mercredi 1 février 2012

Sunset Park, par Paul Auster, éditions Actes Sud/Leméac


D'entrée de jeu, ce blogueur doit avouer qu'il passe un sapré bel hiver. Fruits du hasard ou résultat d'une expérience de lecteur qui commence à donner des résultats, mes derniers choix se sont tous avérés heureux. Celui-là aussi, mais différemment des autres. Plus jouissif, dirais-je.

La lecture de Paul Auster m'a d'abord fait réaliser que cette période bénie est en majeure partie due à des auteurs des États-Unis. J'en suis surpris. Agréablement. Ce Sunset Park, son histoire et sa tournure m'ont aussi permis de constater combien un autre livre m'habite encore, soit celui de James Frey (The Last Testament of the Holy Bible). J'en ai retrouvé quelques effluves jusque dans ce Paul Auster.

J'ai en fin réalisé, en commençant ce livre, que j'avais oublié la plupart des derniers Auster. J'en ai regardé les titres, et mis à part Le livre des illusions et longtemps avant, Tombouctou, je n'avais retiré de la lecture des oeuvres de ce grand nom qu'un plaisir momentané, qui ne restait à peu près pas. Ironique, lorsqu'on constate que Sunset Park se termine justement sur une note suggérant que rien, jamais rien, n'équivaut au moment présent.

Sunset Park se résume en l'histoire d'un homme à la fin de la vingtaine qui, après avoir fuit sa famille reconstituée et les parts de vérités qui allaient avec elle, retourne auprès des siens par la force des événements. C'est ce personnage central qui m'a ramené à James Frey, le personnage typique Américain: l'air de rien, bon mec, pas méchant mais un peu gauche, a des choses à se reprocher, mais bon, comment lui en vouloir, il a un bon fond. Et il se battra et on lui souhaite la victoire. Or ici, le méchant, c'est aussi lui, dans sa façon de se voir. Et pourtant, comme le Ben Zion Avrohom de James Frey, ceux qui l'entourent ont besoin de lui, chacun pour ses propres raisons. Ces autres personnages sont quant à eux très "New York" de ce siècle: un éditeur, une grande actrice, une artiste mal assumée, des partisans des valeurs humaines opposés au mercantilisme ambiant. C'est pas "Occupy Wall Street" comme propos, mais on comprend pourquoi ce courant est parti de cette ville. Éclairant.



Paul Auster sait peindre de très beaux portraits de ses personnages. D'une façon commune à plusieurs auteurs new-yorklais contemporains, il en fait le tour jusqu'au tréfonds de leur âme. Rien de superficiel ici. On comprend leurs tourments autant que leurs talents. Ce qui pourrait taper parce que trop descriptif devient essentiel avec Paul Auster dans la mesure où plus on en apprend sur chacun, plus on les aime, on veut les défendre. Et si on s'attend à une fin plus ou moins catastrophique, on espère au moins que chacun s'en sortira. Les méchants dont on veut l'élimination sont, comme pour le personnage principal, la mauvaise part de chacun dont on souhaite qu'ils se débarrassent.

Je terminerai en citant le quatrième de couverture appelé ici "Le point de vue des éditeurs":

"Avec ce roman sur l'extinction des possibles dans une société aussi pathétiquement désorientée qu'elle est démissionnaire, Paul Auster rend hommage à une humanité blessée en quête de sa place dans un monde interdit de mémoire et qui a substitué la violence à l'espoir".

Et bien je suis contre. Ce point de vue est emprunté et tartiné d'une guimauve sucrée à la déprime ambiante à laquelle on essaie de faire carburer des consommateurs de toutes sortes de biens incluant des livres. Ce Paul Auster est beau parce qu'optimiste. Il présente des gens pour qui le désir de vivre provient d'eux mêmes et des gens qui les entourent et qu'ils aiment. Non c'est pas évident de se rendre compte qu'on aime quelqu'un. Ni de s'aimer, soi. Mais c'est en découvrant sa vraie nature qu'on réussit aussi à toucher celle de l'amour, l'universel, pas l'exclusif. Oubliez donc ce quatrième de couverture. Les éditeurs n'ont pas nécessairement le meilleur point de vue sur leurs auteurs. On en a ici la preuve.

Ah oui, je l'ai lu en français. Pas mal traduit, mais ça ne me convient pas. L'auteur fait parfois référence au monde du baseball, et les termes traduits d'un français européen... ouf! Oui, un peuple francophone connaît cette matière depuis une bonne centaine d'années parce que vivant sur le continent américain, mais bon, hein, ils sont si peu... Pourquoi les consulter? Et que dire, lorsqu'on est Québécois, quand on découvre ce que sont des "oignons frits en beignets". Hi-la-rant, et très mal traduit. Dommage, mais rien pour casser le rythme. Le livre reste bon.

On contraire des précédents, je me souviendrai certainement de ce Paul Auster, et le recommande fortement.