dimanche 7 mars 2021

L'ami arménien, par Andrei Makine, éditions Grasset

Il est bon, au sortir d'un livre, d'avoir envie d'aller prendre un café ou un verre avec l'auteur pour qu'il vous raconte, qu'il vous parle, qu'il vous fasse entendre en direct ces images qu'il vous a imprimées en tête grâce à ses mots. C'est ainsi que je me suis senti au sortir de L'ami arménien, un livre touchant, qui raconte doucement la cruauté mais qui donne quand même l'envie de croire en l'humain.

Bien que décrit comme "roman" par l'éditeur, on devine ici un récit. Makine raconte l'épisode d'une amitié de fin d'enfance, alors qu'il vivait encore dans une grande ville russe. Le narateur, orphelin d'environ 13-14 ans, se lie d'amitié avec un jeune gars de son âge originaire d'Arménie, une partie lointaine de l'immense URSS d'alors. Cet ami vit avec les membres d'une petite communauté de la même origine que lui, installés temporairement dans cette grande ville de la lointaine Sibérie pour épauler des membres de leur famille qui y sont emprisonnés, en attente de procès.

Mais ce n'est pas une raison pour se faire un ami lorsqu'on a 13 ans. L'orphelin russe aime d'abord le caractère étrange de son ami, sa maturité, son stoïcisme devant les inévitables intimidateurs à l'école. Puis, c'est la découverte des gens qui l'entourent, de leur monde et de son histoire.

L'ami arménien raconte la découverte du monde, de l'autre, de la différence. L'adolescent narrateur est orphelin. Le garçon étrange qui deviendra son ami est atteint d'une étrange maladie et vit dans un quartier peu fréquentable et laid. C'est justement en entrant dans l'espace habité par cette communauté étrangère que l'orphelin découvrira des atmosphères inconnus, des attentions envers lui, une curiosité, de l'écoute. Il découvrira aussi un pan de l'Histoire relié au passé trouble des Arméniens. Il faut du doigté pour raconter l'horreur d'un génocide en quelques paragraphes. Andrei Makine y parvient le plus sobrement, mais efficacement du monde.

Le narrateur découvrira donc la cruauté, celle du monde, de l'époque. On pourrait parler de "cruauté systémique". Reste que c'est écrit par Andrei Makine, un auteur à l'écriture souple, fluide, et sans prétention. En terminant L'ami arménien, on est touché. C'est un livre court, mais très enveloppant dont on aurait aimé parler avec l'auteur. En attendant, vous avec ici une bonne entrevue d'une vingtaine de minutes d'Andrei Makine qui nous parle de l'Ami arménien, un beau livre que vous lirez avec plaisir.

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