lundi 6 décembre 2021

Le courage de la nuance, par Jean Birnbaum, éditions du Seuil

Si le seul titre de livre vous inspire, vous aimerez le lire. Cet essai donne de l'espoir.

Écrit par un auteur éminament érudit, cet ouvrage a pour prétexte la polarisation des idées, exacerbée par les médias sociaux. On se surprend à constater que quel que soit le côté ou l'on penche socialement ou politiquement, notre seule option est d'opter pour un camp ou pour l'autre, sans nuance. Et à partir de là, on cesse toute écoute, on se solidarise avec nos pairs et on tire en direction de l'autre.

Pourtant, avance Jean Birnbaum, il y a moyen de reconnaître, partout, dans tous les camps, des lumières et des failles. C'est là où entre la nuance. Nuancer, c'est prendre la peine de réfléchir, de se tourner la langue dans la bouche avant de parler et d'éviter de tomber dans les haines et les jugements qui n'apportent rien aux débats d'idées.

Pour étoffer sa thèse, Birnbaum présente des personnalités du milieu littéraire français. J'allais ajouter des personnalités "historiques" puisqu'aucune d'elles n'est encore vivante, mais qu'importe. Il nous fera remarquer très justement que chacun de ces auteurs a passé pour un original ou pour un outsider pour avoir réussi à faire sa vie en commentant, en écrivant, en racontant sans pour autant juger. Être intéressant, ça peut aussi vouloir dire de remettre des choses en question, même des choses qui, de prime abord, semblaient prises pour acquises. Plusieurs ont passé pour des traitres en remettant en question les extrêmes d'idées qu'ils avaient préalablement défendues. Birnbaum explique leur cheminement en quelques pages. C'est extrêmement intéressant.

Je ne connaissais pas tous les auteurs présentés, comme Raymond Avon ou Germaine Tillion. Je connaissais le nom d'autres comme Albert Camus, Hannah arendt et George Orwell et leurs propos, dans ces deux derniers cas, m'ont énormémenet intéressé. Pour Roland Barthes, on parle ici d'un désir vraiment fort de le connaître.

Bref, c'est érudit, oui, mais pas lourd et ça fait du bien. L'auteur le dit bien dans ce livre: l'intellectualisme est souvent décrié par qui se complet dans ses idées bien arrêtées, qu'il ne veut pas déloger. Or, lire des choses comme ça, qui portent à réfléchir, montrent combien, parfois, non seulement nos poumons ont besoin d'air frais, mais aussi, notre cerveau.

J'aurais aimé découvrir aussi dans ce livre des auteurs actuels qui pratiquent l'art de la nuance. Reste qu'en avoir découvert d'anciens me permettra d'en repérer d'autres.

Pour les curieux, c'est chaudement recommandé. Si vous voulez pousser pous loin, écoutez cette entrevue de 7 minutes où Birnbaum explique son livre. C'est fort intéressant.

Aucun commentaire: