samedi 12 février 2011

Rosa Candida, par Audur Ava Olafsdottir, éditions Zulma


Je sais pas pour vous, mais j'ai, avec les livres, le même type de rapport qu'avec les gens. Par exemple, on peut passer plusieurs heures, voir plusieurs jours avec quelqu'un avant qu'il ne s'efface et que rien ne reste de lui ou d'elle. Oublié. Parfois on le recroise ou on en entend parler et on se dit "Ah oui, je l'ai déjà croisé", sans plus.

Pour d'autres, une rencontre au hasard ou le plus souvent par personne interposée vous fait réaliser après ne serait-ce que deux minutes passées avec cette personne qu'elle vous suivra toujours, que vous ne la perdrez pas. Sans savoir pourquoi, cette personne s'imprime quelque part en vous et fait dès lors partie de ce que vous êtes, peu importe la durée du temps que vous aurez passé avec elle. Ainsi en est-il de Rosa Candida.

Présentée par mon libraire (encore un fois), cette deuxième incartade dans le monde de la littérature islandaise avait tout pour me rappeler Entre ciel et terre de Jon Kalman Stefasson. Pas besoin de dire combien mes attentes étaient élevées. Ce dernier titre m'habite encore très puissamment.

Or voilà, autant le livre de Stefasson tournait autour de la mort, autant ce dernier, de Olafsdottir, éclate de vie. Aussi, j'ai reçu le premier tiers du livre un peu comme un coup de mauvais magazine qu'on aura roulé pour vous donner une claque derrière la tête. Pas que ça fait mal, mais ce n'est pas nécessairement agréable, d'autant plus que le magazine en question semble un peu niais. Au fil des pages, ce que j'ai d'abord pris pour ma transformation en midinette s'est métamorphosé en un grand sourire: je m'étais fait avoir. Un livre, causant de fleurs, d'amours de jeune adulte et d'émancipation des parents, bref, de tout ce qui d'ordinaire me taperait sur les nerfs, était en train de m'émouvoir, oui oui, le mot est dit, "émouvoir" à presque chaque page.

Un mec de 22 ans quitte son Islande natale. À cette âge-là, on n'a jamais une très haute opinion de son pays ni de sa famille. Sans les détester, ils nous tapent. Tel est le cas de son père, déjà vieux et un peu ringard. Sa mère est décédée accidentellement et son frère souffre de maladie mentale. Pas jojo, d'autant plus que le mec en question se retrouve père après avoir passé, comme il le dira souvent, une demi-nuit avec une fille. L'enfant naîtra, la fille l'élèvera tout seul, le garçon connaîtra sa fille puis, il partira pour travailler comme horticulteur dans un jardin autrefois réputé pour ses roses. En passant, jamais le pays visité ne sera nommé. On le devinera et l'interprétera comme on le veut: quelle élégance de l'auteure!

Or voilà, la mère de l'enfant lui demande de garder la petite l'espace d'un mois. Il accepte, et elle débarquera dans la nouvelle vie qu'il essayait de se construire. Je ne vous dit pas la suite, mais laissez-moi vous en énumérer quelques qualités: lumière, naïveté, sagesse, et lumière encore. Sans doute inspiré par des heures et des heures de soleil nordique, Rosa Candida saura ravir les plus grognons. La traduction est impec parce que limpide. On ne bute sur rien et sa lecture coule de source. J'irais jusqu'à le recommander à qui file un mauvais coton, histoire de lire quelque chose de beau, simple et franchement, oui, lumineux. Une belle histoire sur la vie, sur la découverte de ce que l'on est, intrinsèquement, lorsqu'on arrête de tout se cacher soi-même.

Vivement l'Islande, vivement Audur Ava Olfasdottir, et dites, ces auteurs islandais, traduit-on toutes leurs oeuvres ou seulement leurs meilleures? C'est à se demander. Jusqu'ici, je constate qu'il y aurait de la place à en avoir beaucoup plus. Traducteurs de l'islandais au français, vous faites là un beau métier. Continuez!

1 commentaire:

MVCoach a dit…

Vraiment magnifique. Merci pour cette recommandation. Je note aussi Matin et soir ... pour la suite de la beauté.