dimanche 31 janvier 2010

La canicule des pauvres, par Jean-Simon Desrochers, Éditions Herbes rouges


Je ne suis certainement pas le premier à parler de la Canicule des pauvres au Québec. Phénomène médiatique depuis sa sortie, le premier roman de Jean-Simon Desrochers a de quoi faire parler de lui.

Certaines oeuvres viennent ponctuer le temps dans la vie d’un peuple. Au Québec, celle de Michel Tremblay a marqué les années 70 avec les Chroniques du Plateau Mont-Royal. On y parlait de la vie de gens qu’on préférait savoir enfouis dans le grenier de nos pensées, de choses qu’on sait qu’elles existent mais qu’on ne peut pas voir. Christian Mistral en a bousculé plusieurs ensuite dans les années 80 avec sa faune d’irrécupérables.

Depuis environ 15 ans, on découvre plusieurs auteurs d’ailleurs venus s’installer ici. Ces nouvelles voix nous ont parlé d’où ils viennent, et comment ils sont arrivés. L’exotisme de leurs histoires nous a touché, leur vulnérabilité, puis leur réussite acquise à force de batailles. Même chose avec les misères des riches et autres aventures à questionnement générationnel. On dirait que c’est la norme.Or, avec le temps, ces histoires deviennent courantes. Pas inintéressantes pour autant, elle font peu à peu oublier un autre présent, celui effacé de gens qui nous entourent, qui ont toujours fait d’une ville une ville, ceux qui étaient là avant et y sont encore, la base, quoi. Or un sous-sol, c’est pas joli. Si on enlève le maison et qu’il ne reste que la cave, ce qu’on voit est ordinaire, fatigué, voué à l’abandon, mais fort. Cette cave enfouie a quand même portée une jolie maison. On lui a marché dessus, la maison est partie mais la cave, elle, est toujours là. Voilà, à mon sens, l’essentiel des personnages de la Canicule des pauvres. Race: pas important. Sexe: pas important. Statut social: pas important. Ne compte que l’oubli, pas celui qu’on s’est donné, mais celui qu’on doit supporter.

Jean-Simon Desrochers n’écrit pas nécessairement finement, mais avec beaucoup de sensibilité et énormément de justesse. Si certains personnages nous semblent un peu clichés à première vue, on comprendra leur nécessité au fil de leur histoire. Ce gars-là est un chroniqueur, un observateur aguerri.

Des scènes à la fin de ce livre sont belles à couper le souffle. La dernière note de ce roman symphonique se termine en point d’orgue, une suggestion de renouveau. Et pourtant la mort y est omniprésente, mais rarement un livre ne m’aura paru plus vivant que la Canicule des pauvres.

Les critiques auront beaucoup parlé de scènes pornographiques et même assez gores. Normal. Si ces critiques sont conquis, c’est qu’ils décrivent là un univers qu’ils ne connaissent pas, incluant les scènes ci-haut décrites, mais pourtant réelles, crues mais pas choquantes pour autant. Ces univers existent, mesdames et messieurs. La seule chose, c’est que “ces gens-là” ne vivent pas les mêmes frustrations que les beaux quartiers, voilà tout. Lorsqu’on n’a rien, le cul, on n’hésite pas à s’en servir puisque c’est tout ce qu’on a.

Notons aussi les “autres” personnages, à commencer par cette canicule, mais aussi l’édifice où vit cette faune et cette flore humaine. L’auteur remarquera justement que ces édifices à logements quelconques, souvent parmi les moins âgés de la ville, sont souvent ceux qui nous semblent maintenant les plus vieux, les plus brisés. Il faut les regarder très attentivement pour les trouver beaux. C’est sans doute là où naît la poésie d’une ville, beaucoup plus que dans les beaux quartiers ou dans les banlieues tristes.

Je suis tombé amoureux de ce livre (J’allais ajouter “littéralement” mais bon. On est si vite accusé de “cliché” de nos jours...). Ses personnages me suivront longtemps. Puisse Jean-Simon Desrochers nous déranger encore souvent.

2 commentaires:

Venise a dit…

J'ai encore plus hâte de le lire. Je l'ai, il attend patiemment.

Pierre H.Charron a dit…

Je suis en train de le lire...je suis dans la première centaine de pages......