduction sans faille de Christine Leboeuf, celle-là même qui traduit aussi Paul Auster.
Quand même, pour qui aime: à lire.

dimanche 30 novembre 2008

Une éducation libertine, par Jean-Baptiste Del Amo, Gallimard


Pour parler de ce livre, il me faut fermer les lumières, tamiser l'atmosphère, allumer une bougie, même. J'en parlerais à l'encre plutôt qu'au clavier, et si j'avais le talent, je l'enluminerais.

Je parle ici d'une exception, d'un livre qui m'a tenu plus que je le portais. Dès les vingt premières pages, je savais que j'étais happé. Je me souhaitais un dénouement heureux parce qu'il en resterait inévitalemment quelque chose. Ce dénouement, je n'en parlerai pas. Je mentionnerai seulement qu'une fleur est encore plus belle lorsqu'elle pousse dans la fange. Mais les fleurs sont fragiles et immortelles. Et dans ce livre, on les sent: fleur et fange.

Ce livre m'a marqué. Certaines scènes sont si fortes qu'il ma fallu souvent refermer le livre un instant pour continuer. D'où sort Jean-Baptiste Del Amo? Le mec a 26 ans et il écrit comme s'il avait vécu un siècle!

J'ai découvert son livre par une entrevue à la radio. Le mec m'avait l'air calme, à des kilomètres de la prétention. Il disait avoir écrit ce livre en écoutant Portishead et Radiohead. Et pourtant, ça se passe en 1760, à Paris. J'ai écouté la même chose en le lisant et vous dire franchement, j'y rêve encore.

"Une éducation libertine" est dur, puissant, c'est un ouragan. C'est la démonstration que pour apprécier le beau, il faut avoir connu la laideur et que pour apprécier sa vie, il faut avoir conscience de sa mort.

Lisez-le, je vous en prie, et reparlez-m'en, juste pour savoir si vous aussi, ça vous a pris autant que moi.

Un livre immense et beau, tellement beau.

Meme le mal se fait bien, par Michel Folco, Stock


"Dieu et nous seuls pouvons", "Un loup est un loup", "En avant comme avant". De livre en livre, progressivement, on s'y attache. Au début, on découvre une curiosité, une écriture crue où l'Histoire avance en même temps que des personnages qu'on dirait inspirés par des bandes dessinées. L'abracadabrant cotoie l'anecdotique, on ne peut s'empêcher de rire et parfois, on détourne les yeux du livre tellement la scène est horrible.
Je me souviens avoir eu peur qu'on adapte les Pibrac et les Tricotin au cinéma tellement l'écriture s'y portait bien. Mais non, heureusement, Folco n'a pas subi les affres que des John Irving, des Stephen King et tant d'autres ont dû subir au petit écran.

J'ai entammé "Même le mal se fait bien" sans en avoir entendu parler. Je l'ai aperçu à ma librairie et paf, c'était certain que je repartais avec ça. Naïf comme tout, je ne savais même pas qu'il s'agissait de la suite des histoires précédentes. C'est vous dire à quel point je me suis laissé embarquer. J'ai vécu entre Turin et Vienne avec Marcello, lu ses histoires incroyables sur le bout de mes bancs de métro et d'autobus, ri à me faire regarder bizarrement. Du très grand roman. Folco fait du bien. À qui apprend le français et serait prêt à entammer une première lecture, je le recommendrais fortement.

Seul reproche dans le style, j'ai pas trop compris pourquoi l'auteur a truffé son texte d'onomatopées. Des "brrrroooom", des "psssshhhht" et autres "bang ding bang" font inévitablement penser, encore une fois, à la bande dessinée. Bizzarerie on ne peut plus Folco. Un peu comme son personnage qui zézaye et tous ses mots d'italien et d'allemand. Avec "Même le mal se fait bien", on a vraiment envie d'apprendre l'italien pour ensuite aller se promener à Turin. Ah tiens, Turin. C'est pas là où se passait aussi le dernier Barrico? Faudra que je passe par là, tiens.

Et vivement le prochain Folco!

samedi 29 novembre 2008

Malavita encore, Tonino Benaquista, Gallimard


Reprise.

J'ai passé près de quatre mois sans lire, entre mars et septembre. Contribution à un été sans soleil, je n'ai pas réussi alors à m'imprimer de mots derrière les yeux. Sorti depuis de ce désert, je me suis replongé progressivement dans le vrai monde des histoires, des romans.

Je me suis d'abord tiré de ma torpeur avec "Malavita encore". Je savais Benaquista capable de me faire sourire et de me captiver avec ses personnages tordus. "Saga", et "Quelqu'un d'autre" n'étaient pas rien. "Malavita" avait aussi laissé un bon souvenir. La famille de mafiosis repentis rendus anonymes sous la protection du FBI méritait effectivement une suite.
Benaquista, c'est le polar romancé, un film avec une image à chaque seconde. "Malavita encore" commence lentement, chronique les quatre membres de la famille, toujours cachés quelque part en France. Ils ont vieilli. Les enfants ont quitté la maison, le père écrit toujours ses romans policiers pitoyables, la mère même ouvertun petit commerce à Paris. Chacun fait sa vie plus ou moins de son côté, plus ou moins libérés de l'emprise de leur mafieux de père, mais comme bon sang ne saurait mentir... tout dérape à partir du milieu du livre. Et c'est parti dans le plus pur Benaquista.

Est-ce l'habitude qui s'installe, ou le genre de l'auteur qui se banalise, est-ce mon état pas complètement réceptif? Reste que bien que diverti, j'ai terminé "Malavita encore" sans ce désir que ça continue que m'avait laissé ses autres titres.
Pour qui veuet découvrir un auteur qui déménage, vivement Benaquista, mais ne surtout pas commencer par "Malavita encore".

Pour fans seulement.

jeudi 8 mai 2008

Une comédie légère, par Eduardo Mendoza, Éditions Points


Je ne vais plus au cinéma. Ou si peu. Et pourtant j'y allais si souvent.
Depuis deux ou trois ans, seuls les festivals m'emmènent dans les salles obscures parce que ce sont les seules occasions que j'ai pour voir suffisament d'histoires pour que ça en vaille la peine. Qu'est-ce qu'une heure et demie ou deux heures, même si le film est bon? On s'en ressens ensuite pour quelques heures, sans plus. Pareil si l'oeuvre est ratée ou carrément ignare, comme la plupart des derniers crus américains que j'ai vus. Des histoires à pleurer tellement c'est vide.

Alors pour compenser, sans m'en rendre compte, je me suis jeté dans les livres. Et j'ai opté pour les histoires, des films longs qui durent des semaines, un peu comme une série télé, mais que je syntonise à mon gré. Je zappe environ une fois par mois et mon choix se dicte d'après mon humeur du moment. Il y a quelques semaines, je me sentais festif, aussi ai-je lorgné du côté de ce livre de Mendoza qui trainait dans ma bibliothèque depuis déjà longtemps. Je ne l'avais pas lu, il était en banque.

Et je suis tombé dans le plus "Aldomovar" des écrivains. son dernier (Mauricio ou les élections sentimentales) m'avait tellement déçu que je n'osais m'y replonger. Et bien non. Mendoza, en 1998, c'était le meilleur de la littérature espagnole. Du "Aldomovar" écrit, avec des personnages plus colorés que la plus écarlate des palettes, des situations incroyables, une action ficellée comme un saucisson. Dans cette époque de Mendoza, y'a plein de gens qui se parlent tout seul, qui monologuent en parlant aux autres et de gens qui parlent trop. Des chanteuses wanna be, des célèbres actrices en déclin, des hiérarques débonnaires. Une comédie légère, c'est le Barcelone des années 50, ville séparée en 2 par les classes sociales. Un Québécois s'y reconnait facilement. On y parle des autres, on médie, on juge et on en veut plus. Mendoza, c'est à lire au printemps, quand tout bourgeonne, quand il fait soleil et quand on sourit.
N'importe quand!

mardi 22 avril 2008

Les intermittences de la mort, par José Saramago, Éditions du Seuil


Une des joies de la vie est de se faire complimenter. Que ce soit pour une raison ou pour une autre, recevoir une reconnaissance fait toujours du bien. Dorénavant, ce sera la raison pour laquelle je lirai Saramago. Le Portugais se fait vieux, oui, mais il lui faut continuer à écrire. Saramago est un hommage à l'intelligence du lecteur, quelqu'il soit. Le lire, c'est parler avec une vieille âme lucide qui a vécu, un esprit vif et caustique qui vous incite à lire entre les lignes, que vous le vouliez ou non.
Dans Les intermittences de la mort, il met en scène un pays où on arrête de mourrir. Plus personne ne meurt, alors qu'arrrivera-t-il? Qui fera quoi, et comment? Les hospices et les hôpitaux, les compagnies d'assurances, les malades, les vieux? Il faut lire certains passages où des religieux expliquent leur désarroi pour se faire une vue nouvelle sur les intentions préalables et historiques des bonzes des religions. Et c'est sans compter l'explication si claire où Saramago démontre l'existence des mafias qui, soutient-il, fait ce que les pouvoirs publics n'osent plus faire en passant avec ces mêmes pouvoirs des accords plus ou moins tacites. La vie expliquée comme on ne vous l'a jamais fait avant. Après avoir lu ça, vous ne lirez plus les journaux ni n'écouterez les bulletins de nouvelles comme vous le faisiez avant.

Ai-je besoin de vous dire combien il est passionant de lire Saramago? On sourit souvent, aurant de joie que d'entendement. Et si sa syntaxe nous bouscule aux premières pages (les virgules sont des points, les phrases sont des paragraphes et les paragraphes, des chapitres), on s'y habitue et on se laisse mener en bateau.

Avant Les intermittences..., je n'avais lu que La lucidité, un autre Saramago sorti des mêmes eaux, celles du divertissement pur, de ce que la littérature a de plus beau.

Chapeau bas, José Saramago, et encore!

dimanche 30 mars 2008

La fabrication de l'aube, par Jean-François Beauchemin, Québec Amérique


Ce livre est connu, je sais. Gagnant du Prix des libraires en 2007, son auteur a multiplié les apparitions publiques à sa suite, et aussi à la suite de son dernier ouvrage: Ceci est mon corps. En fait, je m'étais procuré La fabrication... après l'avoir entendu dire que ces deux bouquins étaient les premiers d'une trilogie. Comme le second m'intéressait énormément, je me suis d'abord procuré le premier. Je n'avais pas d'attentes. Que quelqu'un raconte une expérience où il a failli mourir, et où il a retrouvé la santé nous fait inévitablement penser à un truc de croissance personnelle. D'où mon hésitation première. Mais ma surprise a été totale. C'était pas ça. Ce livre est fort. Puissant même, bien qu'il soit écrit doucement. Je sais pas combien de fois j'en ai arrêté momentanément la lecture juste pour réaliser combien c'était beau, combien c'était vrai.

Dans ce livre, Jean-François Beauchemin raconte les gens autour de lui, ce qu'ils sont, comment ils vivent, comment ils ont été, sont et seront importants pour lui. Y'a pas plus simple comme récit, mais tout est dans le ton. La fabrication de l'aube, c'est notre petit frère qu'on aime tant, notre meilleur ami, ou notre mère qui nous parle doucement. C'est une voix aimée qui nous berce en nous racontant des choses qu'on veut se faire dire, que ça ira bien, que tout est beau et surtout, qu'on n'est pas seuls.

Si j'avais à classer ce livre, je le déposerais dans ma catégorie: livres de chevet. C'es le genre de bouquin qu'on peut ouvrir, un de ces jours, juste pour en lire un passage, parce que c'est beau et qu'on en a envie. Nulle morale, aucune recommandation, non. Juste la vie, telle qu'elle est et qu'on devrait la voir.

Une très grande oeuvre. Je lirai assurément le prochain Jean-François Beauchemin. Quand? Je sais pas, mais j'en reparlerai bientôt ici, c'est certain.

jeudi 21 février 2008

Nous seuls, par Emmanuel Kattan, Éditions Boréal


Tout d'abord, merci encore pour les commentaires. Le but n'est pas de les accumuler mais de constituer ensemble un grand forum objectif qui permette à qui n'a pas lu ces livres d'avoir envie (ou pas) de le faire. J'ai parcourru d'autres blogues dans le genre de celui-ci, récemment. Curieux de constater combien la plupart s'en tiennent au communiqué de presse ou à la quatrième de couverture. Y aurait-il des gens qui font des critiques sans lire le livre? Sans voir le show? Sans avoir écouté le disque? On peux pas croire, hein? Noooooon!

Sur Nous seuls, je dirai que des articles de journaux sur lui m'ont donné envie de le lire. On en disait le plus grand bien. J'ai aussi entendu l'auteur en entrevue et son bagout m'a charmé. Le livre aussi. En le lisant, plus j'avançais et plus je me disais que ça a dû être un vraie expérience pour son auteur que d'aller jusqu'au fond de son histoire. Kattan est allé là où on va rarement, soit jusqu'au bout d'un sentiment, et même plus: au-delà, en ces endroit où on peut se retrouver si on laisse tout aller, aussi bien le meilleur que le pire. Parce qu'il faut savoir arrêter ce dernier, le pire. On le fait toujours, on sait toujours calmer nos angoisses, mais ceux-là, dans Nous seuls, n'y sont pas parvenus. Cette histoire aurait pu être ridicule. J'ai souvent pensé au film L'Enfer, de Chabrol, avec Emmanuelle Béart et François cluzet qui joue le rôle du mec que la jalousie rend fou pour de vrai. Dans Nous seuls, c'est meilleur. En fait, Kattan fait là une analyse des rapports amoureux modernes d'une façon extrèmement froide, si lucide que la principale crainte qu'on ressent en le terminant, c'est de connaître, un jour, quelqu'un qui puisse en arriver là.

Nous seuls est écrit sans fla-fla, simplement et efficacement, mais encore, j'insiste sur la froideur, celle qui succède à l'extrème chaleur une fois que tout est consumé. Tout ça se ressent dans ce bouquin qui pourrait paraître violent pour certains. Ceux qui, en tout cas, en ressentiront la violence, l'auront très certainement compris.

Beau premier livre pour Emmanuel Kattan. On attend un suivant.

Et notons aussi la qualité des titres qui sortent de chez Boréal ces temps-ci. Comme quoi les grandes maisons d'édition ne sont pas que françaises. Oui je sais, c'est assez naïf comme commentaire, mais en cette période où tout ce qui est Québécois francophone semble ringard et inintéressant, aux détriments de tout ce qui vient d'ailleurs, je ne vous pas pourquoi je me retiendrais de souligner un succès qui provient de là où je vis, c'est tout.

dimanche 17 février 2008

Baisers de cinéma, par Éric Fottorino, Éditions Gallimard


Un gars a été élevé par son père, sa mère ayant disparu à sa naissance. Le gars cherche sa mère et son père l'énerve. Jusqu'ici, c'est classique. Mais voilà. Le père en question était photographe de grandes stars féminines françaises du cinéma de la Nouvelle Vague. Aussi, son père lui ayant laissé entendre que sa mère pouvait se trouver dans le lot, le mec charche sa mère... en visionnant de vieux films du temps. Puis apparaît cette fille étrange, mariée et mère, qui deviendra son amante dès le jour où son père est mort.
Tout ça se passe à Paris. Des rues, des quartiers, des petits cafés et des restos, en voulez-vous, en voilà. On s'y roule, ça sent Paris du début jusqu'à la fin. En fait, Baisers de cinéma est à Paris ce que tous nos rêves tirant des clichés les plus purs nous ont transmis sur cette ville. Et c'est efficace. Bie sur, y faut aimer. On pense beaucoup là dedans, à commencer par le narrateur, personnage qui, s'il était de ce mondde plutôt que dans un roman, n'aurait pas survécu à toute la brutalité du monde. Candide, volontaire et parfois naïf, le narrateur de Baisers de cinéma pourrait exaspérer mais son environnement, ses décors, en fait, sont si sympatiques qu'on l'assimile rapidement à ces derniers.
J'avoue avoir embarqué dans ce bouquin dès les premières pages. Ces références à la France des années 50 et 60 avaient ceci de Vieille-France qui m'a fait voyager sufisamement pour me retenir. Puis, l'histoire du personnage principal s'est étalée et sans décrocher, j'ai laissé aller sans pour autant m'asseoir au bout de mon siège pour le lire.
Reste que c'est un bon bouquin. Dans la lignée des Jean-Paul Dubois ou Jean Échenoz, Fottorino a le verbe et la description faciles et indiscutablement intéressantes. Aussi, bien que l'histoire soit hyper-romancée, ça se lit bien. En fait, j'aurais aimé lire Baisers de cinéma en vacances, à Paris, justement.
Bref, si vous avez envie de quelque chose de profond: abstenez-vous. Mais attention, il ne s'agit pas là non plus d'un bouquin léger. Pas du tout. En fait, on parle ici d'un livre, qui, comme quelqu'un qui passe et attire notre attention, nous fait passer un bon moment, mais s'oubliera sans doute facilement, sans laisser de traces, ni moche ni tenace.

samedi 9 février 2008

Léon, Coco et Mulligan, par Christian Mistral, éditions Boréal


Un bonhomne d'une soixantaine d'années, manifestement pas très en santé dans sa tete, roule sa boule de ville en ville avec son comparse plus jeune que lui. Arrêt sur Montréal, en 1984. On boit, on sort, on écrit, mais on aime aussi, et on regarde,on examine.
Christian Mistral a un oeil hors pair. Ce gars-là ne voit manifestement pas la société à travers des lunettes roses, mais des verres grossissant, qui permettent de voir jusqu'au fond du coeur de personnages à prime abord soit repoussants, soit pas intéressants. J'ai pas tout lu de lui, mais assez pour savoir que ces histoires tiennent autant de la chronique de "laissés pour compte" jamais trop cons, que des beuveries les plus tristes trop souvent provoquées par des blessures que ses mots rendent belles.
Une description de Christian Mistral vaut parfois le meilleur moment à écouter une musique qu'on aime ou à passer du temps avec un ami cher. Ce gars-là écrit comme certains passent leur main sur un corps aimé. Avec les années, j'suis certain qu'on l'annotera à tous les dictionnaires de citations croustillantes qui soient. Quant à l'histoire, attention: pourfendeurs de Montréal, s'abstenir. Mistral EST Montréal, dans tout ce qu'il a de plus langoureux, vil, cheap et attachant. Si j'avais lu cette histoire dans le temps où il la situe, en 1984, du fond de ma région, j'aurais sans doute fait mon baluchon pour aller trainer, moi aussi, autour de la rue Prince-Arthur. Avec les mots de Mistral, ce coin-là vaut tous les rêves d'ados et d'artistes wannabes, et Léon et Coco valent bien qu'on leur porte attention.
Léon, Coco et Mulligan n'est pas très long, et vaguement joyeux, si on le compare au reste de l'oeuvre de Mistral. Ça n'empêche pas l'auteur d'y placer quelques scènes coup de poing, comme lui-seul peut les écrire ou peut-être même les penser.
Du beau, du bon Mistral. À lire ce printemps, dans un parc, adossé à son arbre préféré.
Pour ce qui suivra ce bouquin, faut que je dise qu'y a tellement de titres intéressants sur les étagères de ma librairie ces temps-ci que je crains de mettre un terme à toute vie sociale d'ici l'arrivée du printemps. Et notons que ces envies de plonger dans de nouvelles découvertes proviennent pour la plupart d'éditeurs québécois. Des succès littéraires québécois? Et on n'en parle pas plus que ça? Mais non, un film poche américain sera toujours plus... bon ok, du calme. À mes bouquins!

dimanche 13 janvier 2008

La reveuse d'Ostende, par Eric-Emmanuel Schmitt, Albin Michel


Schmitt est maintenant si connu que la sortie de ses livres sont des événements. Celui-ci n'a pas fait exeption avec moults articles dans les journaux et entrevues à la radio. On l'a d'abord aimé pour un chef-d'oeuvre: La part de l'autre, et pour un autre équivalent: L'évangile selon Pilate. Mis à part une erreur avec Quand j'étais une oeuvre d'art, bouquin somme toute quelconque, Schmitt n'a donné que dans le succès. Sa recette: son style. Si son écriture était un liquide, il s'agirait d'eau pure, limpide, qui coule directement de la source. Lire Schmitt, c'est d'abord se laisser bercer. Rares sont les auteurs aussi fluides.

Il faut dire aussi que jusqu'ici, les sujets de ses livres savaient aussi charmer parce qu'originaux et rares, dans ce qu'il y a de plus beau. Puis vint l'époque "nouvelles d'Éric-Emmanuel Schmitt" dans laquelle on nage encore. D'abord, Odette Toulemonde où, avec cette seule histoire, Schmitt s'est commis. Ça ne pouvait être plus clair. Cette histoire de la petite dame ordinaire qui rencontre son écrivain préféré: paf, c'était ça, le "nouveau Schmitt", toute son essence. Depuis, le mec écrit pour elle et elle seule: Odette Toulemonde. Pas qu'Odette est idiote, non. Elle aime aussi ce qui est bien écrit, ce qui charme, mais aussi ce qui la fait sourire. Comme pour une bonne émission de télé, Odette n'aime pas trop se creuser les méninges et aime qu'on lui montre combien le monde peut être beau si on y met un peu d'effort. Elle aime la bonne morale.

On en est là avec la rêveuse d'Ostende. On dirait que Schmitt tend vers la fâble moraliste. On est près de La Fontaine, les rimes en moins. Non ces 5 nouvelles ne sont pas mal écrites, mais...

Qu'une vieille dame raconte un viel amour caché sait charmer. Qu'il raconte la triste de fin de deux vieux amants ne laisse pas indifférent, bien que l'un d'entre eux soit le bon, l'autre, le mauvais, assez rapidement dès le début de l'histoire. Qu'une fille de 25 ans découvre le désir de plaire à travers les sensations d'un aveugle... même si on a l'impression d'avoir déjà lu ça, ça fonctionne aussi. Mais lorsqu'arrive l'histoire d'un vieil érudit qui n'aime pas les romans et qui les découvre sur le tard, avec une fin à la Agatha Christie, on frôle carrément la Comtesse de Ségur.

J'ai terminé de receuil avec un vague sentiment d'exaspération. Un peu déçu, oui, mais on constate bien qu'il s'agit de Schmitt, donc, rien n'est perdu puisque c'est bien écrit, que ses images sont belles et qu'il sait encore nous atteindre avec ces phrases coup de poing que lui seul sait faire. Reste qu'on a hâte qu'il revienne au roman, alors que, comme dans pour les premiers titres cités dans cet article, il nous emmenait loin si facilement, et surtout avec tant de plaisir.

Laissez les nouvelles, Monsieur Schmitt, ça suffit maintenant. Elles ne sont pas mauvaises, non, mais ma foi, on dirait qu'elles ne valent pas vos romans!