dimanche 20 février 2022

Crossroads, par Jonathan Franzen, éditions Penguin Random House

On dit souvent d'auteurs qu'ils "aiment leurs personnages", ce qui donne souvent des portraits tout en douceur. Jonathan Franzen, lui, aime nous montrer à quel point ils peuvent être détestables, même les plus innocents. Il est comme un chat qui joue avec un oiseau, en le tuant doucement, l'air de rien. C'est ce qui rend ses livres aussi passionnants.

La famille Hildebrant vit en banlieue de Chicago en 1973. Le père est pasteur, la mère, femme de pasteur qui s'ennuie, et ils ont quatre enfants. Le plus vieux a 20 ans. Les autres sont en pleine adolescence, sauf le plus jeune. L'excercice du ministère du pasteur se passe difficilement, puisqu'un autre pasteur, plus jeune, travaille dans la même communauté. Sa notoriété deviendra enviable grâce à son animation d'un groupe de jeunes populaire dans le quartier, Crossroads. Bien vite, ce jeune pasteur deviendra concurrent du pasteur Hildebrant. La guerre fera rage entre les deux et pendant ce temps, les enfants Hildebrant vivront leur émancipation, le plus souvent aux détriments de leur père et de leur mère, qui elle, n'est pas en reste non plus en matière de volonté de changer de vie.

Jonathan Franzen nous dresse un portrait d'une famille américaine moyenne, en nous les montrant non seulement dans leur présent, mais en nous expliquant aussi d'où ils viennent, ce qui les a influencé, et ce qui les influence encore. Toujours, partout, on sentira le désir de chacun de se faire aimer, l'omniprésente considération de l'opinion des autres, la représentation de soi dans la société.

On le comprendra: la religion y joue un grand rôle. Elle se veut un soutient, une base, une référence, mais voilà, les temps changent et les enfents ne sont plus là. Mais quand même, c'est une société où les hommes se sentent investis d'une mission de tout diriger, mais on dirait que ça marche moins que ça marchait avant...

Pour désinhiber ses personnages, l'auteur utilise un procédé audacieux: les psychotropes. L'histoire contient trois scènes où des personnages font l'usage de drogues. Quoi que vous imaginiez, vous vous trompez certainement. Ces scènes sont tout bonnement... hallucinantes et révélatrices, chacune pour des raisons et dans des contextes différents. Ajoutez à ça des dialogues avec des répliques aussi acérées qu'une lame de rasoir, et une connaissance fine de l'âme d'un peuple qui ne sait plus trop où il est rendu.

Crossroads est un divertissement complètement réussi. Franzen fait encore la preuve qu'il sait expliquer la classe moyenne blanche en fouillant dans ses placards, ses jardins secrets et ses pensées profondes. C'est troublant, féministe (à mon seuls) et on en veut encore.

Vivement la traduction en français!