Dans Tableau final de l’amour, Larry Tremblay donne la parole au peintre Francis Bacon, qui raconte sa vie et son oeuvre avec, pour fil conducteur, sa relation avec un homme qui marquera son existence.
En littérature, les
histoires de couples gays masculins contiennent le plus souvent les mêmes
caractéristiques: des scènes de sexe crues, des amours tordues et l’ostracisme
ambiant. Écrits pour provoquer, choquer ou pour servir d’exutoire à des
fantasmes, ces oeuvres se distinguent le plus souvent par leur auteur que par
leur contenu. C’est ce qu’on a ici, avec un contenu, disons, « habituel » de
sexe et de violence. Mais voilà qu’on a aussi une histoire spectaculaire et
surtout, un auteur au talent exceptionnel qui, soulignons-le, ne parle pas de
lui mais nous raconte l’histoire de la vie d’un autre.
Parce qu’il fallait du talent pour entrer dans la tête d’un personnage aussi grand que Francis Bacon sans tomber dans les clichés. Pas besoin d’avoir lu sa biographie
pour comprendre, lorsqu’on découvre ses oeuvres, que Bacon était tourmenté.
Larry Tremblay exploite ce trait avec une finesse ahurissante. Il donne à Bacon
les pires tourments, ceux que l’on se porte à soi-même.
Le peintre
se déteste, et ce sentiment tire son origine d’une enfance distordue. Privé
d’écucation sentimentale, laissé face à lui-même en matière de relations, il en
est sorti un homme blessé, perdu, trouvant son plaisir dans la douleur,
sentiment qu’il connait le mieux.
Mais Francis Bacon avait du
caractère. Il en fallait pour afficher son homosexualité dans les années 50 et
60. Tremblay exploite aussi ce filon pour en faire un personnage fort,
flamboyant à sa manière, mais pas, vraiment pas, fier. N’empêche, l’homme est
humain et cherche quand même à être aimé. C’est avec cette psyché blessée et ces
besoins communs à tous qu’il entretiendra ses relations, dont celle avec l’homme
qui deviendra son modèle principal au cours de sa carrière, racontée de superbe
façon.
Création et destruction s’entremêlent, l’auto-sabotage est
partout. Là où une vie publique s’élève, deux vies personnelles tombent au plus
bas. Ces histoires parallèles et entremêlées sont fascinantes. On se demande pourquoi, mais, au fil des pages, on comprend.
Puis vient la fin,
emmenée par une scène si forte qu’elle me bouleverse encore, une scène où
quelque chose s’écroule et qu’une autre s’élève. C’est difficile à décrire
tellement c’est puissant. Dans les dernières pages, le noir fait place à
l’absence de noir, comme on regarde le désastre après la tempête, bien avant que
le soleil ne revienne. Et le lecteur se rend compte qu’il est sur le point de
terminer un grand livre.
Tableau final de l’amour désarçonne. Il
plaira à qui sait faire la différence entre cruauté et victime de cruauté,
décevra les misérabilistes, et ne rassurera personne. Toutefois, il rejoindra,
j’en suis convaincu, tout lecteur qui a déjà connu, vraiment, l’amour.
Oufffff.
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