dimanche 11 mai 2025

Le temps des sucres, par Martine Desjardins, éditions Alto

C'est ce qu'on en a dit qui m'a fait me tourner vers ce livre. Plusieurs ont parlé en bien de cette histoire qui vogue entre l'étrange et l'horreur. Ok. J'assume: je serai le badboy.

Mais quand même, il faut commencer par dire que Martine Desjardins écrit fabuleusement bien. L'histoire qu'elle nous raconte coule sans un mot de trop. Ses sectons courtes permettent de reprendre son souffle et sa langue est celle d'une excellente conteuse.

J'ai justement pris ce livre pour un conte, à la limite de la fable. Oui, c'est dans le registre de l'étrange et du glauque. Rien pour faire des cauchemars, mais assez pour ressentir parfois du dégout. Les personnages sont "gros": un urbain, dans tout ce qu'il y a de plus urbain (beaux vêtements, amateur d'épiceries fines, de petits cafés, végé, etc,) s'amène dans un village en plein bois pour y rencontrer une branche inconnue de sa famille. Les personnages sont rustres, dans tout ce qu'il y a de plus rustres: taiseux, antisociaux, violents, chasseurs, braconiers, carnivores, etc. Tous les personnages sont masculins. On est dans un monde de gars où les femmes ne sont rien, l'autrice prend souvent la peine de le rappeler.

Le décor est menaçant pour l'urbain désorienté. Les arbres semblent se liguer contre lui, l'habitation familiale est aussi rustre que ses habitants, et l'alimentation n'a rien de léger. Dans l'érablière familiale, un arbre fait figure de patriarche qui cache un être mi naturel et monstrueux à figure féminine emprisonné sous les racines depuis des centaines d'années.

J'ai perçu ce conte comme une collection de métaphores: les hommes qui imposent leur violence à la nature, l'héritage ancestral malsain, la nature vengeresse, l'irrespect de la part féminine. Martine Desjardins n'y va pas par quatre chemins pour nous montrer comment elle perçoit le monde. Disons que c'est pas tellement positif, mais surtout... c'est gros. J'ai parfois eu l'impression d'un conteur qui me racontait quelque chose comme la chasse-galerie ou l'arche de Noé pendant le déluge.

Je n'étais peut-être pas disposé pour cet univers-là, ou je ne possède tout simplement pas les clés pour entrer de plein pied dans un tel univers sans trouver ça exagéré. Bref, vous me voyez dubitatif pour un livre fort bien écrit, mais au scénario pas assez subtil à mon goût.

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