dimanche 3 avril 2011

London Orbital, par Iain Sinclair, Penguin Editions


Absence un peu plus longue pour me permettre un voyage à Londres. Si le corps n'y était pas, la pensée, elle y a vécu pleinement. Dans les presque 600 pages de London Orbital, sorti en 2003, Sinclair fait un tour de Londres... en suivant son boulevard périphérique, l'autoroute M25. Or, à Londres, le périphérique est beaucoup plus excentré que celui de Paris. Les 102 miles de route à 8 voies traversent banlieues, forêts, aéroports, golfs et j'en passe.

L'expérience de Sinclair est d'autant plus intéressante qu'il fait le chemin à pied. Ça se passe en 1999. Il part du Millenium Dome, édifice et symbole honni, pour remonter sur la M25 et la suivre en sens anti-horaire. Il espace ses marches de quelques semaines et à chaque fois, il s'adjoint la compagnie d'amis artistes ou journalistes tout aussi férus de leur ville que lui. Photos et images filmées sont accumulées par les comparses, en plus de forces commentaires. Ici, Sinclair racontera une histoire sur un personnage actuel ou passé du lieu. Là, il racontera ses enquêtes sur un propriétaire foncier. Ailleurs, il vous décrira sa traversée d'un immense centre d'achat, etc. etc. Tout y passe: références historiques, anecdotes, et surtout, impressions. Traverser une ville en faisant le tour de sa lointaine banlieue: quelle meilleure façon de découvrir sa vraie nature, ses travers, ses faces cachées. Autour de la ville, on compte quantité d'hôpitaux psychiatriques, de sites d'enfouissements travestis en développements domiciliaires, d'anciens sites industriels reconvertis en espaces voués à la culture. C'est pleinement beau et horriblement laid. En fait, c'est la description même de notre temps. Un tel livre constitue l'exemple même de ce que tout politicien, lobbyiste ou riche investisseur pourvoyeur de parti politique abhorre. Un tel livre vaut tous les articles, tous les discours criés dans le désert de n'importe quel paysage médiatique national. C'est, à mon sens, l'expression même de la subversion.


La meilleure façon de dénoncer, à l'évidence, n'est pas d'interpréter mais bien de décrire. C'est ce que Sinclair fait sans aucun tabou, tout à fait naturellement et d'une manière toute britannique, avec humour, ironie, beaucoup de sarcasmes et de diplomatie.

C'est une photo d'une autoroute la nuit vue dans un magazine d'information qui a attiré mon attention sur cet ouvrage. je l'ai parcouru en utilisant Google Maps pour marcher moi-même sur les boulevards et sentiers décrits. Vivement la technologie au service de la littérature! Cet heureux hasard qui m'a permis non seulement la découverte de quelque chose de très stimulant, mais aussi de m'offrir une petite pause de littérature romanesque. Maintenant, j'y replonge aussi heureusement que je rendrais visite à un vieil ami que je n'aurais pas vu depuis longtemps.

Incontournable pour les amoureux de Londres, fortement recommandable pour les amoureux du milieu urbain, London Orbital aura été une vraie découverte, un genre de grande poussée dans le dos pour quantité de mes convictions. Comme quoi y'a pas que les nouveautés de l'année qui méritent le détour. Je devrais faire ça plus souvent.

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