lundi 2 janvier 2023

La shéhérazade des pauvres, par Michel Tremblay, éditions Leméac/Actes sud

C'est comme si Michel Tremblay avait fait un cadeau à ses lecteurs de longue date en ressortant un de ses anciens et illustres personnages. Il n'en fait pas moins un fleur au temps présent par la présence d'un autre personnage de notre époque, et c'est tout à son honneur.

C'est du bon, du beau Michel Tremblay, avec de l'amertume à la puissance 10, de l'auto-dénigrement, des moments magiques et grandioses, des épiphanies, des haines viscérales, et beaucoup de respect. Je l'ai lu d'une traite, et j'en aurais pris encore.

Premier ahurissement: Hosanna s'est retiré de la vie publique depuis presque 50 ans, et il vit toujours. Un apprenti journaliste l'a retracé et l'interroge sur son passé connu. Car si le connu a fait la part belle au personnage, l'inconnu le relègue à quelque chose de beaucoup moins beau, voir même, de scrap. En voulant se faire raconter un passé glorieux, le jeune enquêteur découvre un présent sans envergure et défait.

On pourrait croire à du "c'était mieux avant", mais non. On est plutôt devant du "j'ai pas pu". Ce manque d'envergure est récurrent chez cet auteur qui a sû raconter à sa manièere, à s'en faire aduler ou détester, l'histoire populaire de son coin de planète. De la fierté, oui, Claude, dit "Hosanna" en a encore, mais pas autant que de l'admiration, tant pour ce qui est (le jeune journaliste) que pour ce qui a été (lui et ses vieux amis). Chez Michel Tremblay, on se compare beaucoup avec plus grand que soi. On regarde par toutes les fenètres et on fuit les miroirs. C'est ce que chacun vivra, l'intervieweur et l'intervieuwé, le temps de quelques jours à se raconter.

Le cadeau à ses vieux fans, Tremblay le fait en bouclant la boucle au sujet d'une scène majeure d'Il était une fois dans l'Est, un film de son fidèle acolyte André Brassard, dont le scénario met en scène des personnages cultes de Tremblay, dont l'innefable Hosanna, Sandra, Manon, et bien d'autres. Vous ne les connaissez pas? Pas grave, vous verrez le fin de l'histoire autrement. Peut-être même la trouverez-vous encore plus belle parce qu'au bout du récit de cette shéhérazade des pauvres, il y a beaucoup de rêves, d'amour et de liberté, la vraie, celle nous fait nous sentir bien parmi les autres, celle qui nous pousse par en avant.

Un réel plaisir.

Aucun commentaire: