samedi 31 mars 2012

Le dôme, par Stephen King, éditions Albin Michel


On se souvient tous du premier Stephen King qu'on a lu. Et sans doute des autres qui ont suivi. Pourquoi on a cessé de le lire, ça, on l'a un peu oublié. C'est que bon, hein, la vie continue, quoi. On vieillit, on passe à autre chose. En pensant à ça, il me semble que j'ai bien vieilli. Mais pas lui. Pas Stephen King.

L'occasion était belle de se taper un bon vieux Stephen King. Y'avait longtemps. Mais on dirait que le nom de l'auteur s'est Disneyifié, c'est devenu une marque, bien au-delà de l'homme. déchirez les 20 premières pages, donnez-les à un quelqu'un et demandez-lui de quel auteur il s'agit. Les chances sont bonnes qu'il le devine. Stephen King est à peu près aussi prévisible que le lever du jour.

Rien n'a changé. Le héros entre en scène assez tôt. Non, mais non, voyons, il ne mourra pas. Et les méchants... ah eux. Ils sont laids, du genre un peu défaits, tendent vers la folie... Non, ce n'est pas un film américain. Mais c'est comme si.

Une petite ville du Maine (y'a vraiment des choses qui ne changent pas...) se retrouve soudainement recouverte d'un dôme. Pas moyen de le traverser ni d'un côté ni de l'autre. Alors les habitants deviennent prisonniers de leur bled alors que de l'autre côté, on s'inquiète.

Oui, l'idée est bonne. C'est prétexte à métaphore, à porter une loupe sur une micro-société, à observer le comportement animal. En fait tout ça arrive. Imaginez quelque chose qui pourrait arriver si un dôme recouvrait votre ville. Stephen y a pensé lui aussi. Alors c'est pas trop long que ça gicle, ça s'en veut et ça se déploie l'instinct de survie à qui mieux mieux.


C'est dommage. Stephen King a été une institution. Ses histoires ont fait le tour du monde, sa renommée a été amplement méritée. Son style a été maintes fois imité, tant en termes de romans que de sénarii de films. les formules ont plus ou moins marché, les siennes ont fait quantité de tabac puis, avec le temps, ça s'est étiolé, comme si la marque de commerce avait pris le dessus sur le talent. Divertissant, oui ça l'est, mais comme un hit de boysband à la radio, ça ne reste pas. Les clichés font leur effet, et tiens, ah oui, il y a bien quelque chose de nouveau avec le Dôme: les méchants sont religieux, control freaks et maniaques de sécurité. Ah, la démonisation du bon vieux modèle du conservateur de droite. Toujours efficace.

Bon ça va. À tant ironiser sur une ancienne idole de jeunesse, ça devient déprimant. Car oui, j'ai déjà aimé Stephen King à attendre ses nouveaux titres avidement. Christine, It, Les Tommynockers, le Cimetière des animaux, tout ça a joué fort sur mon imaginaire de jeune lecteur. Mais plus maintenant.

Fin d'une époque, j'imagine.

lundi 26 mars 2012

Comme le fantôme d'un jazzman dans la station Mir en déroute, par Maurice G. Dantec, éditions Albin Michel


Lire un second bouquin d'un auteur qui vous avait royalement tapé sur les nerfs représente un beau défi. Faut être mentalement en forme. Mais bon, faut dire que j'aimais beaucoup le titre au départ. Y'a une audace, là, dans la longueur "non-réglementaire" si on peut dire. Puis, le livre m'a été chaudement conseillé. Or donc voilà...

C'est du Dantec. Donc c'est un thriller et ça science-fictionne solide. Et y'a le "ton" Dantec. Lui, ses héros, il les aime du genre trop intelligents, geeks, malaimés, mésadaptés sociaux. Alors quand on est tout ça, on en sait des choses. Des choses que les autres savent pas, et si on sort de la tête de Dantec, c'est fort possible que ces choses soient reliées au monde de la neuro-science et de la physique quantique. Et y,a plein de méga-choses et d'ultra-autres-choses, d'epsilon et de gamma. Vous n'y connaissez rien? Ne vous en faites pas, lui non plus, enfin, jusqu'à preuve du contraire. N'en demeure pas moins que visiter des mondes inconnus, ça crée un bel enrobage et ça vous campe un thriller dans un décor original qui sort du commun. Ici, pas de personnage plus ou moins enquêteur un peu alcolo mais vachement brillant. Non. Les personnages sont des outsiders, des genre d'incompris qui font, bien souvent, des trucs incompréhensibles. Pas inintéressant.

Ok. Pas tellement positif, quand même, jusqu'ici. Pourtant, l'écriture est solide. Dantec écrit bien. Pas verbeux, rythmé, le thriller lui va bien. Mais là où je décroche, c'est dans le contenu. la science-fictio. Le futur, oui, je veux bien, en fait pourquoi pas, mais y'a, avec Dantec, comme quelque chose de pas achevé, de pas paufiné, lorsqu'il s'agit de science-fiction. Les mondes décrits tiennent plus de trips de dope que de mondes futuristes. Ça m'énerve que parfois, il coupe les coins ronds. Ici, deux types partent en cavale. ils ont des passeports multifonctions, des cartes bancaires hyper-modernes, mais ils écoutent encore de la musique sur cd et regardent des guides de voyage sur cédérom. Détail vous me direz? Moi ça m'a énervé.

Pourtant, il y a là de belles idées, des images de villes et de quartiers qui font très Blade Runner. Mais quand même... Partis de Paris, les deux cavaleurs iront jusqu'à Abidjan. je vous décrit même pas les villes africaines traversées. Dans l'esprit de Dantec, ça s'est pas arrangé, en Afrique, dans le futur. Et je ne vous parle pas de pauvreté, mais de corruption, de laxisme et d'autres clichés du genre qui m'ont agacé.

Et y'a la fin, l'apothéose, où, comme dans ce que j'avais lu de lui précédemment, le réel et l'imaginaire s'entremêlent. Bon, ça peut passer comme concept, mais dans cette histoire, on va jusqu'à tomber dans une histoire d'ange et de vagues pouvoirs de rédemption, le genre de choses qui font qu'en tant que lecteur, si ça m'est présenté sans trop de profondeur, eh bien ça risque fort de me laisser plutôt perplexe.

Oui, Dantec a l'air d'écrire dans un état proche de l'Arizona, pour ne nommer que celui-là... Qu'il le fasse ou non, on s'en fout. Le résultat est qu'il aligne bien les mots, nous tient en haleine, mais lorsqu'il divague, là, il me perd. Va pour les clichés, va pour les batailles qui s'enlignent sur 4 ou 5 pages, mais tout ça pour sauver l'âme d'un mec mort et qui n'a pas encore atteint un genre de style d'on sait pas trop... de concept de paradis... j'suis pas certain.

Dantec et moi, on dirait que ça colle pas. Rien pour le détester, mais rien encore pour me convaincre.

lundi 12 mars 2012

Freedom, par Jonathan Franzen, éditions Harper Collins


Ma suite américaine s'est poursuivie. Mais là j'en ai assez. J'ai besoin d'histoires, de voyages, de rêves. Or la littérature américaine actuelle ne produit surtout pas de rêves. Au contraire elle les détruit. Elle ne suscite pas les rencontres, mais les décourage. Et pourtant c'est bon. Comme ce "Freedom" qui n'est pas beau mais bon, pas du tout avenant, mais puissant.

"Freedom", liberté. S'il y a un mot qui a la vie dure ces jours-ci... Et je ne parle pas du point de vue absolutiste de quelque dictature hégémonique qui soit, non. Je parle de celle qu'on invoque justement (ou injustement, c'est selon...) pour combattre ces mêmes dictateurs d'ailleurs, ou pire, les méchants détracteurs du libre droit de "faire ce qu'on veut". Vous me voyez venir? Discours libertarien vs discours écologique, droite vs gauche. Oui, Freedom, c'est tout ça, mais vu d'en bas, vu du peuple américain.

Qu'est-ce qui nous happe? Pourquoi on suit un courant? Comment on a pu être assez vulnérable pour "embarquer" dans quelque chose? Était-on libre de le faire? En fait, par cette histoire d'une petite famille du Minnesota, Franzen montre comment la liberté, son concept même, dépend des autres, d'une comparaison. On est toujours libre de quelque chose ou de quelqu'un et on ne l'est pas pour les mêmes raisons. Prenez cette famille; chacun interagit un sur l'autre, et aussi leurs amis proches, des gens qu'on a "choisis". On devient, en fait, ce que les autres veulent faire de nous... à moins d'être libre. Et les être libres seraient-ils les plus forts? Et la liberté, est-ce acquis ou inné?

L'écriture de Franzen est dense, et est entrecoupée de dialogues comme seuls les grands auteurs savent le faire. Ces dialogues sont très filmiques. En fait tout le livre l'est. Mais comme l'histoire ici racontée s'étend sur une bonne trentaine d'années, on espère bien que le cinéma n'osera pas la dénaturer en la racourcissant à 90 minutes ou à peu près. On va d'une époque à l'autre et d'un personnage à l'autre au fil des pages. Le père, la mère, le fils et un ami de la famille prennent le dessus. Vaches, hypocrites, veules, peureux, on se prend bientôt à tous les aimer. Si au départ on la sent nunuche et on le sent complètement fucké, on devine plus tard que tel n'est pas le cas pour chacun. La bonne vieille façade américaine, celle du souriant "Hi how are you?" cache des histoires enfouies souvent depuis plusieurs générations. Et ça, creuser ça, c'est palpitant. Toutefois, lorsqu'on constate le résultat... on a les États-Unis d'aujourd'hui, et là on a tendance à déprimer...

Portrait d'une nation, Franzen a dû rejoindre une corde extrêmement sensible des Américains avec cette histoire. En lisant Freedom, j'avais l'impression d'être dans un party de famille où quelqu'un parle aux autres avec des inside jokes grinçantes et justes que seules les victimes peuvent comprendre et auxquelles ils ne peuvent répondre publiquement tellement la salve est intense.

En fait, Freedom est comme ses personnages: un faux-semblant. Sous ses allures d'intellectuel, ce livre est une bitch épouvantable.

À lire parce qu'on en parlera longtemps.