jeudi 13 mai 2010

L'appartement du clown, par Vic Verdier, Éditions XYZ


Ce que j’aime de lire, c’est que ça me permet de me divertir et d’apprendre. J’apprend sur des choses, des gens et parfois des époques. Ici, j’ai appris et constaté des choses sur mon époque.

L’appartement du clown, c’est le roman chevaleresque version 2010. Vous vous souvenez que Don Quichotte était un fada des romans du genre? On le comprend. Il y trouvait là les modèles du temps, l’inspiration. Puis vinrent les comtes de Monte-Cristo, les Dartagnan, puis l’existentialisme où on se posait des questions en restant tout de même très digne. Maintenant, ce sont les Begbeder, en France et les Dompierre, au Québec, qui mettent en scène les nouveaux chevaliers. Autour de leurs personnages principaux, le monde est fou, mais eux se posent des questions et survivent. À leur manière, ils sont forts et justes.

Dans l’Appartement..., le narrateur et personnage principal a même son nom sur la page couverture à titre d’auteur. C’est une étape au-dessus de la fiction. “Je n’existe pas mais c’est comme si”! Intéressant. L'auteur/personnage s'adresse au lecteur en l'interpellant directement : "Toi, lecteur..." etc. Forme originale qui en dérangera certains et en fera sourire d'autres.

Ce personnage, Verdier, est dans la vingtaine. Nouvellement célibataire, il découvre la vie libre dans un nouvel appartement. Les événements le mènent dans le Plateau/Mile End, un quartier qui lui sied bien et où il fréquentera quelques lieux cultes que les plus montréalais seront reconnaître. Verdier vit bien, a du succès avec les filles, un boulot dans la documentation et joue du piano comme on a toujours eu envie d’en jouer. Épicurien à la puissance dix, il saura distinguer un cahors d’un chablis, saura reconnaître une bonne huile d’olive, sait choisir son café, et on ne se surprendra pas qu’il ait fait du camping sur la côte américaine à 15 ans. Ses amis ou colocataires boivent du Chivas, bref, Verdier est un gagnant. S’il parle d’yeux changeants avec les humeurs, il parlera... des siens! Or, quand on découvre la vie, peu importe l’âge, on vit des désillusions. Ce roman raconte les siennes. C’est là où se trouve le portrait d’une époque précise, celle de l’après 11 septembre, relaté dans cette histoire, et d’une classe pour qui cet événement a constitué une sorte de fin du monde, d’un monde qu’ils croyaient jusque là invulnérable.

Bien écrit, d’un style vivant, où les courriels font partie de la vie, l’Appartement du clown peint le portrait d’un monde peut-être peu connu de certains, peut-être familier pour d’autres. Ce sont les aventures d’un mec qu’on connaît peut-être, un gars pour qui la vie est généreuse et qui le sait. Pas de fioritures ici: un choix de l’auteur ou de l’éditeur fait en sorte que les jurons bien québécois (les tabarnak, calisse, est.) ne sont pas écrit tout du long. Verdier est de bonne famille!

On pourrait reprocher à L’Appartement... que le gai soit beau et aux prises avec la drogue, que le Latino soit mêlé aux gangs de rue et que la bête de sexe soit mulâtre. Ce ne sont pas des clichés, mais une vision de la vie d’un personnage intéressant et de ce temps, dont on ne se surprendrait pas que ses aventures se terminent, lui aussi, par la formule : “... ils se marièrent et eurent beaucoup d’enfants”. Quoi que...

À découvrir.