mardi 25 septembre 2018

Jeune homme, par Karl Ove Knaussgard, éditions Folio (Poche)

Knaussgard est sans doute le seul auteur dont je me demande encore pourquoi je le lis. Et pourtant, ce troisième livre de sa série Mon combat ne sera pas mon dernier. Je lirai le quatrième, parce qu'à mon avis, ce troisième était encore meilleur... non, c'est plutôt que j'ai préféré ce troisième aux deux précédents.

On dirait que je me demande si le livre est bon. C'est bel et bien le cas. En lisant Knaussgard, je suis littéralement un chien dans une allée de quilles. Au risque de me répéter, je n'ai aucune raison d'aimer cette série de livres et si on ne m'avait pas offert le premier, je n'aurait jamais rien lu de lui, surtout à voir tout ce qu'on dit sur lui.

Le Norvégien Knaussgard est très connu en Scandinavie pour cette série où il raconte sa vie. Or il ne s'agit pas d'une biographie. On dirait plutôt le script d'une télé-réalité. Moi qui n'ait jamais écouté que de petits extraits par-ci par-là de ce type d'émission, j'en ai assez vu pour savoir que le genre est à 10 000 lieues de ce qui puisse me divertir. Bon, un livre ne peut pas raconter le temps réel, bien entendu, mais voilà, Knaussgard a trouvé la formule qui s'en rapproche le mieux. Le style est simplissime, la traduction est correcte. Le décor est simplissime, les personnages sont corrects. Rien n'est éloquent, rien ne s'emporte, mais rien ne descend non plus. On lit Knaussgard comme on écoute une logorrhée interminable mais fascinante. Cette personne, fort bien avisée, qui m'avait remis La mort d'un père, son premier livre, m'avait dit de lui qu'il écrivait de la drogue. C'est exactement ça, on point de divertir un blogueur aussi prétentieux (?) que moi.

Après avoir parlé de la relation avec son père, puis de celle avec sa conjointe, l'auteur aborde maintenant son enfance, entre 8 et 13 ans environ. Ici, l'entourage prend toute son importance les enfants du quartier, la famille nucléaire, les grands-parents. Son histoire comprend toutes les fascinations et les peurs du monde des enfants, soit autant de sentiments qu'on a tous éprouvés, quelque soit notre histoire personnelle. Qui plus est, son contexte d'enfant élevé dans une petite ville du Nord (de la planète) dans les années 70-80 a tout pour rejoindre celui qui vous lisez présentement. Outre ses relations avec les autres, Knaussgard aborde aussi de très belle façon sa relation avec son environnement. Il sait vous décrire un petit lundi matin triste dans une cuisine familiale qu'un vendredi soir plein de promesse dans une chambre de pré-ado, tout comme l'odeur et la couleur d'un sentier, d'un couloir d'école ou de la maison de grands-parents. Un peu plus et je vous lâche l'expressions "écriture réconfortante". Or attention, Knaussgard n'a aucun filtre ni aucune notion de politiquement correcte. On pourra aussi lui reprocher quelques énumérations de personnages connus de son pays, ou de villes, de régions qui nous sont inconnues. Bien que rares, ces énumérations peuvent sembler lourdes. Pourtant, elles ajoutent au caractère authentique de l'écriture. En fait, cet auteur écrit comme une personne connue vous raconterait un événement plutôt anodin avec juste assez de détails pour qu'il sache capter votre attention du début à la fin.

Réel phénomène, Karl Ove Knaussgard a l'immense mérite de me sortir de ma zone de confort... pour m'en faire découvrir une nouvelle. Ça devrait m'inquiéter, mais non, je n'achèterai pas de magazine people pour autant. Ses livres sont bien meilleurs que ça.

lundi 24 septembre 2018

L'Archipel du Chien, de Philippe Claudel, éditions Stock

C'est une petite île isolée où la vie est rude et les gens aussi. Dans le petit village, tous se connaissent. Le maire emploie aussi beaucoup de monde, le docteur est son grand ami, et il y a le curé, l'enseignante à la retraite et... le nouvel enseignant, nouvel arrivé avec sa famille. Voilà qu'ils feront une découverte qui risque de changer le cours de l'histoire de leur île paisible. Sans dire exactement de quoi il s'agit, disons que le fait est fortement inspiré d'événements qui touchent les plages de plusieurs pays d'Europe du Sud ces derniers temps.

Ces personnages sont très typés. Comme dans Le rapport de Brodeck, Philippe Claudel utilise des personnages aux traits tout droit tirés d'une bande dessinée. Chez cet auteur, l'identité est très importante, et par le fait même, la différence, qui est le thème de ce livre. Qu'est-ce qu'on fait avec la différence? Qui dérange-t-elle vraiment?

Dans ce qui ressemble un peu à une fable, sous certains aspects, l'auteur oppose deux sociétés: la conservatrice, celle qui préfère que tout reste tel quel, et la progressiste, celle qui participe au monde et à son évolution. À la limite de la caricature, les tenants du premier groupe n'ont pas la part belle, mais quels personnages on a là! De mauvaise foi, hypocrites, fourbes, on leur donnerait difficilement le bon dieu sans confession. Mais derrière tout ça, il y a une misère, un mal de vivre que Claudel nous fait ressentir grâce à ses descriptions efficaces, très imagées. L'autre camp, représenté par l'enseignant et un autre personnage, venu d'ailleurs lui aussi, est aussi décrit dans ses forces et ses faiblesses, ce qui rend ces personnages aussi forts que leurs opposants.

Certains diront que c'est gros. Claudel a en effet un style que je dirais très imagé, théâtral, même, loin de la description d'un lieu ou d'un personnage complètement réel. J'avoue prendre beaucoup de plaisir à le lire, parce ses dialogues ou ses descriptions font parfois sourire et beaucoup réfléchir. Aussi, la fin peut paraître un peu grosse, ce qui peut en laisser certains pantois. Pour ma part, c'est tout à fait en ligne avec la narration de cette histoire qui nous montre combien ce monde a encore bien des croûtes à manger pour prétendre être parfait. Mais si joliment raconté, ça nous dérange un peu moins.