mardi 21 mars 2023

Mille secrets, mille dangers, par Alain Farah, éditions Le Quartanier

En terminant ce bouquin, je me suis senti en lendemain de veille, hang over, étourdi, pas vraiment bien physiquement, mais avec un sentiment que quelque chose de bon devrait prendre le dessus une fois l'inconfort terminé, quelque chose comme le souvenir heureux d'un moment fort. C'est un peu tout ça, Mille secrets mille dangers, un des livres les plus anxiogènes que j'aie lu jusqu'ici, mais que j'ai pris un plaisir presque masochiste à lire.

"Masochiste", parce que je m'étais promis que je ne me ferais plus prendre par l'autofiction. Or ici, elle est à la puissance 10. Le personnage principal a le nom de l'auteur, qui parle au "je" et raconte sa vie. Tous les souvenirs et événements passés aboutissent à son mariage, pivot du livre autour duquel tournent les flashbacks.

La construction du livre est excellente. De l'événement du mariage, on part vers un passé très proche, comme les quelques heures précédant l'événement, ou plus loin vers l'enfance du narrateur/auteur, et même celle de ses parents. Mises ensemble, ces bribes de passé créent le présent et à ravers elles, on comprend le personnage, on se l'approprie, tellement qu'on en vient à penser avec lui et ressentir les mêmes choses que lui.

Parce qu'en termes de "ressenti", Farah frappe fort. Si vous pensiez que votre entourage vous parlait souvent de ses angoisses, depuis quelque temps, ce n'est rien à côté de celles du personnage d'Alain Farah dans le livre d'Alain Farah. Ce gars-là est l'incarnation humaine de l'anxiété, et il a tôt fait de nous expliquer comment et pourquoi, à tel point que la sensation incofortable mais grisante d'un trop plein vous saisi au fil de ses malaises. En tout cas, c'est comme ça que j'ai lu ce livre: avec la nécesssité de prendre des pauses, et le désir de replonger dedans pour vivre encore d'autres scènes souvent très fortes.

Dans Mille secrets, l'amour n'est pas facile. C'est un sentiment qui se gagne à grande peines, mais lorsqu'il surgit, c'est un remède miracle, un jet d'air frais dans une pièce surchauffée, un calmant après une grande douleur.

L'écrite de Farah est efficace et dynamique. C'est ce style qui m'a fait fait tourner chaque page d'un livre que j'avais pourtant tout pour détester. J'ai attendu longtemps avant de le lire et finalement, j'ai bien fait. Pendant un bout de temps, j'ai cru à quelque chose comme Knausgaard, mais non, c'est bel et bien original, et qu'elle soit vraie ou pas, c'est une sacré histoire, et moi, les bonnes histoires comme celles-là, j'en redemande.

Âmes sensibles, ne pas s'abstenir, ne serait-ce que pour vous rendre comte que vous n'êtes pas seul dans votre fragilité. Fortement recommandé.