mardi 15 décembre 2015

Numéro zéro, par Umberto Eco, éditions Grasset

À Milan en 1992, un homme fonde un journal. Financé par un éditeur obscur mais haut placé, l'homme embauche six journalistes dont la carrière vivote. C'est l'un d'eux qui raconte l'histoire. Le journal s'appellera "Demain". Le but de son directeur: raconter ce qui se passera demain. Devant le scepticisme de ses engagés, il expliquera que ce que le lecteur veut, ce sont des fait présumés. Au diable les faits avérés. Mais avant de sortir une édition officielle, l'homme propose un "Numéro Zéro", un peu comme un essai. S'ensuivent des propositions de contenus que les journalistes prennent de leurs passés caverneux: ici des chroniques "pipeul", là des filatures inventées de personnages connus, et là encore des opinions présumées sur d'autres.

On assiste ni plus ni moins à un procès tordu du journalisme, de ses relations avec les pouvoirs, le marketing et parfois, la vérité. Tout ça enrobé de la culture et de la verve d'un Umberto Eco: c'est tout simplement succulent.

Sauf que...

Un des six journalistes engagés s'avère être un genre de parano à la puissance dix qui voit des théories du complot partout. Là encore, c'est intéressant. On se demande ce qu'Eco fera d'un tel personnage.
Bien sur, le mec s'avèrera particulièrement tordu lui aussi, surtout dans ses histoires qui, au début, semblent fascinantes. En effet, celui-là suggérera des scoops reliés à la présumée fausse mort de... Mussolini. Avec ce récit, commence un segment du livre où Eco racontera à sa façon une bonne partie de l'histoire politique de l'Italie de 1945 à environ 1990. Or je sais pas si vous savez, mais en Italie, il en est passé et il en passe encore du monde au pouvoir. Et si on y ajoute les groupes terroristes des années 70, le Vatican et un peu de CIA, on obtient une liste de noms de personnages connus des Italiens seulement (en tout cas j'espère qu'au moins les Italiens les connaissent), et on en vient à se perdre un peu, voir beaucoup. Ça sent le règlement de compte avec une certaine frange de la société publique nationale, mais on ne comprend pas tout.

Vu de l'extérieur, c'est à dire, n'étant pas Italien, j'ai d'abord vu une critique des relations presse/pouvoir, un genre de satyre d'un milieu lui même à la limite du satyrique. Mais voilà qu'au-delà de tout ça, j'ai eu l'impression d'écouter une conversation où on parlait de situations truculentes vécues par des personnages décrits avec des adjectifs que je ne comprenait pas parce que je ne les connaissais pas, d'où une certaine frustration.

On a parfois l'impression que des auteurs connus sont traduits... parce qu'ils sont connus. En voilà un bon exemple. Je crois qu'il s'agit là d'un excellent livre, mais surtout pour un Italien. Pour qui connaît moins les moeurs politiques du pays, Numéro Zéro est moins engageant, un peu frustrant, mais pas choquant pour autant. Juste un brin décevant.

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