lundi 31 août 2020

Ta mort à moi, par David Goudreault, éditions Stanké


David Goudreau revient avec un personnage qui confirme sa signature: hors norme, atypique, inquiétant, rébarbatif, hyperactif et surdoué. Entre francs rires et gorges nouées, on suit maintenant la vie d’une autrice fictive dont les mésaventures traversent notre époque. 

Jumelle née dans une région rurale québécoise de parents immigrants, Marie-Maude a tout, absolument tout de différent. De son aspect physique jusqu’à ses capacités d’apprentissage exceptionnelles en passant par ses parents pas piqués des vers mais surtout son incapacité à trouver le bonheur, Marie-Maude se cherche, et la suivre est palpitant. Qui d’autre que David Goudreau pour parcourir le monde avec un personnage qui n’en a justement rien à foutre, du monde?

Ce gars-là a le talent requis pour réinventer ce qu’il veut sans que ça nous choque. Comme son personnage, il joue avec le temps, l’espace, les genres et le langage pour que tous puissent s’y retrouver. Avec ses références encyclopédiques et historiques, on reconnaît le geek derrière l'intelligence de la Bête. Avec ses références à l'éducation, l'ésotérisme, le monde littéraire, on reconnaît le critique social. Ce nouveau portrait d'un personnage hors-norme nous fait une nouvelle démonstration de tout l'ostracisme dont sont victimes ceux qui diffèrent. Il nous montre aussi combien ce sont eux qui colorent le monde, et qui le changent en le confrontant avec nos certitudes confortables.

À la fin on manque de souffle. On s’étouffe sous l’émotion alors que David Goudreau fait exploser à grands fracas son personnage plus grand que nature. Cette bombe explose à un endroit précis que l’auteur a su trouver, en fin stratège, exactement entre la tête et le coeur, dans une une zone d’éternel combat où il sait si bien manoeuvrer. Et c'est après cette déflagration, qu'on a inévitablement vu venir, qu'on s'étonne d'une fin après la fin. Et c'est là où réside tout le génie et le beau de cette histoire ô combien violente, souvent sordide, mais combien passionnante. J'ai vu dans les dernières pages du livre la marque d'un grand auteur. On le savait déjà, mais cette fois, pour moi, c'est maintenant confirmé.

Lisez Ta mort à moi. C’est exactement ça, un bon livre bien écrit.

jeudi 13 août 2020

Toutes les histoires d'amour ont été racontées sauf une, par Tonino Benacquista, éditions Gallimard

Ça va pas bien dans la vie de Léo. La talentueux mais modeste photographe est tombé bien bas. D'amoureux fou, il est devenu bien seul par un concours de circonstances... à la Tonino Benacquista. C'est un peu tordu, et on aime ça, parce que n'importe quoi raconté par Benacquista devient divertissant. 

Bref, rendu bien seul, Léo cherche à oublier son épouvantable condition. Il le fera en tombant dans la fiction, via le petit écran. On verra donc un personnage de roman s'évader... en vivant ses évasions avec lui, c'est à dire que tout ce que Léo regarde, Benacquista le décrit. 

Et nous voici passant du réel (l'histoire de Léo) au fictif (ses émissions) de chapitre en chapitre. Série historique, aventures conjugales d'un écrivain, téléréalité d'alcooliques anonymes, tout intéresse Léo que sa vie n'intéresse plus. Alors on le suit, on ne le suit plus, et avec lui, on devient un peu mélangé. 

Voilà bien Tonino Benaquista. Ses "vieux" fans verront même apparaître Saga, une référence à un de ses plus grands succès. Donc,j usqu'ici c'est très "télé", très scénarisé, très gros. On navigue entre réel et fiction, on a plein d'histoires racontées en même temps. 

Les autres histoires, celles des personnages des émissions suivies par Léo, sont rocambolesques. Chacune pourrait faire l'objet d'un roman. Parmi eux, il y a le célèbre écrivain dont j'ai parlé un peu plus haut. C'est par lui qu'arrive le titre ambitieux de ce roman... et c'est aussi par là que j'ai fini par m'égarer. Pas que j'étais perdu, non. Les histoires qui s'entremêlent sont bonnes, sauf que pour raconter ce qui pourra ressembler à une espèce de rédemption de Léo, on finira par se demander qu'est-ce qui est réel et qu'est qui est fictif, oui, mais surtout, la fameuse histoire d'amour en question fera figure d'ovni. On s'attend à un feu d'artifice final, on termine avec quelques bulles de savon qui virevoltent un peu avant d'éclater. D'où mon désir d'en finir avec ce livre.

Ajouté à cette fin étonnante, on a un monologue où l'auteur fait raconter par un de ses personnages ce qui fait de la bonne fiction, et ce qui fait qu'on aime ou pas une histoire. Bon, oui, c'est une façon de voir les choses. On entend souvent de tels arguments alors que l'auteur est en entrevue, ou devant un public. Mais là, dans un roman, raconté comme ça, ça donne la plate impression qu'on a voulu nous passer un message, un genre de legs, une épitaphe. Au fil de ces dernières pages, j'ai eu la désagréable impression que Benacquista voulait nous montrer la recette de son succès, théoriser sur lui, sur ses histoires, sur tout. 

Ce qui a eu pour effet que j'ai trouvé la fin du livre interminable et qu'au bout du compte, ce qui semblait se dessiner pour être un grand "wow" c'est terminé par un petit "bof".

Je ne sais pas ce qui lui a pris, mais c'est dommage. Y'a quelque chose, dans ce livre, qui n'a pas fonctionné.

lundi 3 août 2020

Paul dans le Nord, par Michel Rabagliatti, éditions La Pastèque


Je me demande si les histoires autobiographiques d'adolescence où l'auteur découvre la vie, les premières libertés et les premières amours existent depuis toujours... enfin, depuis qu'on écrit. Ça doit. 

Certain que la lecture d'un tel récit vous touche encore plus lorsque le décor est campé dans votre propre environnement géographique et culturel, à moins, bien entendu, que l'univers en question vous fasse rêver bien qu'il vous soit étranger.Rabagliatti poursuit ses récits d'un Montréalais grandi dans les années 70/80. Là, c'est l'adolescence en 1976. À Montréal, ce sont les jeux olympiques, épouvantables et fantastiques, et chez Paul, c'est l'éveil du désir amoureux, avec les deux mêmes qualificatifs.

On ne se lasse pas des "Paul". Je me surprend encore à pousser des éclats de rire devant certaines scènes et à sortir profondément ému d'autres. Le dessin reste simple, le scénario, impeccable et certaines planches sont tout bonnement grandioses. 

Dans cette épisode, outre les références historiques, il nous fait la démonstration que les habitants des villes et ceux des campagnes continueront toujours à s'invectiver, s'envier, se dénigrer et que malgré les différences, il y a des choses beaucoup plus grandes qui réunissent tout ce beau monde. L'Histoire qui suit son cours y est pour beaucoup, la culture, les amours.

Si tout Québécois, Montréalais ou pas, se reconnaît dans Paul, qui sait si tout Terrien qui se respecte ne se reconnaît pas aussi dans ce personnage sensible, un peu naïf, mais tellement à ouvert sur tout ce qui l'entoure. Lire Paul, c'est avoir envie de raconter un scénario à Rabagliatti pour qu'il vous l'intègre à sa sauce, parce que quoi qu'il arrive, on ne s'ennuiera pas.

Bref, après, quoi, cinq ou six albums, j'ai beau chercher, et non, je n'arrive toujours pas à lui reprocher quelque chose.