mardi 17 février 2015

La mort d'un père, par Karl Ove Knaussgard, éditions Denoël & D'Ailleurs

D'abord, j'ai eu l'impression de lire un récit. Ensuite, j'ai plutôt crû à une bio. Je commençais à croire à un autre écrivain qui se racontait, jusqu'à ce que j'aie plutôt la presque conviction d'être en train de lire la version écrite d'un genre de télé-réalité étalé sur plusieurs années. Si on m'avait parlé de ce livre de cette façon, jamais je ne l'aurais ouvert. Moi? Contribuer à l'exhibitionnisme volontaire d'un auteur, fut-il inconnu, en le lisant? Pfff. Et pourtant, j'ai lu ce livre assis sur le bout de ma chaise. Je crois qu'on parle ici de quelque chose de très, mais alors là, très distinctif. Et c'est bon. Très bon.

D'abord, ce Norvégien vivant en Suède raconte sa nouvelle vie de père. C'est dur. Ça l'empêche de se vouer autant qu'il le voudrait à l'écriture. Bon. Mais encore... Tiens, ça le fait penser à d'autres malaises vécus dans l'enfance. Retour dans les années 70 en Norvège avec la chronique d'une petite famille ordinaire, les parents plus ou moins présents, le père pas trop enclin à la communication, bref, tableau connu. Et pourtant, là encore, j'étais fasciné.

À lire Knaussgard, on se demande si c'est par phénomène d'identification qu'on embarque autant. Me voyais-je en lui, moi ou des proches? Bien sur, lire la vie ordinaire d'Européens du Nord dans les années 70, et bientôt 80, a ceci de fascinant qu'un Québécois comme moi peut faire plusieurs ressemblances. Il faut dire qu'en plus de se raconter, le gars prend aussi la peine de bien décrire ses décors, tous, avec pertinence, et force détails qui nous font sourire. Bien écrit? J'irais pas jusque là. Pas mauvais non plus. En fait, il est certain, voir assuré, que l'excellente traduction de Marie-Pierre Fiquet y est pour quelque chose parce que...

Intrigué par l'intérêt que je portais à ce livre (vraiment!), j'ai osé quelques recherches sur l'auteur, jusqu'à ce que je tombe sur cet article. Son titre: "J'ai créé un monstre que je ne contrôle plus". Knaussgard y dit avoir raconté là de vraies bribes de sa vie. À peu près tous les personnages et les événements sont réels. Or, ceux-là lui en veulent, et il semble qu'ils ne se sont pas gênés pour le lui dire. On le comprendra, ça a fait l'événement en Norvège. Mais voilà, on dit de ce livre qu'il, dans sa version originale en Norvégien, est mal écrit, plutôt mal ficelé, du genre "premier jet". D'où l'importance de la traduction... Et pourtant... Un deuxième tôme suit La mort d'un père. Traduits, les deux bouquins font un tabac à travers l'Europe. Aux États-Unis, on faisait la file pour obtenir une dédicace de lui. Alors c'est quoi, une rock star littéraire? Je ne crois pas.
Le titre de ce livre n'est pas anodin. Dans la seconde partie du livre, Knaussgard raconte l'épisode du décès de son père, survenu assez tôt, alors que l'auteur était dans la fin-vingtaine. Cette mort est dure. Le mort l'était aussi et le fils le vit tout aussi durement. Mais voilà, après nous avoir raconté le plus simplement du monde son enfance, ses angoisses d'enfant, ses peurs, ses joies, ses doutes, bref, après nous avoir amadoué, il nous captive encore plus en nous faisant vivre avec lui quelque chose qu'on ne vit que rarement d'aussi près en littérature: la peine. Et la peine, ça nous mène à toutes sortes d'endroits, ça nous donne toutes sortes d'idées, de peurs, de suppositions, de malaises et ça aussi, Knaussgard les raconte. Et c'est très habile. Grand gueule? Oui, Méchant? Je ne sais pas. Bon écrivain? Oui, définitivement.

Écrire sans aucun filtre, sans même se censurer soi-même est rare. Peut-être Karl Ove Knaussgard est-il en train de briser quelques tabous. Bon, qu'il nous dise qu'il "hait ce qu'il a écrit", alors là... relativisons. Que les remords l'assaillent, on peut le comprendre à la lecture de son livre, puisqu'on dirait que c'est l'histoire de toute sa vie. Alors, que ça se continue comme ça, ma foi... En tout cas, moi je continue. C'est certain, je lis le deuxième.

2 commentaires:

Marie-Claude a dit…

Ce n'est que maintenant que je découvre ton blog. Je rattrape le temps perdu! Mieux vaut tard que jamais! J'ai le tome 1 et 2 sur ma pile à lire... J'attends l'été pour les entamer, un à la suite de l'autre!

Alain a dit…

Merci pour le message, et bonne lecture de Knaussgard. C'est presqu'à te souhaiter des jours de pluie! Ces bouquins sont captivants!