dimanche 24 avril 2011

Caïn, par Jose Saramago, Éditions Seuil


Adam et Êve revus par Saramago: déjà, pour qui a déjà lu quelques pages de cet auteur portugais, ça promet. Parce que de son vivant, Saramago n'a jamais penché du bord des grandes institutions. La pseudo-démocratie, le capitalisme idiot, les incongruités de la religion chrétienne, tout y a passé. Dans ce dernier ouvrage, Saramago règle ses comptes avec la religion. Si on a essayer de le bourrer de son vivant, insulté, il répond par encore pire. C'est tiré par les cheveux, c'est plus ironique que tout ce qu'on puisse imaginer, et c'est bon.

Caïn, le fils d'Adam et Êve, a fait la gaffe de tuer son frère Abel. Ne vous en faites pas, la scène dure deux lignes. Paf!, c'est fait. Sauf que voilà, dieu, grand rancunier devant l'Éternel, si l'on peut le dire ainsi, a tôt fait de marquer Caïn et de le punir à l'errance. Quoi? L'errance? Eh oui, la non-sédentarité, le non-bungalow, le non-immobilisme, bref, le non-conformisme. Ce Caïn voyagera non seulement de par le vaste monde, mais aussi dans le temps. Ainsi rencontrera-t-il d'autres personnages bibliques comme lui: Abraham en train d'immoler son fils, Noé en train de se monter un bateau, Job en pleine crise économique, les partouzeurs de Sodôme et Gomorhe, etc. etc. Partout, l'anti-conformiste Caïn, défiant dieu et ses représentants de toutes les façons, constatera les sinistres desseins de l'humanité, condamnée d'adorer un dieu qui, au bout du compte, n'en a rien à foutre de son peuple avec qui il se distrait en lui inculquant des notions guerrières. Maintenant, faut-il avoir lu la Bible pour apprécier Caïn? Je ne saurais dire. Personnellement, je n'ai pas lu la Bible, mais par un intérêt pour les histoires sordides et incroyables, je connaissais les personnages cités. Qui plus est, je connaissais aussi l'esprit caustique de Saramago. Aussi bien avouer que pour un tel livre, il faut peut-être partir d'un peu plus loin pour apprécier. Vous dire franchement, je n'aurais trop su qu'en penser si jamais je n'avais lu Saramago ni connu les personnages de l'Ancien Testament. Ceci, dit, tout ça mis ensemble, avec l'esprit d'un auteur aussi tordu que brillant, sa verve, son style unique, acoquinés à une histoire toute aussi tordue et dont on connaît les conséquences pour qui les a prises au pied de la lettre, ça crée de fortes scènes et s'il y a beaucoup à réfléchir, il y a tout autant à rigoler.

José Saramago est un écrivain immense. J'ai n'ai pas lu la moitié de son oeuvre et le place quand même parmi mes meilleurs. L'aveuglement est une de ses oeuvres qui, pour ma part, restera inclassable en même temps qu'inatteignable. Je vous la propose vivement et si vous avez aimé, si vous vous êtes retrouvés dans le style particulier de Saramago, offrez-vous les autres, dont La lucidité, puis Caïn. Vous verrez que seul cet auteur brillant pouvait choisir l'histoire du début de toutes choses pour marquer sa propre fin à lui. Pour l'intelligence et la pertinence.

Ah, et bon, qu'on me permette certains rites... Fier de l'habitude que j'ai prise de présenter les auteurs avec une photo, qu'on me permette ici un respect post mortem en éludant la photo de l'écrivain récemment décédé.

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