jeudi 25 juillet 2019

Nomadland, par Jessica Bruder, éditions Globe

Cet essai traduit de l'anglais raconte le phénomène des gens qui vivent dans des minivans ou des campings cars aux USA. L'autrice est journaliste et elle a mené une vaste enquête sur plus de deux ans en s'immisçant au sein de cette communauté particulière. Bienvenue aux States.

Ce portrait de la société américaine fait sans doute en sorte que les impressions qu'on porte envers elle teintent les impressions qu'on a du livre. L'omniprésente société américaine en fascine encore plusieurs, et si elle ne nous fascine pas, elle nous entoure tellement qu'elle nous incite à l'analyser, à la regarder fréquemment, à lui faire face constamment. Soit on y prend goût, soit on ne s'en rend plus compte, soit on se tanne. Je suis des derniers. Plusieurs excellents produits culturels émergent des USA, mais d'un point de vue humain, je ne vois pas en quoi je devrais plus m'intéresser à eux qu'à tout autre peuple. Ceux-là prennent trop de place à mon goût. D'où ma réaction dubitative face à ce livre, qu'il faut avouer être fort bien fait.

La crise économique de 2008 a frappé fort en ce pays. Elle en a laissé plusieurs presque sur la paille. Plusieurs d'entre eux ont choisi la vie nomade dans une résidence sur quatre roues. Bon. Vous me direz: on n'invente rien, là, Les gitans s'y connaissent depuis des siècles. Et n'y a-t-il pas assez de peuples nomades comme ça pour qu'on s'arrête sur ceux-là pour qui c'est quand même pas si difficile? En effet. J'ai beaucoup pensé à ça en lisant Nomadland. L'autrice explique bien comment la plupart se ramassent là, pourquoi ils font ce choix. Une grande majorité a en haut de 50 ans, voir de 60, et tous vont d'un lieu de travail temporaire à un autre. Le but: se ramasser un petit pécule pour survivre. Parmi les principaux employeurs, il y a les parcs avec terrains de campings et les entrepôts d'Amazon.

Leur vie n'est pas facile, mais c'est pas l'enfer non plus. Solitaires, ils se tiennent, se supportent en se rencontrant parfois dans de grands rassemblements. Pas méchants, volontaires, ceux que l'autrice a côtoyé sont amers, mais résilients, fatigués mais motivés. Leur but: économiser de l'argent et en avoir assez pour vivre.

Il y a dans ces personnages beaucoup de naïveté et énormément de résignation. Leurs boulots sont éreintants et mal payés, ils sont âgés et racontent leurs débrouilles. Ouais, bon. Ces portraits sont corrects. On en pense ce qu'on veut. En se mettant à leur place, l'autrice n'a toutefois pas décidé de tout lâcher pour faire comme eux, non. Elle les décrit, et à travers eux, tout un pan de la mentalité de ce pays, et c'est là où j'ai puisé mon intérêt. Dans quelques rares pages, Bruder s'avance pour parler de l'indécrottable optimiste factice américain qui peut parfois nous taper sur les nerfs. Elle aborde juste un peu, aussi, le fait que la plupart sont blancs et que vivre de cette façon, pour des Afro-Américains est pratiquement impossible tellement ils seraient contrôlés par les autorités. Bref, vous voyez, c'est tout ça, Nomadland. C'est les USA d'aujourd'hui, un portrait original, mais réaliste, pas fascinant mais intéressant. Comme le pays. Je comprends l'intérêt qu'a suscité ce livre aux USA, mais hors ses murs, de mon côté, c'est ça: intéressant, mais pas fascinant.

mercredi 3 juillet 2019

Autour d'elle, par Sophie Bienvenu, éditions Cheval d'août

Si mon premier Sophie Bienvenu m'avait marqué, ce deuxième m'a transformé en admirateur inconditionnel. Y'avait quand même un petit bout qu'un livre ne m'avait pas autant chaviré.

Chacun de la quinzaine de chapîtres est assez court. On commence par un désir d'amour d'un ado presque adulte, puis un autre personnage prend la parole avec une autre histoire complètement différente, et ça va ainsi pour le reste du livre, avec autant de narrateurs différents qu'il y a de chapîtres. Si les histoires diffèrent, tous ont pourtant un lien commun: Florence. Certains ne l'ont que vue passer, d'autres partagent avec elle un lien de sang. Et si les histoires de chacun n'ont souvent rien d'extraordinaires, la façon unique de les raconter toutes est absolument hallucinante. C'est là où je deviens accro de Sophie Bienvenu.

Sensible et vraie sont les deux mots qui me viennent pour décrire son écriture. Rare sont les auteurs qui savent transmettre leur amour des gens de la sorte. J'aurais pu parler de "connaissance des gens", mais j'ai plutôt perçu un amour du monde, de personnages individuels qui peuplent la vie de la ville et du pays où vit Sophie Bienvenu. Ses personnages vivent des amours, des amitiés, des déceptions, des remises en questions, et au centre de ce cercle de personnage, il y a la fameuse Florence qui vit tout ça en même temps. Ouf!

Ce livre est peuplé de personnages qu'on voudrait prendre dans nos bras. Même si on n'a jamais vécu les épisodes racontés par chacun, on les comprend. Le lien qu'on développe avec eux, même si leur passage respectif est souvent furtif, est fort, aussi fort, dirais-je que le talent de cette autrice pour décrire précisément des sentiments, des impressions.

Fan de belles histoires, je ne me laisse pas attendrir si facilement, mais lorsque ça arrive aussi fort qu'avec Autour d'elle, je ne peux qu'avoir envie de le partager. J'ai lu ce livre en prenant de courtes pauses après chaque chapitre. C'était pourquoi, donc? Méditer? Goûter? Reprendre mon souffle? Je ne me rappelle plus mais... ah oui, ultime détail supplémentaire: y'a une trame sonore du livre à la fin.

Voilà vraiment un bouquin parfait pour moi. Et pour vous aussi, j'en suis certain. Coup de coeur assuré.