lundi 12 mars 2012

Freedom, par Jonathan Franzen, éditions Harper Collins


Ma suite américaine s'est poursuivie. Mais là j'en ai assez. J'ai besoin d'histoires, de voyages, de rêves. Or la littérature américaine actuelle ne produit surtout pas de rêves. Au contraire elle les détruit. Elle ne suscite pas les rencontres, mais les décourage. Et pourtant c'est bon. Comme ce "Freedom" qui n'est pas beau mais bon, pas du tout avenant, mais puissant.

"Freedom", liberté. S'il y a un mot qui a la vie dure ces jours-ci... Et je ne parle pas du point de vue absolutiste de quelque dictature hégémonique qui soit, non. Je parle de celle qu'on invoque justement (ou injustement, c'est selon...) pour combattre ces mêmes dictateurs d'ailleurs, ou pire, les méchants détracteurs du libre droit de "faire ce qu'on veut". Vous me voyez venir? Discours libertarien vs discours écologique, droite vs gauche. Oui, Freedom, c'est tout ça, mais vu d'en bas, vu du peuple américain.

Qu'est-ce qui nous happe? Pourquoi on suit un courant? Comment on a pu être assez vulnérable pour "embarquer" dans quelque chose? Était-on libre de le faire? En fait, par cette histoire d'une petite famille du Minnesota, Franzen montre comment la liberté, son concept même, dépend des autres, d'une comparaison. On est toujours libre de quelque chose ou de quelqu'un et on ne l'est pas pour les mêmes raisons. Prenez cette famille; chacun interagit un sur l'autre, et aussi leurs amis proches, des gens qu'on a "choisis". On devient, en fait, ce que les autres veulent faire de nous... à moins d'être libre. Et les être libres seraient-ils les plus forts? Et la liberté, est-ce acquis ou inné?

L'écriture de Franzen est dense, et est entrecoupée de dialogues comme seuls les grands auteurs savent le faire. Ces dialogues sont très filmiques. En fait tout le livre l'est. Mais comme l'histoire ici racontée s'étend sur une bonne trentaine d'années, on espère bien que le cinéma n'osera pas la dénaturer en la racourcissant à 90 minutes ou à peu près. On va d'une époque à l'autre et d'un personnage à l'autre au fil des pages. Le père, la mère, le fils et un ami de la famille prennent le dessus. Vaches, hypocrites, veules, peureux, on se prend bientôt à tous les aimer. Si au départ on la sent nunuche et on le sent complètement fucké, on devine plus tard que tel n'est pas le cas pour chacun. La bonne vieille façade américaine, celle du souriant "Hi how are you?" cache des histoires enfouies souvent depuis plusieurs générations. Et ça, creuser ça, c'est palpitant. Toutefois, lorsqu'on constate le résultat... on a les États-Unis d'aujourd'hui, et là on a tendance à déprimer...

Portrait d'une nation, Franzen a dû rejoindre une corde extrêmement sensible des Américains avec cette histoire. En lisant Freedom, j'avais l'impression d'être dans un party de famille où quelqu'un parle aux autres avec des inside jokes grinçantes et justes que seules les victimes peuvent comprendre et auxquelles ils ne peuvent répondre publiquement tellement la salve est intense.

En fait, Freedom est comme ses personnages: un faux-semblant. Sous ses allures d'intellectuel, ce livre est une bitch épouvantable.

À lire parce qu'on en parlera longtemps.

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