samedi 9 avril 2011

Des éclairs, par Jean Echenoz, Éditions de Minuit


Echenoz.

Bon ok, je dois l'avouer: je suis biaisé. Depuis mon premier Échenoz jusqu'à Des éclairs, j'ai cessé de le lire. Maintenant, je l'écoute. Pas que mon édition soit sonore, non. C'est juste que cet auteur, maintenant, me parle. Je m'assois, je saisis le livre, et Echenoz se met à raconter. Il décrit, il parle. Dans Des éclairs, il va même jusqu'à parler à son personnage. Et quel personnage!

Après Ravel et Zatopek, Echenoz fait l'honneur à Nikolas Tesla de s'intéresser à lui. Inventeur puissant, image parfaite du savant fou, Tesla a tout de l'univers des livres de Jean Echenoz. En fait, avec ces trois courtes histoires, on retrouve trois portraits de personnages au-dessus de la mêlée. De talents innés, ces trois-là sont tellement pris par ce qu'ils sont qu'ils en sont prisonniers, voir victimes. Des fous admirables qu'on plaint de ce qu'ils n'ont pas conscience du reste du monde. Que ce soit en musique avec Ravel, en sport avec Zatopek ou en sciences avec Tesla, à chaque fois Echenoz nous emmène au plus profond de passions que d'aucuns désigneraient par le "karma". Plus naturel que ça...

Grégor (le nom donné au personnage de Tesla par Echenoz) est brillant. En fait, l'homme est si intelligent qu'il en a l'air dingue. Naïf, le monde, qu'il croyait refaire, le détruira. Il finira petitement, comme Ravel et Zatopek avant lui. Si ces histoires suivent toutes la même courbe, elles n'en demeurent pas moins incroyables. Issus de milieux quelconques, chacun a atteint une gloire que seuls quelques humaines ont pu expérimenter de leur vivant, pour terminer leur vie de façon misérable ou retranchée, voir cachée. Dans Des éclairs, on comprendra le génie de Gregor/Tesla jusqu'à s'en éprendre, le plaindre, s'en exaspérer, et finalement le pleurer un peu.

Jean Echenoz, ce fameux conteur, figure parmi les rares qui puissent se permettre de raconter en plaçant un "je" propre au narrateur. Rares aussi sont les paroles aussi claires, la langue aussi parlée, pas dans le sens du commun, mais dans celui de l'adresse. Raconter, chez Echenoz, est un échange. Il vous donne son histoire, vous tape sur l'épaule à l'occasion, vous ajoute des "non, mais l'auriez-vous cru?", tape du pied, soupire bruyamment. Et il rit avec vous. Une expérience, vous avez dit?

Heureux qui, dans quelques années, découvrira Jean Echenoz en se procurant ce qui sera sans doute un coffret regroupant Ravel, Courir et Des éclairs et les lira de bout en bout. Ce sera, à coup sur, quelques jours inoubliables.

Vivement les histoires d'Echenoz et ses jolis tordus. N'importe quand!

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