lundi 12 janvier 2015

Truculence, par François Racine, éditions Québec-Amérique

Ah, écrire en langue parlée. Est-ce que des locuteurs d'une autre langue que la nôtre débattent autant que nous, francophones, la-dessus? Du côté Québécois, ça passe de mieux en mieux. Mais les résultats ne sont pas toujours heureux. Cet exemple-ci en est un excellent puisque la "transposition", si on peut dire, est très réussie. Les dialogues sont nombreux et pertinents. Mais une question se pose: si la forme est aussi bien réussie, en est-il de même du fond?

Quatre amis, dont trois profs de français au collège (c'est digne de mention) quittent Montréal pour la Gaspésie pour aller y chercher un autre ami en crise. Le but: l'aider. Tout ça se passe à l'été 2012. Bon. Été 2012 et profs de cégep laissent présager une toile de fond à caractère social incontournable. Tel n'est toutefois pas le cas. Si on y va parfois de quelques éditoriaux sur la question, Truculence tourne plutôt autour de la présence de quatre urbains (hyper-urbains?) en région, et aussi de l'amitié qu'ils se portent.

Ceci dit, oui, c'est écrit en langage parlé, tellement que pour certaines expressions, le plus québécois des Québécois devra s'y reprendre à deux fois pour bien comprendre l'agglomérat d'apostrophes qui constituent un mot jamais vu. Or, au fil des pages, ça coule de source. Cette transposition du langage écrit, pour la narration, au langage parlé, pour les dialogues, est fort bien faite. Tellement qu'on croirait presqu'à du théâtre ou à un scénario de film. Si tel était le cas, je crois que le scénario serait toutefois un peu court. Non, Truculence n'est pas ennuyant, loin de là, mais il ne s'agit pas non plus d'une histoire qui vous bouleversera. Avec ses personnages quasi caricaturaux (profs rebelle, comédienne angoissée, régionaux naïfs, on frôle parfois le cliché. Certaines scènes de bar, par exemple, rappellent inévitablement des scènes du genre vues dans des films ou des séries télé. Disons que c'est sans finesse. en ce sens, j'irais jusqu'à dire que c'est très américain comme scénario. Mais encore, je reviens sur la justesse de l'écriture.

À un certain moment, un des personnages cite "La canicule des pauvres" de Jean-Simon Gagné. Ce n'est sans doute pas un hasard. Il y a un potentiel de ça dans l'écriture de François Racine. Certains passages comportent de belles images, il y a là aussi, comme chez Gagné, quelque chose d'un mineur adroit qui sait aller chercher les pensées profondes d'un personnage pour les remonter en surface. Ce n'est pas donné à tout le monde. Racine le fait bien.

Bref, je lirai bien volontiers un autre livre de ce Racine québécois. D'ici là, si vous voulez mettre la main sur celui-ci, attendez-vous à une langue différente de pas mal tout ce que vous avez lu. Facile à lire pour qui connaît les particularités de la langue en question, un tel livre peut toutefois devenir une vraie plaie pour qui préfère le respect intégral de l'orthographe des mots.

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