lundi 29 novembre 2021

Pas un jour sans un train, par Robert Lalonde, éditions Boréal

Robert Lalonde va partout, c'est le moins qu'on puisse dire de lui, tant en matière d'écriture que de lecture et de voyages. Dans ces carnets, ils nous raconte des voyages, des vrais et des imaginés, et il nous raconte deux de ses passions: les trains et l'écriture.

Il utilise en effet le train comme prétexte pour dresser de brefs tableaux d'écrivains. De Nabokov à Dickinson, en passant par Hemingway, Giono, Colette et d'autres moins connus, l'auteur les place dans un train, dans une gare ou sur un quai avec un crayon et du papier. Dans ces courts portraits, il met le personnage connu dans une scène où l'inspiration lui est donnée par le train, le mouvement, le prétexte à se déplacer ou à rencontrer des voyageurs. Le train devient prétexte à créer.

L'image est très belle, et les prétextes pour le montrer sont nombreux. Or, dans ce livre écrit comme un carnet, on retrouve le même phénomène que dans un recueil de nouvelles: certaines pages nous emportent et d'autres nous laissent un peu seul.

Bien sur, je m'attendais à beaucoup de références au train, un mode de transport que j'adore. Lalonde en fait quelques unes tirées de récits personnels où le train, qu'il passe devant ses yeux ou qu'il le transporte, évoque le désir de découvrir, de voir le monde, de le connaître. J'ai aimé ces anecdotes personnelles. Chaque fois, l'auteur a su me transmettre son envie de profiter du moment, du paysage, de l'immobilité du voyageur pendant que le train avance. Un genre de meilleur des deux mondes.

Puis, le lien avec la littérature va de soi. C'est en effet une autre façon de découvrir le monde, l'idée est excellente. Dans ces portraits, j'ai parfois été complètement charmé et à d'autres, j'ai plutot manqué le train. Je dois aussi admettre l'agacement que j'ai éprouvé à traverser des portions de texte écrites en anglais alors que l'auteur donne la parole à des écrivains de langue anglaise. Non, y'avait pas de phrases en russe pour les auteurs russes ni rien en espagnol pour Gabriel Garcia Marquez. Je comprends donc qu'on puisse écrire en anglais "parce que tout le monde lit l'anglais" mais pas les autres langues. D'accord. C'est un fait. Donc, tout le monde lit l'anglais, tenez vous le pour dit. Si c'est pas votre cas, vous vous faites l'idée que vous voulez. Personellement, je trouve ça triste lorsque Goliath empiète sur David. C'est comme tellement facile. Et en plus, ces dialogues ou monologues dans leur langue d'origine n'apportent rien.

Autrement, j'avoue que j'aurais aimé avoir lu ce livre dans un train, dans un voyage juste assez long pour traverser pour en traverser une bonne partie. J'en ai lu quelques parties dans le transport en commun. C'était tout à fait approprié. Même les bouts plus ardus passaient mieux.

J'ai reconnu là le Robert Lalonde érudit, inspiré et méditatif que je connais. Je ne lirai pas tout de lui, mais je le lirai encore, c'est certain.

Pour les amoureux des voyages, ceux qui aiment et savent prendre le temps, et pour les fans de Robert Lalonde.

mardi 9 novembre 2021

Les ombres filantes, de Christian Guay-Poliquin, éditions La Peuplade

Le personnage du Fil des kilomtres et du Poids de la neige poursuit sa course. La même atmosphère de crise mondiale persiste en trame de fond: les communications sont coupées, l'électricité manque. Les gens ont opté pour le mode survie et c'est chacun pour soi. C'est là-dedans qu'avance notre protagoniste. Après avoir traversé un pays en voiture et affronté l'hiver dans les autres livres, le voici en forêt par un été chaud.

Les décors de Christian Guay-Poliquin sont sobres, mais il les connaît finement, tellememt qu'il en fait des personnages. Ici, la forêt n'a rien de bucolique ni de mythique. C'est un environnement anarchique, comme le monde dans lequel se déroule l'histoire, où dangers et abris se cotoient. En fait, cet auteur décrit la forêt avec un oeil intéressé, curieux, sans filtre émotif, et c'est un des éléments qui rendent ce livre aussi captivant.

L'angoisse, aussi, sans la peur, quoi qu'elle apparaisse de temps en temps, fait aussi partie de ce qui nous retient. Parce que l'anarchie dans laquelle Guay-Poliquin fait évoluer ses personnages et comme en en arrière-scène, mais elle recouvre tout, particulièrement les relations sociales. La crainte est partout. Celle du personnage principal, en tout cas, est manifeste, et sa traversée de la forêt a un but: rejoindre une partie de sa famille, qu'il rejoindra, mais à quel prix?

Et il y a aussi ce second personnage principal qui se joint au premier. Sans le décrire, disons que l'auteur le rend savamment intriguant et imprévisible, mais attachant. On verra le monde différemment à travers lui, et ça aussi, c'est réussi.

Christian Guay-Poliquin dépeint très bien la complexité des relations qu'on a avec nos proches. Amour et haine, dépendance et besoin de se détacher, se trouver des points en commun et tenir à se distinguer: c'est à travers tout ça que nos deux personnages avancent, et c'est fort bien amené.

Notons enfin que ce troisième livre des aventures d'un même personnage se déroule cette fois en été, qui devient aussi une part importante de ce qui se passe. Comme pour la forêt, comme pour les humains que l'on côtoie, la saison chaude a ses avantages et ses méfaits.

L'auteur a dit de ce livre qu'il était le dernier d'une série de trois. On le voit bien avec la fin, touchante, mais emmenée peut-être un peu rapidement. Reste que tout aussi habilement que tout ce dont il parle, Guay-Péloquin laisse une petite porte ouverte, une possibilité de penser que peut-être, çca pourrait ne pas être terminé.

Quoi qu'il en soit, Les ombres filantes sont dans la continuité du style que cet auteur a développé et qui lui vaut des compliments mérités. J'ai maintenant hâte de voir quels nouveaux scénarios il saura tramer avec ses ambiances brumeuses... à moins qu'il sache nous en créer d'autres, complètement différentes, mais tout aussi attirantes.