lundi 23 juillet 2012

Chaque automne j'ai envie de mourir, par Véronique Côté et Steve Gagnon, éditions du Septentrion, collection Hamac

"Secrets", indique la page couverture. Si on feuillette le livre, on s'attends à un recueil de nouvelles. Ce sont pourtant bel et bien des secrets.



Tirés d'une expérience théâtrale où les habitants de Québec étaient appelés à suivre un parcours qui les menaient à assister à différentes manifestations à travers toute la ville, "Chaque automne..." rassemble des textes qui étaient dits dans une mise en scène particulière dans un endroit tout aussi particulier. Les comédiens y racontaient des secrets que des habitants de la ville avaient envoyés aux créateurs de l'expérience, par un précédent appel à tous. En résultent des petits récits, des impressions, des aveux. L'ensemble est hétéroclite, multicolore et formidablement vivant. Drôle, à vous faire rire bien fort, il vous forcera d'autres fois à prendre une pause parce que l'émotion sera forte. C'est le genre de recueil qui ne laissera personne indifférent. J'appelle ça une réussite.



Vraiment, quelle surprise! J'ai beaucoup donné dans le court ces derniers temps. Cet autre amalgame de petits textes avait pourtant tout pour me plaire par la longueur égale de chacun des titres qu'il contient, et par sa cohésion. Un travail sans doute colossal de réécriture a été superbement réussi. J'imagine difficilement que chacun de ces textes ait été reproduit intégralement, aussi l'âme avec laquelle on a agencé cette jolie collection de secrets s'est trouvée très près de celle de chacun des auteurs. Bravo! Chaque histoire est une aventure où on risque fort de se reconnaître ou d'y percevoir quelqu'un qu'on connaît. Ces secrets pourraient fort bien être les nôtres ou ceux des nôtres.
Là des souvenirs d'une maman malade, ici les aveux d'un chaud lapin, là l'expression d'une angoisse que seule son auteur connaît. Des souvenirs, des espoirs, des réussites, des ratées, tout y passe. Si recueillir un secret équivaut souvent à la découverte d'un trésor, eh bien quel bel écrin!



Je ne ferai toutefois qu'un seul reproche à l'éditeur ou aux auteurs: le titre. Oui, cette parole est citée dans un des secrets que le livre contient. C'est d'ailleurs tiré d'une histoire particulièrement belle, mais si cette même phrase est touchante, elle est à des kilomètres de l'idée qu'on devrait se faire de ce livre. Son seul titre m'a fait bien hésiter avant de l'ouvrir (on m'en a fait cadeau!) et en découragera peut-être plusieurs de le choisir. On ne s'attend pas à un amalgame vraiment joyeux avec un titre comme ça. Aussi, j'ai peur que ce choix en ait empêché plusieurs de mettre la main dessus. Dommage, parce qu'il faut absolument passer par-dessus ce titre. "Chaque automne..." est un livre particulièrement lumineux.



Chaudement recommandé!

dimanche 1 juillet 2012

Malgré tout on rit à Saint-Henri, par Daniel Grenier, éditions Le Quartanier, collection Polygraphe

Ce blogue a la nouvelle heureuse ces jours-ci. Voici un autre recueil québécois qui mérite beaucoup d'attention.



Saint-Henri est un quartier de Montréal. Qu'importe la description qu'on pourrait vous en faire, il devient ici prétexte à plein d'histoires de ses habitants. Certaines sont courtes et fort anecdotiques. En deux ou trois pages, on a fait le tour d'un commentaire, d'une image recueillie au hasard d'un coin de rue, d'une attente du métro, d'une pièce de musique. D'autres sont un peu plus longues et racontent des épisodes, voir des aventures qui, chaque fois, vous laissent sur une impression forte.



Jusqu'ici, je me surprend à constater combien les nouvelles peuvent devenir prétexte à un certain voyeurisme. Celles de Daniel Grenier en sont un bon exemple. Sans tomber dans l'onirisme ou le superlatif, comme l'a fait Samuel Archibald, dans Arvida, Grenier décrit des scènes, dirait-on, plus encore qu'il ne les invente, et toutes sont teintées d'une émotion claire et souvent très forte qui nous fera parfois rire, ou qui nous gonflera le coeur.



Mention spéciale pour la virée au Brésil d'un Montréalais dont la vie se trouvera intimement mêlée à celle d'un couple d'immigrants. Grenier arrive ici à nous faire sentir tant le désir mêlé de curiosité du Montréalais qui s'éprend d'une culture étrangère, que le désarroi teinté de reconnaissance des nouveaux arrivants qui découvrent un désenchantement. Les rêves de chacun les mènent tous ailleurs, mais avec des lendemains qui ne chantent pas de la même façon. Captivant.



Et aussi et surtout cette histoire d'un couple dont on assistera à la dernière conversation. Pas triste, pas joyeux, mais pas léger ni trop lourd,juste assez dosé pour qu'on termine cette histoire de rupture un peu à l'envers, comme si on l'avait vécue nous-même.
La langue de Daniel Grenier est très Montréalaise, vivante, teintée de couleurs locales fort bien dosées, ce qui est rare. Dans toutes les langues, croirais-je, l'inclusion du "parler populaire" représente toujours un défi. Au Québec, la plupart du temps, les résultats sont plus ou moins heureux. Or, celui-là est très bien maîtrisé et fait de ce bouquin une excellente introduction au quotidien d'une ville dont on a peut-être aimé les contours mais dont on ne connaît pas encore le coeur.



Ne vous fiez pas au titre, ce recueil n'en est pas un ni d'humour d'un couvert à l'autre ni d'une tristesse insondable. C'est plutôt un excellent portrait de non seulement un quartier, mais aussi de ce qui est peut-être en train de devenir un style littéraire qui fait le bonheur des amateurs de bons ouvrages québécois: les nouvelles "cartes postales" avec des images de villes, de gens et de leurs émotions. Mention spéciale aux éditions Le Quartanier dans sa collection Polygraphe qui nous a servi dans la même année deux excellentes surprises avec Samuel Archibald et Daniel Grenier. Puisse ce flair vous suivre encore longtemps.



Quant à Daniel Grenier, attention, auteur à suivre.