lundi 22 août 2022

Le grand monde, par Pierre Lemaitre, éditions Calmann-Levi

Regardez vos livres en français dans votre bibliothèque et essayez d'en trouver plus que 2 ou 3 dont le nom de l'auteur est plus gros que celui de son titre sur la page couverture. En anglais, c'est la norme. Pas en français. Calmann-Levi est sorti de la norme pour le livre d'un auteur dont la norme, justement, est de rester dans la sienne propre. Pierre Lemaitre reste Pierre Lemaitre. Ses fans y prendront plaisir, mais il y aura les pour et les contre.

On a su haut et fort au sortir du livre qu'il serait le premier d'une nouvelle trilogie. Ça regardait bien, surtout si on avait aimé la trilogie précédente. Alors on entame ce nouvel ouvrage plein d'attentes et on se rend compte que oui, c'est Pierre Lemaitre: les premières pages sont un vrai feu d'artifice. Cette fois il ne s'agit pas d'action, ou si peu. L'auteur décrit plutôt ses personnages: un couple d'entrepreneurs français vivant à Beyrouth à la fin des années 40 et leurs quatre enfants, tous jeunes adultes. Ajoutons la conjointe de l'un deux et le tableau est brossé: ça va barder. Mais voilà qu'au fil des pages, on ressent un malaise, puis un autre. Qu'est-ce qui se passe?

D'abord, on est dans un autre registre. Oui, les personnages sont encore assez "champ gauche". Maladroits, victimes, mais volontaires, comme dans les livres précédents de Lemaitre, ces personnages, pour certains, tombent dans une nouvelle dimension: le sordide. Et là, je parle de gore. Vraiment. D'abord, on n'est pas certain, mais quand un gars est un bon conteur... on se laisse porter mais si on est pas vraiment un fan du genre.

Puis il y a le décor. Le contexte historique est toujours bien présent, mais une partie de l'histoire se déplace dans un décor inconnu et flou, tant historiquement que... imaginativement: l'Indochine occupée par les Français. Un des personnages s'y retrouvera. La description qu'en fera l'auteur crée un drôle d'impression: c'est pas très joli, c'est à peu près invivable et la plupart des gens qui y sont sont plutôt malsains. Les Vietnamiens n'ont pas le plus beau rôle, souvent secondaire, voir accessoire. Malaise. Les Français ne sont pas plus nets non plus, mais sortis de l'imaginaire de Pierre Lemaitre, on est moins surpris de leurs comportements à eux.

Mais oui, c'est bon, et ça tient principalement à un personnage en particulier, un genre de monstre de méchanceté, de mauvaise foi et de courage comme on en a vu dans l'oeuvre antérieure de l'auteur. On aime détester ce personnage et on se surprend à nous en ennuyer dans les pages où il est question des autres.

Bref, c'est enlevant, surtout pour le côté enquête. Ajoutez à ça un gros coup de tonnerre un peu avant la fin, un genre de beau gros cadeau pour ses lecteurs fidèles et vous avez l'assurance que si vous en êtes à votre quatrième livre de Pierre Lemaitre, vous enlirez sans doute encore au moins deux autres.