lundi 24 juin 2019

Aux confins du monde, par Karl Ove Knausgaard, éditions Folio (Poche)

C'est peut-être la quatrième fois où je me demande comment ça s'fait que je suis en train de lire du Knausgaard. Et cette fois plus que toutes les autres, j'ai bien failli décréter que ce serait la dernière fois. Mais bon, il en reste deux autres...

Ça s'peut. On verra.

Dans ce quatrième tome de l'histoire de sa vie, le Norvégien raconte les épisodes entre 16 et 18 ans. On commence par les 18 ans, alors qu'il part pour un premier job sérieux: il ira enseigner pour un an dans l'extrême nord de la Norvège. D'où le titre. Bon, maintenant, si vous vous imaginez "les confins du monde" comme un endroit digne de Jules Verne ou d'Edgard Alan Poe, par exemple, vous serez déçus. On est dans les années 80. Le village où il se retrouve est on ne plus "normal", bien que l'environnement soit exceptionnel, plein de mer et de rochers. Faut donner à Knausgaard que si sa relation avec les humains est assez discutable, celle avec son environnement est nettement meilleure. Il rend les décors agréables, à défaut de se présenter comme tel.

À cet âge tendre, le jeune adulte qu'il est est en apprentissage d'un métier, oui, mais lui reste une chose à apprendre encore, et on ne parle pas de n'importe quoi... Son obsession: coucher avec une fille. La première moitié du livre tourne à peu près autour de ça. Si c'est d'abord normal, puis drôle, ça devient ensuite lourd. Or, voilà, je crois qu'une fois encore, il l'a fait exprès. Parfois, c'est franchement con. Iln nous tape sur les nerfs avec ses histoires. Alors que j'allais lâcher le livre et l'auteur avec, arrive une seconde époque, celle de ses 16 ans. Ses parents ont divorcé et sa vie est séparée entre ses deux parents. Comme on l'a compris dans ses autres livres, sa relation avec son père sera trouble. Remarié, ce dernier deviendra même père d'un nouveau poupon. Or, le bonheur n'est (toujours) pas au rendez-vous, et ses garçons en subissent les frais. De l'autre côté, il y a la mère, discrète, enfin libre, compréhensive. Et il y a aussi la société norvégienne, les années 80, la musique à fond la caisse, les beuveries pour célébrer la fin des classes. Me voilà rembarqué dans ses histoires...

Au-delà de la Norvège, Knausgaard raconte aussi, et surtout, une génération. En ce sens, il rejoint ceux de la sienne, de génération. J'en suis, et j'avoue comprendre ce que d'aucuns trouveront insipides, inutile ou vide. Or, le succès de Knausgaard, c'est ça: raconter de l'inutile au détail le plus fin. Ça reste d'une vacuité hallucinante et d'un intérêt indéniable. Sacré Knausgaard.

Ceci dit, continuer au pas? Restent deux livres. Je verrai. Comme ce quatrième, je mettrai probablement la main dessus "par hasard", en passant devant le rayon des K d'une librairie. D'ici là, si vous n'avez jamais rien lu de pipeul parce que vous ne vous reconnaissez absolument pas là-dedans, osez lire La mort d'un père, son premier, et vous verrez que vous aussi, vous risquez d'embarquer.

mercredi 5 juin 2019

La griffe du diable, par Lara Dearman, éditions Robert Laffond

Voilà un polar dont la construction est convenue mais le décor, original. Une enquête sur une série de meurtres est menée par un policier en fin de carrière et une journaliste dans la petite communauté des habitants de l'île anglo-normande de Guernesey. Donc, si les protagonistes sont en effet assez convenus, le cadre diffère, et c'est d'autant plus intéressant que l'autrice connaît manifestement très bien le milieu qu'elle décrit.

L'histoire se déroule à notre époque. Les gens sont gentils, se connaissent pas mal tous et les disparités sociales en font un genre de microcosme de toute nation occidentale qu'on puisse imaginer. Comme pour d'autres romans que j'ai lu ces dernières années, les caractéristiques inhérentes aux petites communautés rendent tout plus gros: les perceptions, les fiertés, les relations, les peurs. C'est dans ce contexte qu'évoluent les deux personnages principaux, entrainés dans leur enquête par la mort d'abord anodine d'une jeune femme. Leur enquête les mènera à explorer l'histoire récente de leur coin de Terre, et tout particulièrement celle de l'Occupation, pendant la 2e Guerre mondiale. Les îles anglo-normandes ont en effet été la seule portion de territoire britannique, et cette situation aura une incidence sur le fil des événements. C'esg intéressant et bien amené.

Bon décor, donc, contexte social et historique vraiment intéressant. Côté intrigue, c'est assez classique. Les deux enquêteurs ont chacun leurs démons intérieurs à apprivoiser, et ce sont ces parts d'ombres qui feront d'eux des humains mieux outillés que les autres pour dénouer les fils des intrigues dont ils sont d'abord témoins et dont ils feront partie, au fil de l'histoire.

Le polar est un style d'écriture dont les conventions sont établies, et ces conventions sont ici bien respectées. Je note toutefois, quelques "tics" ou exercices de style un peu inutiles. Comme cette fâcheuse manie. D'écrire. Une phrase complète. En mettant des points partout. C'est un peu comme si on indiquait au lecteur des endroits où faire une pause, un peu comme s'il était le narrateur d'un texte tragique qu'un débit lent rendrait encore plus tragique qu'il ne le faudrait. C'est un peu infantilisant et, encore une fois, assez inutile.

Un bon polar, donc, qui fait découvrir une contrée mal connue. Écrit et traduit honnêtement, sans violence désagréable mais avec une bonne tension qui, à mon sens, trouve son dénouement un peu rapidement à la fin. Mais bon, les amateurs de thrillers sauront me dire si j'ai raison ou tors sur ce point.