lundi 11 janvier 2010

Le voyage de l'éléphant, par José Saramago, Éditions du Seuil


Ne vous semble-t-il pas qu'un des plus beau compliment qu'on puisse vous faire, c'est de vous faire confiance? Et qu'ainsi vous vous sentiez plus fort, ou meilleur, ou tout simplement capable. Lire Saramago, c'est constater qu'un écrivain nous fait confiance, nous sait assez perspicace pour apprécier ses mots pourtant choisis, assez tenace pour apprivoiser sa ponctuation revisitée. Lorsqu'on lit Saramago pour la première fois, on se dit: "Ouf, je pourrai pas, c'est beaucoup trop érudit". Mais si on tient bon, on se surprendra à sourire, puis à rire, puis à penser, à s'imaginer ce qui pourrait bien arriver si ses histoires étaient vraies, à se demander où il est allé chercher tout ça.

Une amie d'origine portugaise me disait qu'il écrivait dans une langue un peu vieille mais très belle et très riche. Aussi puis-je constater combien la traduction de Geneviève Leibrich est fidèle. L'esprit subtil, hyper fin, allumé de Saramago donne le plus souvent dans la métaphore. Ses habitués penseront ici à L'Aveuglement où toute une ville devient aveugle, à La lucidité où un pays s'abstient de voter, et à L'Intermitence de la mort où cette dernière décide de ne plus sévir dans un autre pays. Peu importe l'interprétation qu'on y donne, toujours, José Saramago nous happe dans un monde paralèle où le "peut-être" donne froid dans le dos ou donne carrément le vertige en s'ouvrant sur un monde de possibilités auquel on n'aurait jamais pensé.

Avec Le voyage de l'éléphant, l'écrivain portugais nous amène dans le passé et nous fait voyager de Lisbonne à Vienne en compagnie d'un éléphant, de son cornac indien, et de leurs accompagnateurs, soient-ils des soldats portugais ou la cour de l'archiduc d'Autriche en déplacement. Ce dernier reçoit un éléphant en cadeau du roi du Portugal qui profite du séjour de l'Autrichien dans l'Espagne voisine pour y convoyer l'animal... et tout ce qui va avec, et tout ça, en plein 16e siècle. Ce qui pourrait sembler banal ne l'est pas, et ce qui pourrait être compliqué devient simple et beau. Les peurs ressenties par certains équivalent bien celles de notre temps, et les idées préconçues, et l'inconnu qui effraie mais qui fait pourtant grandir.

Ce voyage traverse non seulement l'Europe, mais aussi la tête d'un des meilleurs écrivains de ce temps. Saramago, via une histoire d'il y a cinq siècles, passe ses messages sur l'anglicisation du monde, sur les bienfaits et les méfaits des technologies, écorche au passage la "bienveillante" église catholique, une de ses têtes de turc préférées, et nous fait remarquer à travers tout ça la surprenante beauté du monde. Faut l'faire.

Je ne saurais décrire ce que raconte José Saramago. C'est trop joli, trop bien dit, trop essentiel, pour que quiconque ne s'en passe. Si vous ne connaissez pas encore cet auteur et que vous désiriez le faire, offrez-vous Le voyage de l'éléphant. Vous verrez, c'est très confortable et vraiment dépaysant.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Bonjour Alain,
Je viens de découvrir votre Blog et je crois bien que vos parcours de lecture se sont croisés car je viens juste de publier une impression de lecture sur le même livre à l'adresse suivante:
http://coupsdecoeur.wordpress.com/2010/01/14/voyage-elephant/
J'y ai d'ailleurs référencé votre billet.
Salutations cordiales,
Pierre Roberge

Anonyme a dit…

Désolé, je voulais dire 'nos parcours' et non 'vos parcours'