mardi 29 avril 2025

Poudre à danser, par Stéphane Lafleur, éditions L'Oie de Cravan

J'ai voulu le lire parce que j'aime les surdoués, comme une Anaïs Barbeau-Lavalette (réalisatrice et autrice) ou un Marc Séguin (peinte, réalisateur et auteur). Pour Stéphane Lafleur, ce sont des films, un groupe de musique dont je suis un fan fini, et maintenant, un auteur et (on le savait), un poète. J'ai donc eu envie de vivre l'univers d'Avec pas d'casque sur papier. C'était ça, oui, mais peut-être pas autant que je l'aurais cru.

C'est certain que les attentes sont hautes lorsqu'un parolier publie des textes. On s'attend à ressentir le même vibrato en lisant ses mots qu'en écoutant ses chansons. Et pourtant, Poudre à danser (j'aime trop ce titre) ne contient pas des paroles de chansons, mais de simples strophes tirées de son univers, de sa tête, bref, on reconnait Stéphane Lafleur.

C'est parfois piquant et le plus souvent tendre. Une majorité de ces textes sont écrit au "tu". Alors on les imagine sortis de la vie quotidienne, et on se les approprie facilement. Agréables à lire, les poèmes de Lafleur font sourire ou touchent, mais chaque fois, mon dieu que c'est court. Chaque poème est hyper court, 7 ou 8 lignes max, parfois seulement trois, et certaines lignes ne contiennent parfois pas plus de 2 ou 3 mots.

Au final, le petit lecteur de poésie que je suis dû transformer la Poudre à danser en Boîte à bonbons, en les prenant un à la fois et en faisant durer chacun le plus longtemps possible. Puisqu'ils étaient si courts, on aurait dit que les textes ne me donnaient pas assez de temps pour les apprécier. Mes émotions de lecteur étaient là, mais à fleur de peau, en superficie, bref, pas profondément.

Stéphane Lafleur m'a donc fait travailler, je ne m'y attendais pas. Ça n'empêche pas que je l'ai quand même reconnu à travers ses mots, et je confirme que j'aime toujours son univers, sa tête, bref, oui, j'ai reconnu Stéphane Lafleur. Donc, malgré les petites frustrations ici et là, oui, j'ai aimé sa Poudre à danser.

dimanche 20 avril 2025

Sirop de poteau, par Francis Ouellette, VLB éditeur

C'est un type d'écriture spectaculaire qui raconte un milieu populaire, sans subtilité et avec une belle poésie facilement abordable. J'ai ri de grand coeur et j'ai refermé le livre les yeux dans l'eau. Avec de petites ellipses philosophiques dans lesquelles j'ai aimé me perdre par moments, Sirop de poteau a confirmé la place de Francis Ouellette parmi mes nouveaux auteurs préférés.

Dans ce deuxième livre, l'auteur raconte un personnage important de son premier. Il le met ici au centre de son histoire, en faisant graviter autour de lui le petit monde de son quartier montréalais de Centre-Sud. Encore une fois, c'est réussi. Le style est le même que dans Mélasse de fantaisie, la vie y est dure et toutes les émotions sont à fleur de peau. Dépaysement assuré.

Ouellette a un talent indéniable pour écrire la langue parlée. C'est fait avec justesse, sans la condescendance que d'autres peuvent avoir en marquant certaines expressions par de trop gros traits. Ici, les dialogues prennent une tournure imagée lorsqu'il le faut, même dans les mots du narrateur, qu'on associe rapidement à l'auteur lui-même.

Il va sans dire que le succès de Francis OUellette réside aussi dans une nostalgie bien assumée. Pas que la condition difficile des gens décrits est à envier, pas du tout. On pense plutôt à certains lieux mytiques du Montréal des années 60, 70 et 80, comme le Cabaret du Lion d'Or et le fameux Vieux-Munich. Les descriptions de ce dernier lieu valent le livre à elles seules. Je lisais ça dans le bus et les gens me regardaient rire avec des airs intrigués, c'est tout vous dire.

Mais tous n'aimeront pas ce Sirop de poteau, principalement parce que l'auteur ne censure ni ses personnages si l'époque dans laquelle ils évoluent. Ça résulte en de nombreuses situations où les différences entre les sexes créent de l'injustice et de la violence, et où des propos vulgaires font partie du quotidien. Âmes sensibles, s'abstenir. Reste que cette histoire vous raconte le Montréal le plus montréalo-montréalais qui soit. Vous verrez apparaître des personnages malheureusement obscurcis par le temps comme Denis Vanier et surtout, la sublime Josée Yvon et son aura, que Ouellette reconstitue avec brio.

Un Sirop de poteau de grand crû!

jeudi 3 avril 2025

Un avenir radieux, par Pierre Lemaitre, éditions Calmann Levy

Entre un début étonnant d'une violence qui laisse dubitatif et une fin en feux d'artifice qui nous met sur le bout de notre siège, Pierre Lemaitre déploie sa galerie de personnages aussi ahurissants les uns que les autres dans une histoire de famille de fous et une autre d'espionnage en parralèle. Franchement, depuis Aurevoir là-haut, c'est un de ses meilleurs.

Ce gars-là écrit du cinéma. Des scènes d'actions succèdent à d'autres où on est tout retourné parce que touché. Ses décors sont diverssifiés. Ici, on est en 1959, entre les Paris et Prague d'alors, et ses personnages sont incroyables. Les trois enfants de la famille Pelletier tournent autour de leurs parents, leurs conjoint(e)s ajoutent leurs couleurs, et les petits enfants prennent leur place. Tous sont les victimes d'un autre, leurs immenses faiblesses et leurs forces insoupçonnées les rendent tous divertissants, sans exeption. Mention spéciale pour un couple, celui de l'ainé, Jean, et sa femme Geneviève, un personnage qui fera l'histoire de la littérature tant on aime trop la détester, et quant à ses enfants... ouf! Mention spéciale aux personnages féminins qui, à mon sens, sont les plus porteurs. Quel brio de l'auteur d'avoir inventé ces gens-là.

Il est certain que Lemaitre traine ses personnages, ou à tout le moins certains d'entre eux, depuis maintenant 6 livres. Y'a quelque chose de Balzac, c'est bien certain, mais pas que. Ceci dit, comme pour Balzac, c'est facile de se plonger dans son oeuvre à partir de n'importe quel livre de cette rocambolesque saga à travers le 20e siècle. Avec Un avenir radieux, les amateurs d'enquête seront ravis. Pour ma part, cette portion du livre n'a pas été ma préférée... jusqu'à ce que vienne les dénouements de la fin. Je lève mon chapeau à l'auteur de polars qu'est aussi Lemaitre. J'ai adhéré, j'ai ri, et jai été ému aux larmes.

À la fin du livre, l'auteur cite ses sources et ses inspirations, parmi lesquelles figure John Le Carré. C'est tout dire.

Bref, Un avenir radieux est tout un divertissement. Vous me voyez ravi, et je vous le recommande fortement.