dimanche 5 février 2017

Purity, par Jonathan Franzen, éditions Anchor Canada

Purity, c'est une fille dans la vingtaine qui se trouve au centre d'un roman dont elle n'est pas nécessairement... le centre. Élevée par une mère monoparentale dans une petite ville reculée des montagnes de Californie (oui, ça existe des coins perdus en Californie...), cette dernière a toujours tout fait pour cacher à sa fille l'identité de son père. Quant à Purity, elle st gentille mais un peu trash, intelligente mais avec aucune confiance en soi. Bienvenue chez Jonathan Franzen.

Parallèlement à l'histoire de Purity, il y a Andreas Wolf qui poursuit son projet de produire toujours plus de fuites via internet pour que des médias choisis diffusent de bonnes et vraies informations (ça vous dit quelque chose?). Plus connu et admiré que Julian Assange, Wolf est un Allemand de l'Est qui dirige maintenant son affaire à partir d'une vallée bolivienne où travaillent pour lui une armée de jeunes filles recherchistes et de jeunes geeks chevronnés.

On comprendra que ces deux histoires se croiseront. Je ne dévoilerai rien de l'intrigue, vous m'en voudriez, car pour faire se croiser deux personnages qui partent de tels antipodes, il faut être sacrément tordu. Voilà encore Jonathan Frenzen: un écrivain tordu qui écrit des choses tordues... sur une société tordue. Et pourtant, plus qu'une autre critique de la société américaine, il dresse ici un portrait d'une bonne majorité de la population, disons... universelle: il y a les tortionnaires, et il y a les torturés. Mais voilà, on ne parle pas ici de gros méchants despotes et de leurs contestataires. Non. On parle plutôt de relations... parents-enfants.

Dans Purity, il est question de control-freaks et de chantage émotionnel où les plus mauvais rôles sont joués par... des mères. En ce seul sens, ce livre est extrêmement tordu. Oui, on en a vu des portraits de mères dominantes, du style Jewish-Mother ou mère italienne envahissante. Ici, c'est autre chose. On parle plutôt d'égoïsme, d'égos surmultipliés et de pouvoirs qu'ont certains sur les autres, et ce sans aucune légitimité légale que ce soit. Dans une certaine scène, un des personnages se sent comme si un autre lui mettait une cuillère de bois dans le cerveau pour lui triturer les méninges, et ce au vu et au su des deux protagonistes, tant du porteur de la cuillère que du propriétaire du cerveau. Et si on avait tous quelqu'un qui cherchait à nous contrôler, que ce soit dans notre vie personnelle ou professionnelle? Tous? Peut-être pas. Mais alors qui s'en sort? Qui sont les plus libres d'entre nous? Comment se libérer de quelqu'un qui nous connaît trop? Nos faiblesses sont autant d'aimants qui attirent les contrôleurs. Et pourtant, ces contrôleurs agissent ainsi parce qu'eux aussi, justement, ont des faiblesses encore bien plus grandes que les nôtres.
L'intrigue est digne des polars psychologiques les plus enlevants. À la façon des grands romans américains, Purity contient des dialogues extrêmement savoureux et des moments forts tant dans la cruauté que dans le presque burlesque. Fort, Franzen connaît son matériel: l'humain. Bon, maintenant, devrait-t-on préciser la nature de l'humain en question en précisant son américanité? Pas certain puisqu'il nous propulse entre l'Allemagne de l'Est d'avant 1989 et les USA de l'ère numérique. Alors, l'américanité est-elle seulement propre à l'auteur? Peut-être. Les étrangers ont-ils les mauvais rôles? Les femmes seraient-elles dépeintes comme plus viles que les hommes, qui seraient d'éternelles victimes dont on pourrait, à la limite, excuser les crimes?

Ça fait beaucoup de questions, et il y a de quoi. Purity est étonnant et complètement captivant, tout américain qu'il est, avec ses forces (le récit) et ses... disons... particularités (ses personnages). Et si le titre/nom du personnage vous faisait peur, voyez ça comme un leurre. C'est, en fait, tout aussi tordu que ce que ce livre raconte, et ce qui en fait un grand livre. S'il n'est pas aussi grinçant que Freedom, le lire précédent de Franzen, Purity le rejoint en termes de structure, parce que ce livre est comme constitué de plusieurs livres qui, mis ensemble, en créent un excellent qui se lit avec plaisir.

Purity est aussi paru en français aux éditions Boréal.

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