L'homme a écrit un premier livre, un recueil de nouvelles en l'occurrence. Arvida était excellent, nouveau, frais. Il a pour ma part, réanimé mon goût pour ce genre de courtes histoires. On a salué la qualité du livre qui s'est mérité des prix, à juste titre.
L'homme est prof d'université. Dès ses premières entrevues, on lui a reconnu un certain bagout. De tribunes médiatiques se sont alors ouvertes à lui. On l'a invité à donner son avis, à intervenir sur différents sujets. Bien.
Tous talents littéraires et talents polémiques confirmés, l'auteur revient avec un essai. À moins qu'il ne s'agisse d'un pamphlet... Je laisse ce débat aux puristes. Donc, Samuel Archibald, cette fois-ci, écrit en donnant son avis. En sous titre du Sel de la terre, on peut lire: Confessions d'un enfant de la classe moyenne. Pour ma part, c'était bien mal parti. Ce contexte ci-haut décrit me décevait. Que l'auteur d'un premier livre s'adonne déjà aux commentaires, bon, d'accord, mais sur un sujet aussi commun?
Oui, justement le sujet est commun, et c'est bien là ce que déplore l'auteur en 86 pages. Cette classe moyenne et tous ses dénominateurs communs est sollicitée de part et d'autre. On se l'arrache à grands coups de pub et de promesses électorales. Pourtant, aussi moyenne qu'elle puisse l'être, elle est principale en tout, monolithique, commune, bref, c'est un peu n'importe quoi... et c'est un peu-beaucoup vous et moi. En récupérant une expression "à la monde" dans l'actuel scission gauche-droite, Archibald dresse un portrait de la société québécoise actuelle qui a un effet miroir indéniable. Et le miroir est grossissant. En effet, cet ouvrage est québéco-québécois mais pourtant, membres de la classe moyenne de tous pays, il est fort possible que vous vous y retrouviez. Quoi que...
On reconnait la force des mots de cet auteur. Sa façon anecdotique de décrire des situations laisse deviner le chroniqueur, le fin observateur de société. Il fait bon se faire parler de soi par son grand chum. C'est un peu ce que "Le sel..." nos donne comme impression finale, bien que l'opinion du grand chum en question ne soit pas nécessairement des plus roses. Vers où allons-nous? Bougeons-nous seulement? En fait, qu'est-ce qui nous fait bouger, justement?
À un certain moment, Archibald y va d'une lettre d'humeur adressée à un animateur anonyme de "radio-poubelle" québécois. On sent là l'exaspération, voir le règlement de compte. Bien tournée, cette section n'est pas la meilleure. Bien sur, ces chroniqueurs semeurs de pessimisme et de défaitisme ne cherchent qu'à provoquer, et pour rien. Mais à quoi bon en ajouter? N'y a-t-il rien de pire que l'indifférence? J'ai préféré le regard nouveau qu'Archibald porte sur lui, ses proches, et par le fait même, le monde qui l'entoure. Ses références à des personnages ou des situations de l'enfance et de l'imaginaire québécois touchent en plein coeur. Vraiment pas ennuyant.
"Le sel de la terre", vous vous en douterez, c'est cette classe de gens dits "moyens" sur qui repose non seulement l'avenir, mais aussi, et surtout, le présent. Et si c'est si lourd, comment alléger tout ça?
Belle initiative que celle de la revue Nouveau projet de donner la parole et de susciter la réflexion par un moyen aussi ludique que l'essai "abordable". Cette série de courts essais est prometteuse. Il fait bon de se poser des questions et de constater des faits en souriant, voir en riant très fort, en même temps que de se faire brasser. Gentille claque, que ce Sel de la Terre. Maintenant, on veut un nouveau livre de Samuel Archibald. Fallait pas nous titiller comme ça sans soulever d'attentes...
Faites comme moi. Fuyez vos appréhensions pour le genre. Ça en vaut la peine.
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