dimanche 26 décembre 2021

Femme forêt, par Anaïs Barneau-Lavalette, éditions Marchand de feuilles

Est-ce l'époque, est-ce la saison? S'agit-il des personnages, des décors dans lesquels ils évoluent? Est-ce à cause des mots? Je sors de ce livre touché, sans m'y être attendu.

L'époque est trouble, je la subis, l'autrice aussi. Les lieux sont inconnus mais près de moi. Les personnages sont vrais, je ne les connais pas mais je les comprends. Les mots sont ceux que j'utilise régulièrement, les habitudes me sont connues, les repères aussi, bref, je m'y suis retrouvé. J'avais tout pour aimer ce livre.

Anaïs Barbeau-Lavalette raconte par bribes des épisodes de sa vie récente et passée. Dans le récent, il y a une société confinée et deux familles réunies dans une maison de campagne pour vivre ça de loin. Dans le passé, il y a des parents, des grand-parents, des voisins, des amis, qu'elle fait se promener avec elle entre souvenirs et moments présents. La vie racontée est celle de tous les jours mais les personnages prennent une tournure extraordinaire. On dirait que chaque personne racontée, ne serait-ce qu'en un seul paragraphe, est à elle seule tout un roman. Est-ce vraiment le cas? Anaïs Barbeau-Lavalette est-elle vraiment entourée exclusivemenet de personnages aux vies pleines de choses à raconter?

Peut-être, mais on a la puce à l'oreille lorsqu'on se rend compte qu'en plus des personnages, elle raconte les choses, même les plus immuables comme des arbres, une rivière, des plantes, comme s'ils étaient eux-même des personnages. Il faut un sacré talent pour savoir rendre compte de tout, absolument tout, avec autant d'acuité, de profondeur, et surtout, d'intérêt. Bref, l'extraordinaire vient du talent de l'autrice.

J'avais peur en commençant ce livre. Les journaux personnels, les notes à soi-même et autres auto-façons de se raconter comencent à me peser. J'en redoutais une autre. Mais ouf, c'est fou tout ce qu'il y a de lumière dans ce livre. C'est tout sauf lourd.

Cette autrice est à lire parce que comme toutes celles et ceux que je préfère, elle sait ressentir le monde. Ici, "ressentir" diffère "d"interpréter". Raconter un sentiment d'étouffement qui s'estompe par une marche en forêt, décrire les propriétés d'une herbe considérée comme mauvaise sans pour autant donner dans les propos scientifiques un peu ennuyants, décrire l'amour au tournant d'une phrase, comme une impression furtive mais intense: voilà Femme forêt.

C'est le genre de livre dont on pourrait se demander s'il a été écrit pour coucher ses peines sur papier (ou sur écran) et tomber dans un certain apitoiement. C'est pas ça. Certaines personnes voient les choses, les forêts, le vivant, de plus près que la moyenne des gens, et ressentent les événements avec une sensibilité différente. S'ils savent dirent pourquoi il en est ainsi, ils deviennent de grands auteurs. Voilà Anaïs Barbeau-Lavalette.

À lire, comme vous avez peut-être lu La femme qui fuit. Et si non, à lire quand même, ne serait-ce que pour vous apaiser un peu.

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