lundi 21 décembre 2009

Vu d'ici tout est petit, par Nicolas Chalifour, Éditions Héliotrope


Il me semble qu'on se complet à trop rester chez-soi. On est bien, tout nous appartient, on peut tout prévoir et tout ce qui nous entoure nous est compris, facile, confortable... mais peut-être un peu anesthésiant à la longue. Aussi, après une longue période de réclusion, lorsqu'on sort, l'ordinaire des autres devient un choc. On redécouvre tout. Et si même on va plus loin que sa rue, alors là c'est la totale.
Vu de ce que je lisais depuis un bon bout de temps, tout était quand même assez petit, simple, replet. Avec Nicolas Chalifour, j'ai carrément pris l'avion après des années d'hibernation. Son premier roman ressemble à quelque chose comme mon meilleur livre de l'année.
L'histoire vous semblera peut-être banale: c'est celle d'un manoir construit il y a longtemps, abondonné puis retapé en hôtel. Le personnage principal, enfin le second personnage, c'est le manoir lui-même. Les personnages secondaires sont ceux qui l'habite puis, qui y travaillent. Véritable hommage à tous les métiers de l'hôtellerie, on y voit serveurs, maîtres d'hôtel, chefs, sous-chefs, femmes de chambre et consorts s'y affairer. Mais voilà, l'originalité tient ici de là où on les voit.
Le personnage principal, c'est le narrateur. Difficile d'en dire plus parce qu'il est impossible de le décrire. Quelqu'un raconte, à moins que ce ne soit quelque-chose qui observe. "Vu d'ici tout est petit" est la chronique d'un personnage impossible. Et le coup de génie dans tout ça, c'est d'avoir transposé cet inconnu dans la forme même de sa narration: tout est raconté au "on". Pas de "je" ni de "il", mais le "on", partout, toujours. Déroutante aux premières pages, cette narration s'apprivoise au fil des pages, jusqu'à ce qu'on se constate complètement charmé par cette voix venue d'on ne sait où. Ici plus que jamais, le pronom impersonnel prend tout son sens. Quelle excellente idée!
Et ce ton passe rapidement de charmant à loufoque, voire hilarant à certaines reprises. Du bon temps, vous dites? Absolument.
S'il me fallait faire un seul reproche à l'auteur, ce serait la fin, qui fait s'achever ce qui était une longue et incroyable description d'un lieu en une série de scènes qui font de tout ça une histoire, un drame. Même sans les 20 dernières pages, pas mauvaises pour autant, "Vu d'ici tout est petit" m'aurait quand même majusculement plu. Cette voix unique me suivra longtemps. Quel excellents moments. Bravo pour ce premier roman!

1 commentaire:

Vic Verdier a dit…

Merde, Alain, tu me donnes du travail... Ça a vraiment l'air bien, ce roman. Noël s'en vient, le bon vieillard barbu sera peut-être généreux avec moi.