dimanche 22 mai 2016

Les humeurs insolubles, par Paolo Giordano, éditions du Seuil

Le narrateur et sa compagne ont eu besoin d'un peu d'aide après la naissance de leur premier enfant. Aussi ont-ils engagés Madame A. comme femme à tout faire pour s'occuper de leur logis, puis bientôt de leur enfant. Discrète dans son quotidien, vivant dans un monde on ne peut plus simple, cette veuve un peu rustre s'avérera une aide précieuse, et petit à petit, exaspérante et un peu lourdaude, elle deviendra essentielle à la vie de ce couple de professionnels italiens fort occupés. En fait, ils prendront pleinement conscience de la place de madame A. dans leur vie lorsque cette dernière leur apprendra qu'elle quitte son emploi. Cette nouvelle choc sera précédée d'une autre encore bien plus grave: bientôt, Madame A. va mourrir.

Ce court livre est un petit trésor. Écrit tout en retenue, émotif sans tomber dans le sirupeux, il aborde un sujet dont on ne sait plus tellement que penser: le deuil.

Avec l'orée de la mort, viennent les bilans plus ou moins utiles, les questions qu'on se pose sur celui qui va mourir et par le fait même, sur soi. On constate des choses, comme si la fin d'une vie donnait plus de place à la nôtre. C'est ce que raconte le narrateur, un scientifique dont la vie n'a rien d'extraordinaire. Comme celle da la bonne Madame A., sans éclats, qui s'éteint tranquillement sans rien demander, ni rien faire. Même son petit patrimoine, amassé au cours d'une vie où un court amour a empreint le reste de ses jours, restera sans attention. Le narrateur le lui reproche. Souvent, il dira de Madame A. qu'elle ne s'occupe pas assez de ses affaires, qu'elle va rater sa sortie, bref, il lui reprochera autant de choses qu'il vit ou qu'il pourrait bien vivre lui-même.

Puis il y a l'amour, celui d'un homme pour une femme, d'un couple pour son enfant, de deux jeunes professionnels pour une vieille dame de classe bien moins que moyenne. Tout ça dure-t-il? Et comme la vie, faut-il travailler et se battre pour poursuivre tout ça? Car sinon, que reste-t-il sinon la fin de quelque chose?

En peu de pages de mots, Paolo Giordano fait le tour de ces grandes questions avec énormément de grâce. La fin a quelque chose de celle de Paul à Québec. Les lecteurs de ce nouveau monument de la littérature québécoise ne peuvent que s'en souvenir. Ici, dans Les humeurs insolubles, on reste sur la même impression de tristesse et de grandeur, un sentiment fort, mais doux et vraiment très beau.

Hyper bien traduit, la langue est belle, berçante, et efficace parce qu'absolument pas ennuyante. En ce sens, Paolo Giordano me ramène à Baricco, Calvino et de ces quelques auteurs italiens que j'aime énormément.

Quelle belle découverte à faire pendant l'été!

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