dimanche 14 décembre 2008

Élégie pour un américain, par Siri Hudsvedt, Actes sud


J'avais craqué pour "Tout ce que j'aimais" ("What I Loved") et avec Siri Hudsvedt, pour tout ce que Brooklyn a à offrir. Car Hudsvedt, c'est le Brooklyn de ce siècle, le St-Germain-des-Prés du deuxième millénaire. Avec son mari Auster, et Froer, Krauss, McCann, on dirait que tout ce qui sort de là est touché par l'intelligence. À vous donner envie de trainer dans tous les cafés de Williamsburg pour sentir ce qui les inspire.
"Élégie..." ("The Sorrows of an Americain") est empreint de la même sensibilité, avec une histoire bien de son temps, du nôtre en fait, et peut-être un peu trop... Ici, l'auteure raconte à la première personne, et le narrateur est un homme. J'sais pas, c'est peut-être gros ce que je dis là, mais une femme qui raconte au nom d'un homme, ça se sent. Le personnage principal a tout du mec rose, intellectuel à souhait, gentil, très intérieur mais aussi et surtout... c'est un psy. Tout est là en fait. Je n'ai pas compté combien de rêves sont racontés dans ce roman. Constamment, le personnage principal réfère à ses patients, ses thérapies. Oui, ça frôle le cliché et on pourrait croire que c'est dommage mais pourtant, si on s'y arrête bien, on y perçoit l'intelligence fine de Siri Hudsvedt. En utilisant le cliché du psy, elle entre dans ce qu'elle dénonce: le conservatisme, le pragmatisme religieux du Mid-West. Car en fait, les psys n'ont-ils pas remplacé les curés en bonne partie? Ne leur donne-t-on pas le bon dieu sans confession (sans jeu de mot...) à tout propos, sans remettre en question leur omniscience? En terminant ce livre, on se pose toutes ces questions. L'histoire est simple, les personnages aussi. Ils nous ressemblent dans leurs tortures mentales, leurs remords, leurs idées préconçues. Très Américain? Peut-être. Ou Occidental, mais assurément cérébral, beau et lent.
Pas aussi enveloppant que "What I loved", mais essentiel à la littérature américaine. Pour une tranche de vie de bourgeois gauchistes de Brooklyn, pour une réflexion très à propos sur la société américaine, mais pas pour l'action ou l'émotion à fleur de peau. Ah oui, à souligner la traduction sans faille de Christine Leboeuf, celle-là même qui traduit aussi Paul Auster.
Quand même, pour qui aime: à lire.

Aucun commentaire: