Un couple américain des années 60. Il a fait la 2e Grande guerre et travaille maintenant pour l'armée. Elle est fille d'immigrants juifs. Ils se rencontrent, baisent, elle devient enceinte et accouche de jumeaux. Une famille est née.
L'armée les fera déménager souvent à travers les US. Jamais ils ne s'installeront vraiment à quelque part. Elle s'en fout. Enseignante, elle n'est pas sociable et ne se mêle pas aux autres. Lui est affable, débonnaire et est bien partout. Ils sont aussi opposés que l'est et l'ouest. Ça paraîtra. Avec le temps, ils s'endureront de plus en plus difficilement. On les retrouve dans une ville du Montana. Les enfants ont 15 ans, un garçon et une fille. C'est le garçon qui raconte l'histoire, et celle-ci se passe en deux temps.
D'abord, une situation foireuse entraine les parents, des personnes on ne peut plus normales, sans histoire, banals, à braquer une banque. La situation qui les y mène, l'histoire même de l'événement et sa fin pathétique sont carrément hypnotiques. Vu d'un garçon de 15 ans, tout est pragmatique, rien ne se discute, tout ce qui est se doit d'être. Aussi est-ce sous cet angle qu'on voit se préparer quelque chose d'improbable. Sous le regard sans filtre du narrateur, on voit cette famille foncer droit sur un mur, et c'est fascinant.
Ensuite, la suite des événements fait que les quatre membres de la famille sont séparés. Si on peut facilement imaginer ce qui arrivera aux parents, on ne voit pas trop ce qui arrivera aux enfants. Alors Richard Ford porte notre attention sur un seul, le petit garçon, qu'on fera traverser la frontière et qu'on installera dans une petite bourgade de Saskatchewan. Si le décor est terne, les personnages qui l'entoureront ne le seront pas. Du long fleuve tranquille qu'était son enfance, après la brusque chute, survient un monde tout droit sorti d'un film de David Lynch. Et comme le Prairies, la vie se passera platement. Le petit bonhomme découvrira un monde qu'il n'avait pas envisager fréquenter, jusqu'à un aboutissement surprenant.
La traduction de Josée Kamoun est excellente, rare, même. Vrai qu'il y avait longtemps que je n'avais pas lu un roman américain dans sa version traduite, mais bon... On en a vu de mauvaises traductions... Les mots utilisés par Ford sont simples, sans fioritures, voir même assez secs. Il n'y a rien là de superflu, d'où le côté hypnotique qui m'a d'abord charmé pour la première partie du livre. Ensuite, une fois rendu au fameux Canada, je me suis perdu un peu. Peut-être est-ce l'immensité du territoire, la linéarité du récit, je ne sais pas. Reste que la fin est réussie. Ford ferme cette histoire de possibles, de déceptions et d'apprentissage dans le décor du Détroit de 2012. S'il est vraiment choisi, si c'est vraiment ce que je pense, on a là un grand livre qui suscite la réflexion. Je serais tenté de remplacer la famille dont il est ici question par toute une civilisation. C'est le genre de métaphore qui me plairait.
Canada est un livre qui demande votre attention. Pas facile, pas difficile, fascinant et glissant, c'est une expérience de lecture pas banale pour qui aime l'action lente, mais précise.
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire