samedi 31 juillet 2021

Moi, ce que j'aime, c'est les monstres, par Emil Ferris, éditions Monsieur Toussaint Louverture

Pour une fois je pourrais ne parler que de dessins. Parce que chaque page est unique. Chaque fois qu'on en tourne une, on se demande ce qu'on va voir. Quel travail incroyable il y a là-dedans.

Cette brique de dessins est montée comme s'il s'agissait du cahier de croquis de la narratrice, une jeune pré-ado qui raconte un épisode de sa vie dans un quartier populaire et plutôt mal fâmé de Chicago en 1967.

Pas vraiment accrochée à l'époque, ni trop à la ville où ça se passe, l'histoire se rattache plutôt aux personnages. La narratrice vit avec sa mère et son grand frère. Leurs voisins prennent beaucoup de place et c'est de ce côté que l'intrigue se développe le plus. Parallèlement, la narratrice parle d'elle, de son apprentissage de la vie et de ce qu'elle est. C'est surtout dans cet aspect que le scénario m'a le plus touché. C'est vrai que l'histoire tourne principalement autour d'une histoire de mort non-élucidée, ce qui est prétexte à toutes sortes de scènes, antérieures et actuelles, concernant les protagonistes de cet événement. C'est bon, mais c'est gros. Toutefois, l'histoire de la vie de la narratrice, elle, est chavirante parce que les dessins y décrivent de façon extraordinaire ce qui, finalement, aurait bien pu être ordinaire.

Beau, glauque, touchant, donc, mais aussi déstabilisant, cette bande dessinée hors normes n'est pas, à mon avis, pour tous les publics. Son atmosphère est rempli de références à des films d'horreurs ou de la littérature fantastique, voire gore. On y ressent inévitablement un malaise. Mais la force de cette oeuvre est la fascination qu'elle suscite. Certaines planches nous forcent à nous arrêter tellement elles sont belles. Quant au scénario, il fait la part belle aux exclus et montre le pouvoir avilissant des préjugés. On dirait que tout le monde, dans cette histoire, est le rejet de qu'un d'autre, sinon de soi-même.

C'est un livre dur, mais fort, visuellement, on dirait bien un chef-d'oeuvre.